Source : Perspectives France-Vietnam.
Le Vietnam a été félicité par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) pour sa stratégie efficace de lutte contre la pandémie du Covid-19. Pays « en voie de développement », peuplé de 94 millions d’habitants, il a mis en œuvre une stratégie de défense à « bas coût » et a réussi à faire bien mieux que de nombreux pays riches, en premier lieu les États-Unis, mais aussi la France. Cela alors qu’il était parmi les plus exposés, à cause de sa proximité avec la Chine.
Le Vietnam a des expériences de confrontations avec des épidémies depuis la crise du SRAS en 2003, celle de la grippe aviaire et enfin celle du MERS qui ont marqué la mémoire collective des Vietnamiens. Personne n’a donc pris le sujet à la légère. L’ État vietnamien, protecteur, a endigué le virus de manière humaine et appliquée. Les Vietnamiens ont fait corps avec le gouvernement.
Le système public de santé décentralisé, où l’hôpital occupe une place prépondérante, a joué tout son rôle. Dans ce système, le service de santé de chaque province supervise et coordonne l’activité des services de santé de district et des dispensaires communaux. Il gère également des hôpitaux provinciaux, des services de médecine préventive.
Le Vietnam cité en exemple
« Coronavirus : le miracle vietnamien » (1)
« L’« offensive de printemps » réussie du Vietnam contre le Covid-19 » (2)
« L’insolente réussite du Vietnam face au Covid-19 » (3)
« Coronavirus : Vietnam, le pays à zéro mort » (4)
« Viet Nam Zéro mort du coronavirus : comment expliquer le mystère vietnamien ? » (5)
« Face au Covid-19, les clés du succès vietnamien » (6)
« Vietnam : déconfinement du pays qui enregistre zéro mort » (7)
« L’étonnant succès du Vietnam communiste face au coronavirus » (8)
« Le Vietnam face à la pandémie : une stratégie efficace » (9)
Le Vietnam est donc cité en exemple pour sa stratégie efficace de lutte contre le coronavirus. Ces quelques titres de la presse française, parmi tant d’autres aux plans national et international en témoignent (10). Les chiffres sont là pour étayer ces titres. Ainsi au 15 mai y avait-il zéro mort et seulement 288 cas dont 241 guéris : un bilan jugé globalement crédible par l’Université John Hopkins, une référence sur la question (en Asie de l’Est, par exemple, les chiffres de Taïwan sont de 7 morts et 440 cas dont 366 guéris) (11). Le Vietnam affiche un des meilleurs bilans au monde face au Covid-19. Et les médias soulignent la forte mobilisation du système politique et la transparence dont font preuve les autorités vietnamiennes dans leur politique d’information vis-à-vis de la population sur les questions sanitaires. Ainsi Ouest-France, le 22 avril : « Il y a sans doute un peu plus de cas, il y a peut-être des morts dont on n’a pas connaissance dans les campagnes. Mais s’il y avait des gens qui se rendaient massivement aux urgences, on le saurait. Il n’y a aucune entreprise gouvernementale pour masquer la situation. Avec les réseaux sociaux, très utilisés au Vietnam, ce serait de toute façon très difficile. » (5).
Une stratégie extrêmement offensive
Dès les premiers signes de présence potentielle du virus, le gouvernement a anticipé. En effet, « la première évaluation du risque a été faite début janvier, peu de temps après l’annonce par la Chine de l’apparition des premiers cas de contamination », s’est félicité Kidong Park, représentant de l’OMS à Hanoï. Le Vietnam a agi fortement, et vite, et de façon ciblée. Et il a su élargir les mesures ciblées quand cela était nécessaire. Trois maîtres-mots : Anticiper, dépister et isoler. Les mesures prises :
- a) la fermeture des frontières, notamment celle avec la Chine, longue de 1300 kilomètres, dès le 1er février. Les personnes qui entrent dans le pays sont mises en quinzaine ; c’est notamment le cas des jeunes vietnamiens étudiants à l’étranger qui reviennent au pays. Des contrôles sanitaires ont été instaurés dans les aéroports. Les douaniers et les policiers sont équipés tout simplement… de thermomètres. De plus, les avions sont désinfectés dès leur arrivée.
- b) La fermeture des écoles depuis la fête du Nouvel An, le Têt du 25 janvier. Mais le gouvernement n’a pas arrêté les activités économiques.
- c) Le repérage et le testage des personnes qui pouvaient présenter quelques symptômes et leur isolement immédiatement et localement, dans les écoles, des centres de l’armée ou des hôtels pendant 15 jours. N’ayant pas pu faire beaucoup de tests, le Vietnam a adopté en contrepartie une stratégie extrêmement offensive pour retrouver toutes les personnes contaminées et celles avec qui elles ont été en contact. Cette stratégie avait déjà porté ses fruits lors de l’épidémie de SRAS. Ci-après, la méthode telle que l’a exposée Jean-Noël Poirier, ancien ambassadeur de France au Vietnam, lui même victime du Covid-19 (12).
« Toute personne contaminée (le F0) doit donner séance tenante l’identité de toutes les personnes qu’il a côtoyées (les F1) dans les jours précédents et lister tous les lieux où elle s’est rendue. Je l’ai moi-même fait, dans la nuit du 24 au 25 mars, avant de partir à l’hôpital. Les personnes côtoyées, les F1, sont envoyées immédiatement en quatorzaine dans un centre fermé ou à la maison et testées. Obligation est faite à chaque F1 de prévenir les personnes avec lesquelles il a été en contact. Ce sont les F2. Tarif pour les F2 : distanciation sociale et si possible confinement à la maison durant 14 jours, ou dans un centre fermé souvent géré par l’armée ou à l’hôpital. Si un des F1 se révèle positif, rebelote. Tous ses F2 deviennent alors des F1, sont envoyés à leur tour en quarantaine et testés. Et ainsi de suite. Ce travail de suivi pyramidal de la population infectée et à risque est un travail de titan ou de fourmi au choix. »
Le cas du « patient 17 », mannequin jet-setteuse, illustre cette stratégie. « Le 1er mars, elle rentre au Vietnam, sur le vol VN 5005, Londres-Hanoi, en classe business. Son chauffeur privé l’attend et l’emmène dans sa résidence. Elle est hospitalisée le 5 mars et testée positive. Sa tante et son chauffeur aussi. Les autorités confinent illico 200 personnes qui ont été en contact avec elle. Son quartier est mis en quarantaine et tout est mis en œuvre pour retrouver les passagers du vol VN 5005. Les autorités ont été très efficaces. La police allait dans les hôtels, pour retrouver les passagers du fameux vol. Grâce aux déclarations obligatoires à l’entrée du territoire, ils ont réussi à retracer tout le monde. Sans compter les voisins qui parlaient spontanément » (13).
Un peu partout, des regroupements d’habitations ont été mis en quarantaine. Des quarantaines massives. Parce qu’il y a ici un touriste anglais déclaré positif, là un ressortissant italien, là encore un Viet-kieu revenu des États-Unis. Une zone entière, dans le nord du Vietnam, a été mise sous quarantaine pendant 21 jours
- d) La diffusion par tous les moyens des mesures de protection, des gestes barrières, de toutes les informations, notamment par smartphone. Le ministère de la santé a envoyé régulièrement par SMS des informations sur l’évolution du virus ou des conseils d’hygiène. La population a ainsi reçu un SMS quasi-quotidien contenant des indications ou des avis de recherche de personnes à risque. Les messages de prévention sur le coronavirus tournaient en boucle sur les haut-parleurs, présents dans toutes les villes et villages.
- e) Le port généralisé de masques de tous types (tissu, papier…). Les Vietnamiens ont l’habitude de mettre des masques mais, en la circonstance, ils se sont mis à en porter partout, tout le temps, ce qui est devenu obligatoire dans l’espace public dès la fin janvier.
- f) Un confinement progressif s’est installé dans le pays. Et le Premier ministre, Nguyên Xuân Phuc, a décidé d’instaurer un confinement national pour 15 jours à partir du 1er avril, un confinement depuis assoupli : « Rester chez soi, c’est aimer son pays ! ». Les personnes pouvaient faire leurs courses. Le Premier ministre a arrêté toutes les exportations de riz pour assurer la sécurité alimentaire du pays.
- g) L’orientation d’un certain nombre d’entreprises qui produisent des vêtements vers la production de masques, plusieurs millions par jour. Le Vietnam est devenu l’un des premiers exportateurs de masques dans le monde..
- h) Essais de nouveaux traitements.
- i) La mobilisation de nombreuses entreprises pour produire des respirateurs de réanimation à faible coût en se basant sur le modèle promu par le MIT de Boston.
- j) Pêle-mêle des mesures: deux hôpitaux temporaires ont été construits dans la région d’Hô-Chi-Minh-Ville. Les espaces publics suspects sont désinfectés toutes les six heures. Des flacons de gel hydro-alcoolique sont à disposition devant chaque commerce, chaque ascenseur de chaque bâtiment commun. En février, les bars, musées et autres espaces accueillant du public avaient une personne dédiée et portant un masque pour prendre la température des clients ou visiteurs avec un thermomètre frontal…
- k) Un filet social pour les plus vulnérables. « Le gouvernement vietnamien a très rapidement pris la mesure des impacts socio-économiques sur sa population. Afin que les progrès impressionnants de ces 30 dernières années ne soient pas sapés par la crise, des mesures sont en cours de déploiement pour renforcer les filets sociaux déjà en place : report de taxes et de charges, aides financières complémentaires pour les plus vulnérables, protection sociale, incitation pour des crédits à taux préférentiels… (6). Pour Fabrice Richy, directeur de l’Agence française de développement (AFD) au Vietnam, « il est essentiel que le pays conserve ses acquis en matière de réduction de la pauvreté et de lutte contre le changement climatique. Le Vietnam est l’un des seuls pays à avoir atteint les objectifs du millénaire définis par les Nations unies et est en bonne voie dans l’atteinte des objectifs de développement durable. Afin de soutenir ces efforts, nous sommes actuellement en discussion avec le gouvernement vietnamien pour mettre au point un appui budgétaire exceptionnel. » (6).
L’aide internationale du Vietnam
Quelques exemples. Le Vietnam a envoyé 450 000 combinaisons de protection aux États-Unis pour aider les professionnels de la santé de première ligne à lutter contre la pandémie du coronavirus. Début avril, le Vietnam a donné 550 000 masques à l’Union européenne. Il a envoyé à l’Allemagne 6 000 tubes à essai pour aider le pays à trouver un remède contre le Covid-19. Il a également donné du matériel médical, notamment des vêtements de protection spécialisés, des masques médicaux et des kits de test Covid-19 d’une valeur de plus de 7 milliards VND (296 000 $) au Laos et au Cambodge.
L’AACVF (Association d’Amitié et de Coopération Vietnam-France) a fait des dons de masques médicaux à l’AAFV. Nous les avons notamment distribués à l’Institut Gustave Roussy (IGR) de Villejuif et à l’hôpital Henri Mondor de Créteil, 25 000 pour chacun de ces deux hôpitaux. Et l’ambassade du Vietnam en France a offert 1 000 masques à l’AAFV. L’amitié entre les peuples.
La culture confucéenne
Le Vietnam et les pays de l’Asie de l’Est, dont la population se montre particulièrement disciplinée, ont réussi jusqu’à présent à endiguer et contenir la vague que nous prenons de plein fouet. L’excellence a des dimensions politiques, culturelles et civilisationnelles. Pour Jean-Noël Poirier, il ne s’agit pas d’un hasard. Dans ces pays, de culture confucéenne, « la défense et les intérêts du groupe l’emportent sur le droit de l’individu ». Conséquence : « Chacun accepte sans broncher de partir deux semaines en quarantaine dans un camp militaire à trente kilomètres de chez lui car ce sacrifice est considéré par tous comme nécessaire à la santé publique et à la défense de toute la communauté ». Et Jean-Noël Poirier de rappeler une leçon d’évidence, une leçon éternelle : « Face à l’adversité, un groupe soudé, discipliné et – si possible – bien dirigé, l’emporte toujours sur une masse d’individus autonomes et rétifs à l’autorité. » (12). Mais, même si cela peut être devenu un peu moins le cas, intérêt collectif et liberté individuelle peuvent cohabiter harmonieusement. C’est ce qu’on appelle « le sens civique », le respect par tous de règles collectives pour le bien de l’ensemble de la population. Ce n’est pas le confucianisme, mais on s’en approche. Alors…
Un effet collatéral sympathique
Un sympathique effet collatéral de la pandémie pour terminer. Il concerne Khanh Linh, la future ingénieure informatique la plus jeune du Vietnam, qui suit des cours à l’université (14). Des cours particulièrement difficiles qui se déroulent habituellement sur un semestre de 30 semaines, et qu’elle a terminés en six semaines ! Félicitations à Khanh Linh.
Jean-Pierre ARCHAMBAULT
Secrétaire général de l’AAFV
NOTES
(1) Valeurs actuelles, le 19 avril 2020 https://www.valeursactuelles.com/monde/coronavirus-le-miracle-vietnamien-118366
(2) Le Monde, le 20 avril 2020 https://www.lemonde.fr/international/article/2020/04/20/l-offensive-de-printemps-reussie-du-vietnam-contre-le-covid-19_6037115_3210.html
(3) Les Échos, le 20 avril 2020
https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/linsolente-reussite-du-vietnam-face-au-covid-19-1196486
(4) Le Journal du dimanche, le 20 avril 2020 https://www.lejdd.fr/International/Asie/coronavirus-vietnam-le-pays-a-zero-mort-3962917
5) Ouest France, le 22 avril 2020
(6) Le site de l’AFD, Agence française de développement, le 23 avril 2020
https://www.afd.fr/fr/actualites/covid-19-succes-vietnam?origin=/fr/actualites
(7) Le Point, le 23 avril 2020
(8) Courrier international, le 23 avril 2020
(9) L’Humanité, le 10 mai 2020 https://www.humanite.fr/le-vietnam-face-la-pandemie-une-strategie-efficace-688891
(10) André Touvier https://www.aafv.org/le-vietnam/la-pandemie-au-vietnam-une-revue-de-presse-nationale-et-internationale/
(11) Philippe Delalande, Asie 21 n° 139 mai 2020
(12) https://www.causeur.fr/vietnam-coronavirus-confucius-jean-noel-poirier-175499
(13) Doan Bui, L’Obs. https://www.nouvelobs.com/coronavirus-de-wuhan/20200328.OBS26732/coronavirus-comment-le-vietnam-pays-en-developpement-reussit-a-faire-bien-mieux-que-la-france.html
(14) Le Courrier du Vietnam. https://www.lecourrier.vn/khanh-linh-la-future-ingenieure-informatique-la-plus-jeune-du-vietnam/715256.html
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec