Campagne de dons – Juin 2020
Chers amis lecteurs, Au début de cette année, nous écrivions que 2020 serait une année de bouleversements à l’échelle mondiale. Elle a pleinement tenu ses promesses, et ce n’est apparemment que le début de quelque chose de plus grandiose encore, et dont la principale caractéristique est une tentative de prise de contrôle total de l’information. C’est même l’essence de toutes les guerres livrées contre les peuples depuis quelques décennies. Plus que jamais, il est nécessaire que des sites comme le nôtre se multiplient pour contrer toutes les tentatives de monopoliser l’information à des fins de manipulation. Grâce à votre fidélité, vos encouragements et votre aide, nous avons réussi à surmonter toutes les pressions et contourner les divers obstacles destinés à nous faire disparaitre ou à nous intimider. Nous comptons à nouveau sur vous pour nous aider dans notre combat, et nous permettre de continuer à vous fournir un travail de qualité et une vision juste et équilibrée du monde. Merci pour votre soutien. Avic
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par Andre Vltchek.
Depuis près d’une décennie, je couvre les « révolutions de couleur » dans pratiquement toutes les régions du monde. Alors que je réalisais un film pour TeleSur, je faisais face aux chars égyptiens, risquant ma vie sous les tirs des snipers, me faisant malmener au milieu des affrontements des partisans d’al-Sisi et de Morsi.
Avec des commandants syriens, j’ai également affronté les terroristes d’Idlib, défié les fascistes ukrainiens, rencontré des aînés indigènes boliviens dans l’Altiplano, après la révolution d’Evo Morales, et après que le MAS ait été écrasé par le coup d’État américain en 2019. J’ai régulièrement travaillé au Venezuela, au Liban et en Irak. Et bien sûr, je suis retourné à maintes reprises à Hong Kong pour rendre compte des tentatives systématiques de l’Occident de radicaliser la jeunesse de la Région Administrative Spéciale et de nuire à la Chine.
Je mentionne tout cela juste pour établir que je suis très conscient de la manière dont ces « révolutions de couleur » sont déclenchées et mises en œuvre.
Les « révolutions de couleur » ! Contrairement à de nombreux « analystes » qui lancent maintenant ce terme à gauche et à droite, souvent sans jamais en avoir fait l’expérience directe, j’ai parlé avec les gens sur le terrain, examinant les dynamiques, posant des questions sans fin. À de nombreuses reprises, j’ai risqué ma vie pour obtenir un contexte philosophique et une histoire juste.
Franchement, j’en ai assez des théories de conspiration, de l’ignorance, des clichés et de l’arrogance de ces « analystes » qui, du confort de leur canapé, quelque part en Europe ou aux États-Unis, émettent des jugements et des conclusions, avec cet air fier de supériorité.
Depuis que la police a assassiné George Floyd à Minneapolis, depuis que les États-Unis ont littéralement explosé, depuis que les Afro-Américains, les Amérindiens et d’autres personnes terriblement opprimées sont descendus dans la rue dans des centaines de villes pour demander justice, un groupe important « d’analystes » « je sais tout », principalement blancs, a commencé à dénigrer les manifestants, les qualifiant de « violents », « d’émeutiers », de « créations de Soros et des Sionistes » ! Et à la fin, avec un sarcasme noir, déclarent que les États-Unis eux-mêmes souffrent maintenant de ce qu’ils ont répandu dans le monde entier depuis des années – la fameuse « révolution de couleur ».
Beaucoup de ces « analystes » sont devenus si agressifs et si bruyants qu’ils ont littéralement réussi à monopoliser le « récit alternatif ». Soudain, il ne restait presque plus de place pour ceux d’entre nous qui écrivaient continuellement, en utilisant la perspective internationaliste traditionnelle de gauche.
Tout d’abord, même le terme lui-même – « Révolutions de couleur » – est devenu un mauvais cliché.
L’empire occidental détruit le monde depuis plus de 500 ans, de la manière la plus brutale qui soit. Des centaines de millions de vies ont été perdues. Des continents entiers ont été pillés. Des gens ont été réduits en esclavage.
À la fin de l’ère coloniale, dans diverses parties de notre planète, au moins une certaine semi-indépendance a été atteinte. Mais d’innombrables gouvernements d’Afrique, d’Asie, du Moyen-Orient et des États-Unis continuaient de subir le diktat directement depuis Washington, Londres, Paris et d’autres capitales occidentales.
Après l’effondrement de l’Union Soviétique, la situation semblait désespérée. Mais avec la montée de la Chine et de la Russie, ainsi que de l’Iran, un grand espoir est revenu, et de nombreux pays se sont lancés dans la deuxième étape de la décolonisation.
Le processus était confus et déroutant. Chaque pays était différent. Il y a eu des tentatives de déclenchement de véritables révolutions (Égypte), mais il y a eu aussi la naissance de mouvements clairement anti-révolutionnaires et de droite (Syrie, Ukraine).
Dans de nombreux pays où de véritables griefs du peuple ont fait descendre des masses dans la rue, des masses qui réclamaient principalement des réformes sociales et politiques, l’Occident a rapidement infiltré plusieurs mouvements et a littéralement kidnappé les révolutions. C’est ce qui s’est passé en Égypte, mais aussi, quelques années plus tard, au Liban et en Irak.
Mais prétendre que l’Égypte n’a pas tenté de révolution serait insultant, condescendant et incorrect ! L’Égypte souffrait du terrible régime pro-occidental et de l’armée. Le peuple égyptien s’est soulevé. Je travaillais avec un groupe de médecins marxistes pendant le processus ; j’ai tout vu, du sol, pour ainsi dire. Mais la révolution a été infiltrée et finalement détruite.
Au Liban aussi. Pendant cinq ans, j’ai été basé là-bas ; à Beyrouth et en Asie. Les gens en avaient assez de la « démocratie confessionnelle », des religions qui déchirent la nation, du capitalisme sauvage, des infrastructures effondrées et des services sociaux inexistants. Le Hezbollah, détesté par l’Occident et Israël, a été le seul fournisseur solide de services sociaux à tous les Libanais démunis, pendant des années et des décennies. C’est ainsi qu’au Liban aussi, les gens se sont soulevés. Tard, en 2019, mais il s’est soulevé. Bien sûr, quelques semaines plus tard, j’ai commencé à apercevoir les poings serrés de « Otpor » et de « Canvas » sur la Place des Martyrs (ceux utilisés en Serbie, lorsque le Président Milošević a été chassé du pouvoir, avec le plein soutien de l’Occident). Bien sûr, l’Occident a commencé à soutenir les rebelles, car il voulait se débarrasser du Hezbollah, qui faisait partie de la coalition au pouvoir. Mais le peuple libanais a des milliers de griefs légitimes ; des raisons de se rebeller. Cependant, l’Occident a habilement infiltré et, dans une certaine mesure, manipulé le soulèvement, qui se poursuit encore aujourd’hui. Et nous n’avons aucune idée de la direction que tout cela va prendre.
Voyez-vous la complexité de la situation ? Elle ne correspond à aucune des simplifications, et des clichés ! Et bien sûr, elle est encore plus compliquée que la façon dont je la décris ici. Il faut des livres entiers pour l’expliquer.
La Syrie : une autre histoire totalement différente, et une espèce complètement distincte de « révolutions de couleur », si vous voulez l’appeler comme ça. Quelques griefs, oui. Mais aussi, un solide État socialiste panarabe, que l’Occident, les Saoudiens, les Qataris, les Israéliens et d’autres alliés de Washington voulaient désespérément détruire ; un gouvernement qu’ils visaient à renverser. Après une rébellion relativement légère à Alep et à Holms, soutenue par la coalition des États du Golfe et l’Occident, les Saoudiens et les Turcs ont commencé à injecter des forces de combat monstrueuses et meurtrières en Syrie, de l’État Islamique aux Ouïghours, et tout ce qui s’en suit.
Tous ces cas d’interférences en provenance de l’Occident sont totalement distincts, même si certains schémas peuvent être détectés. Et nous sommes toujours dans la même zone culturelle et géographique.
Regardez maintenant plus loin : Bolivie, Cuba, Venezuela, Iran, Hong Kong (Chine).
Dans tous ces endroits, il y a des interventions directes, une contre-révolution évidente ! Elle est financée, soutenue et coordonnée depuis Washington, Londres, Berlin, Paris et d’autres capitales occidentales.
En Bolivie, les élites chrétiennes blanches, racistes et fondamentalistes ont renversé, avec le soutien total de la Maison Blanche, le gouvernement légitime, multiculturel, démocratique et extrêmement efficace du Président Evo Morales. Cela s’est fait après l’agitation d’un petit secteur de Boliviens, clairement financé par l’étranger et par les élites locales. Un mois après le coup d’État, je travaillais dans tout l’Altiplano, recueillant des témoignages d’indigènes qui ont été humiliés, torturés, maltraités, voire tués par un nouveau régime illégitime.
C’est un « scénario » assez différent, n’est-ce pas, différent de celui du Liban, de la Syrie et de l’Égypte ? Est-il vraiment légitime de tout cacher sous une seule étiquette « Révolutions de Couleur » ?
Regardez Cuba : des décennies et des décennies de terreur contre cette île merveilleuse ! Des avions de passagers pulvérisés dans le ciel. D’innombrables complots d’assassinat contre ses dirigeants. Guerre chimique, guerre biologique, bombardements de cafés, de restaurants et d’hôtels. Tout cela est prouvé et documenté. Et des tentatives constantes de recrutement, de radicalisation des citoyens cubains – pour les forcer à s’opposer à leur propre gouvernement.
Le Venezuela, une nation qui offrait un espoir immense à l’ensemble du continent divisé. Un Venezuela compatissant, courageux, construit sur la solidarité. Regardez ce qui lui a été fait. Les tentatives de coup d’État se succèdent. Des embargos. Recrutement de cadres traîtres. Attaques de la Colombie voisine. Une autre « Révolution de couleur » ? Ou simplement une campagne de terreur ?
Hong Kong : une ville, ancienne colonie britannique, qui a été « sacrifiée » par l’Occident, alors qu’elle était littéralement transformée en champ de bataille contre le pays le plus optimiste de la Terre – la Chine. Là, le symbole était un parapluie, et non une couleur. Aujourd’hui, il semble qu’il n’y ait plus aucun symbole, juste de la rancune, de la violence et de la haine.
Il est facile de comprendre que l’étiquette « Révolution de couleur » banalise tout.
Je suis surpris que certains théoriciens de la conspiration n’aient pas encore trouvé de schéma, qui dirait que le terme même – « révolutions de couleur » – a été inventé pour rabaisser ce que l’Occident impérialiste a fait au monde. Pour tout jeter dans un seul sac, et tout confondre.
Retour aux États-Unis.
« Révolution de couleur » là-bas aussi ? Pour l’amour du ciel, vraiment ?
Après l’assassinat de George Floyd, les protestations sont discréditées, encore et encore, par les personnes qui, on pourrait le croire, devraient se tenir aux côtés des opprimés. Au lieu de cela, ils appellent la rébellion « émeutes », ils prétendent qu’ils sont soutenus par Soros, Gates, d’autres !
La terrible vérité est apparue : aux États-Unis, il n’y a presque plus rien. Il n’y a plus de véritable gauche. Pas de gauche internationaliste.
Au lieu de cela, il y a des tonnes de sites sur la théorie du complot.
Il est significatif que dans les rues de Minneapolis, Atlanta, New York, les Noirs ne se contentent pas de demander justice pour eux-mêmes, ils crient des slogans internationalistes, ils demandent justice pour le monde. C’est quelque chose de nouveau, de merveilleux.
Mais ce fait passe inaperçu, il est à peine rapporté.
L’explosion de rage, le courageux soulèvement qui a eu lieu partout aux États-Unis, ont visé les fondements de l’histoire monstrueuse de plus de 200 ans, sur lesquels le pays est fondé. Tout d’abord, l’invasion colonialiste par les Européens génocidaires, puis l’extermination de la grande majorité des autochtones, et simultanément l’esclavage le plus répugnant qui a été approuvé et utilisé par les pères fondateurs.
L’état actuel des peuples opprimés aux États-Unis est clairement et directement lié à ce passé. Mais pas seulement : l’état du monde entier ne pourrait être compris que si on le replace dans le contexte de ce qui a été fait aux autochtones et aux esclaves noirs brutalisés aux États-Unis mêmes.
Le colonialisme, les campagnes d’extermination en Asie, en Afrique et en Amérique Latine sont liés à la situation critique des personnes non blanches aux États-Unis.
Aujourd’hui, les Noirs aux États-Unis se battent pour eux-mêmes et leurs enfants, mais aussi pour leurs frères et sœurs dans tous les coins du monde, qui sont toujours colonisés et pillés par Washington et Londres.
Tous les manifestants le savent-ils ? Certains le savent, d’autres non, et beaucoup le sentent, intuitivement.
Maintenant, sur l’idée qui est avancée par ceux qui tentent de discréditer ce soulèvement : tout cela est-il aussi une lutte de pouvoir au sein de l’establishment américain ? Les Démocrates, par exemple, essaient-ils de manipuler la situation, de l’utiliser à leur avantage ?
Je ne doute pas qu’il y ait de telles tentatives. Presque tout le monde aux États-Unis utilise toujours les choses, en cherchant des avantages. C’est ce qu’on apprend aux gens à faire, à vivre dans un système capitaliste sauvage.
Mais ce sont deux problèmes distincts !
Même si Gates, Soros, l’État Profond, les Démocrates, les médias, et dieu sait qui d’autre, veut kidnapper le récit et faire dérailler le soulèvement, cela ne change rien au fait que les peuples dont les vies ont été, pendant des générations, ruinées, sont maintenant enragés, et que leur rébellion peut ébranler les fondations du pays tout entier, et le terrible ordre mondial !
Au moment même où j’écris ces lignes, le soulèvement aux États-Unis a déjà inspiré le nouveau mouvement @PapuanLivesMatter, qui fait référence à un génocide en cours en Papouasie occidentale, perpétré par l’État indonésien au nom des gouvernements et des sociétés minières d’Occident.
Et ce n’est qu’un début.
Les griefs sont légitimes. La lutte pour la justice est légitime. L’essentiel est maintenant de séparer la lutte contre le racisme, le colonialisme et l’impérialisme, des intérêts politiques de l’establishment, ou d’une partie de celui-ci.
Cette séparation ne peut se faire que sur les barricades. Et puisque l’éducation a été kidnappée par le régime, il faut accélérer l’injection de l’éducation révolutionnaire administrée aux manifestants et au grand public. Une éducation sur le passé et le présent.
Mais nous ne devons pas abandonner les manifestants !
Et appeler leur soulèvement « Révolution de couleur » est irrespectueux et oui : raciste !
Leur rage est légitime. Et bien sûr, la rage des peuples du monde entier est également légitime, sans aucun doute.
Conclusion
Premier point : Le terme général de « révolutions de couleur » est erroné. Ceux qui en font la promotion ne font que semer la confusion. Au cours des dernières années et décennies, l’Occident a utilisé de nombreuses tactiques différentes pour renverser les gouvernements, subvertir les mouvements et les révolutions légitimes et dissuader la lutte révolutionnaire et anticolonialiste. Chacune doit être examinée et exposée séparément, individuellement. Sinon, cela créerait une masse indigeste, volontairement confuse, et endommagerait davantage la lutte pour l’indépendance. Sinon, le nihilisme se répandrait et le zèle révolutionnaire serait découragé.
Deuxième point : aux États-Unis, la lutte actuelle contre le racisme, la ségrégation et l’impérialisme est une lutte légitime, qui a une influence énorme et positive sur le monde entier. S’il existe des intérêts politiques qui tentent de la saper et de la faire dérailler, ils devraient être dénoncés par le peuple américain. Mais cela ne signifie pas du tout que les manifestants doivent être découragés, et encore moins ridiculisés. Ceux qui se battent pour la justice, et pour le monde entier, devraient être embrassés et soutenus de tout cœur !
source : https://ahtribune.com
traduit par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International