En interdisant toute prescription d’hydroxychloroquine non seulement aux médecins généralistes (interdiction datant de mars sous l’impulsion du Ministère de la Santé) mais aussi désormais aux hôpitaux (fin mai), Olivier Véran, ministre de la Santé, met un coup d’arrêt à l’une des polémiques scientifiques les plus intéressantes de ces dernières années et éclaire d’un jour nouveau ce qu’on a coutume d’appeler le « mélange des genres entre science et politique » (à la fois chez les complotistes qui relativisent à l’extrême la progression des connaissances scientifiques et chez les « scientistes » naïfs qui se croient à l’abri de tout parasitage politique en histoire des sciences).
Que l’hydroxychloroquine soit toxique ou au contraire bénéfique, cette interdiction n’a que peu d’intérêt du point de vue thérapeutique puisque la pandémie du COVID-19 est maintenant largement derrière nous. Elle a par contre l’intérêt, plus qu’urgent pour Véran et Macron, de stopper d’autorité toute recherche prospective sur ses effets… de siffler la « fin de partie » alors même que la tonitruante étude Discovery, qui devait tester sur le temps long l’effet du traitement « marseillais », piétine (et ne donnera sans doute, du coup, aucun résultat dans les prochains mois).
La prohibition du médicament en France trouverait sa justification dans les résultats jugés inquiétants d’une étude toute récente parue dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet. Cette étude a fait l’effet d’une véritable bombe médiatique s’imposant à tous les contradicteurs qualifiés ou non sur la question, pour deux raisons aussi irrecevables l’une que l’autre.
La première est qu’elle est publiée par The Lancet. Elle compte effectivement parmi les revues scientifiques les plus reconnues et on s’accorde à dire que les conditions de publication y sont particulièrement drastiques. Pour autant, si l’on a accepté de taxer de charlatan du jour au lendemain l’un des plus grands sinon le plus grand virologue au monde, Didier Raoult, malgré le prestige indiscutable dont il bénéficiait jusqu’en février de cette année, pourquoi accepter aveuglément les conclusions de l’étude au seul motif qu’elle est publiée par une revue « reconnue internationalement » ? N’est-ce pas plutôt là ce qu’on appelle un « argument d’autorité » (c’est-à-dire tout le contraire d’une démarche scientifique justement) ?
The Lancet, argument d’autorité qui se prend les pieds dans le tapis
D’ailleurs la revue The Lancet est-elle si impartiale que cela sur le plan scientifique ? En tout cas son célèbre directeur Richard Horton clame depuis fort longtemps l’extrême « légèreté » des études médicales publiées dans les revues prestigieuses, en suggérant des conflits d’intérêt évidents avec les laboratoires pharmaceutiques (1). La revue a sans aucun doute défendu la bonne cause récemment en conduisant la fronde contre le gouvernement britannique sur la gestion de la crise sanitaire… mais cette lutte n’avait-elle pas justement, de fait, une dimension politique ? Dimension que les pourfendeurs anti-Raoult n’ont cessé de nier en proclamant contre les « vulgaires complotistes » que la science est invulnérable, étanche aux intérêts économiques et politiques du moment.
Sévère démenti d’Horton en personne : « Certaines des grandes avancées, comme le mouvement sanitaire du XIXe siècle et la naissance du NHS, n’étaient pas des réalisations techniques mais des luttes politiques. L’idée que vous pouvez retirer la politique de la médecine ou de la santé est historiquement ignorante. » (Horton, The Lancet, avril 2020). N’est-ce pas verser dans l’idéalisme le plus naïf que de croire The Lancet seul rempart, parmi toutes les revues scientifiques, contre de tels parasitages ? Ou qu’il est impossible justement qu’on ait utilisé le prestige justement de cette revue pour faire passer un argument d’autorité se substituant à toute contradiction réellement scientifique ?
La deuxième tient dans les termes mêmes de l’étude. Car après quelques jours de « sidération », vu le sursaut d’arrogance des médias contre l’IHU de Marseille après la publication du Lancet et la demande par Véran d’interdire purement et simplement le traitement, des voix de plus en plus nombreuses pointent maintenant l’incroyable partialité des arguments et la médiocrité de la méthode utilisée pour les formuler.
Nous n’entrerons pas dans les détails concernant la partialité des quatre auteurs de l’étude qui, faute d’être eux-mêmes infectiologues (ils sont cardiologues et n’ont présenté que des suites statistiques sans jamais avoir vu passer un seul patient concret), ont par ailleurs des conflits d’intérêts (2) plus qu’évidents avec les grandes firmes pharmaceutiques notamment étasuniennes (dont Gilead qui veut passer en force son Redemsivir contre la vieille hydroxychloroquine, médicament générique « repositionné » et sans intérêt financier). Une précision : Conflit d’intérêt ne veut pas dire complot… Même le directeur du Lancet le reconnaît !
96 000 patients, avec une disproportion hallucinante entre le groupe témoin gigantesque et le groupe ayant reçu l’hydroxychloroquine HCQ en biothérapie avec l’azithromycine (AZI), traitement préconisé à Marseille, addition de listes de patients sur plusieurs continents avec une hétérogénéité déconcertante pour une étude dite « sérieuse » et une obscurité plus que suspecte sur les causes précises de mortalité, les doses prescrites (fortes, faibles, modulées), etc. A ce jour (et ce n’est qu’un début), de nombreuses réactions se sont exprimées contre l’étude, à Marseille évidemment, mais aussi partout dans le monde. Le professeur Philippe Frogel, du CHU de Lille et l’Imperial College de Londres, voix reconnue dans le monde scientifique, indique : « J’ai d’abord beaucoup hésité à réagir parce que je ne veux pas qu’on dise que je suis pro-Raout. On ne peut rien dire : on est forcément soit pro, soit anti. Mais l’article du Lancet pose de gros problèmes. Les données sont trop bizarres, pas fiables. On ne sait même exactement d’où elles viennent comment ils se les sont procurées. Du coup, les conclusions ne peuvent pas être fiables. Le Guardian a bien vu tous ces problèmes. Cet article est une merde en grande partie fabriquée par une firme inconnue qui voulait se faire de la pub. » (France 3 Région Hauts de France, 28 mai 2020). Les chiffres fournis pour la seule partie des cas d’origine australienne sont effectivement faux : ce sont les médecins australiens ayant produit les cohortes en question qui le dénoncent à présent… C’est ce qu’on appelle un « fake » (un faux) (3)… et s’il avait été le fait de l’équipe Raoult, il aurait fait le tour de la planète médiatique en quelques minutes.
L’étude est également critiquée, chiffres à l’appui, par des médecins praticiens dans d’autres pays du monde, notamment au Maroc et en Algérie (4), deux des très nombreux pays qui, curieusement « recommandent » (plus qu’autorisent) comme la Chine, le traitement à la chloroquine. Evidemment, les amateurs de publications anglo-saxonnes le supposeront : dès lors que les critiques proviennent d’Afrique ou d’Asie, elles sont de « moindre qualité » ou ne sont tout simplement pas « sérieuses ».
Or nous pourrions avec plus de prudence juger, puisque tout est au final une affaire de confiance, sauf à jouer dans la cour des plus éminents virologues eux-mêmes, que moins le pays sert les intérêts économiques impérialistes (au premier rang desquels les colossaux intérêts des firmes pharmaceutiques privées), plus le point de vue de ses chercheurs sera tendanciellement impartial. Une telle confiance, hérétique de notre point de vue « occidental », pouvait encore être jugée abusive à l’époque où ces pays du « Sud » étaient « sous-développés » y compris sur le plan des techniques et de la recherche fondamentale… mais à l’heure où la Chine est désormais le leader mondial dans le domaine, et exporte dans l’hémisphère sud tant de savoir-faire, pourquoi persister dans un tel mépris, dans une telle arrogance post-coloniale… si ce n’est pour des raisons politiques, voire racistes ? D’ailleurs le professeur Raoult est le premier à reconnaître que l’élite de la recherche mondiale en épidémiologie est asiatique (Interview de mai 2020 sur LCI par David Pujadas) (5).
Qui a tué ? La chloroquine ou la pénurie de tout en Occident ?
Imaginons simplement que cette molécule anodine, l’hydroxychloroquine (dont les effets secondaires sont d’ailleurs moins importants que la chloroquine elle-même, soit dit en passant) ait un effet positif, comme l’affirment de nombreuses études (nous verrons plus loin quoi penser du débat sur les études contradictoires à ce sujet). Peut-on un instant imaginer que le gouvernement actuel, après les « crimes de haute trahison » que représentent le démantèlement de l’hôpital public, l’incapacité à gêner les pénuries de matériel médical, de masques, d’intubateurs, etc. dont ils sont assurément responsables, s’en tire à bon compte au dessus des milliers de morts français, lui qui a déclassé la chloroquine en février sans aucune explication claire, interdit sa prescription aux médecins généralistes en mars (contre la vague d’espoir suscitée en France par le traitement marseillais au plus fort de l’épidémie, au motif qu’on ne sait pas s’il agit positivement sur le COVID !) (6), puis interdit finalement aux hôpitaux eux-mêmes en mai (pour stopper toute étude ultérieure de long terme susceptible de démontrer son effet) ?
Silence gêné des « anti-Raoult »… Effectivement le caractère très politique de la campagne antiHCQ est enfin démasquée par la décision ultime de Véran lui-même, qui sonne comme un aveu de faiblesse au fond. Et on peut espérer qu’il se soit du même coup pris les pieds dans le tapis pour les prochains jours ou les prochains mois.
Mais la vraie question, aujourd’hui, pour quelqu’un qui s’intéresse de près à « l’affaire de la chloroquine » depuis plus de deux mois (et c’est, il faut le dire, une affaire passionnante sur le plan scientifique et intellectuel), c’est la raison pour laquelle l’interdiction pure et simple du médicament par décret en France, émanant du ministère, soit relativement passée dans l’opinion publique comme une lettre à la poste. Que les médias aient relayé sans lire ni comprendre les enjeux cette étude du Lancet puis la prohibition finale de Véran, c’est logique : ils sont fait pour cela et propagent sans surprise une propagande. Mais il a fallu longuement préparer cette opinion pour mettre un terme à un tel débat épineux.
Cette préparation psychologique est passée par plusieurs étapes : 1) la diffamation de plus en plus sévère contre Didier Raoult et ses « partisans » (avec des nuances comme toujours, liées à la popularité du personnage), 2) la propagande sur la toxicité de la chloroquine et l’occultation du contexte mondial, de la diversité de pratiques médicales : L’affaire Raoult cache jusqu’à un certain point une affaire « chinoise », qu’il faudra bien démasquer tôt ou tard. Il s’agit ici, nous le verrons plus loin, de la question du marché des nouvelles molécules contre celui du repositionning qui se pratique beaucoup au Sud et notamment en Chine et à Cuba, et pas seulement par manque de moyens.
La théorie du « charlatan » incompétent
1) Commençons donc par Didier Raoult et le pogrom dont il est actuellement la victime (consentante d’une certaine façon). Inutile de rappeler les innombrables titres qui font de lui, même ses détracteurs le reconnaissent, le virologue le plus récompensé, le plus reconnu de l’époque à l’échelle internationale. Se pourrait-il qu’un tel personnage puisse virer charlatan ? Oui, cela se pourrait en effet, ce n’est pas impossible : on a bien vu récemment le prix Nobel de médecine Luc Montagnier, découvreur du VIH, déclarer que le COVID-19 est un virus de synthèse sciemment fabriqué comme arme biologique par la Chine !
Mais le cas de Didier Raoult est sans doute tout à fait différent : il fait partie du sérail, et il a publié partout ces dernières années sans contestation sur le fond.
En réalité faut reprendre le fil de l’histoire des trois derniers mois pour saisir les raisons complexes pour lesquelles Raoult a fait l’objet d’un tel traitement médiatique et politique.
Ce n’est pas lui en effet, mais les laboratoires chinois, qui ont, au départ, proposé la chloroquine (parmi trois ou quatre autres molécules) comme traitement antiviral d’urgence au début de la pandémie, faute de vaccin. La chloroquine a en effet de très bons effets contre le COVID-19 sur des cellules in vitro. Evidemment d’une expérience in vitro à un véritable essai thérapeutique à grande échelle, il y a plus qu’un simple pas. Mais puisque Didier Raoult a commencé par traiter ses patients marseillais avec un traitement reformulé (7), sur la base de telles propositions, ses premiers résultats ont été rapidement prépubliés pour des raisons d’urgence que tout le monde peut comprendre. L’étude portait sur un très petit nombre de cas, forcément, mais comportait un groupe témoin non traité à l’HCQ. Plus tard, avec une cohorte plus nombreuse et des résultats visiblement positifs, l’IHU a porté à la connaissance des pairs une étude rétrospective… sans groupe témoin.
A partir de là, la polémique a commencé à s’enfler sur des questions de pure méthode. Nombre de contradicteurs (en général des personnes ayant un bagage scientifique mais pas dans le domaine médical où les expérimentations sont bien plus complexes que dans une simple expérience de SVT) sont venus accuser Didier Raoult et son équipe d’incompétence. Ce laboratoire ne saurait pas ce qu’est un groupe témoin ! Soit ces marseillais sont ignorants des rudiments de la science expérimentale, soit ce sont des charlatans qui veulent à tout prix vendre du plaquénil (nom du médicament contenant de l’HCQ) !
Dans « l’autre camp » il y a eu évidemment des réactions démesurées qui ont versé, consciemment ou non, dans le « populisme scientifique ». Quel cadeau pour les donneurs de leçons (de SVT) anti-Raoult ! Bien sur, derrière Raoult, on a stigmatisé pas mal de gens : des complotistes pensant que le virus a été créé volontairement, des internautes fascistes en mal de polémique « anti-système », des « gilets jaunes » avides de tout ce qui peut mettre Macron en difficulté (et on les comprend !), des supporters de l’OM anti-parigos, etc. etc. Du beau monde que les formalistes anti-Raoult ont tôt fait de démasquer comme des « ignorants » à qui on pouvait faire la leçon avec suffisance et mépris.
L’attitude de Didier Raoult lui-même n’a sans doute rien arrangé : Dès ses premières communications, pensant trouver un remède incontestable avec cette bithérapie peu coûteuse, il a montré à l’égard de ses pairs un mépris qui a braqué toute la profession. C’est évident, et c’était maladroit. S’en est suivie une rivalité entre élite parisienne et fronde marseillaise assez classique dans le débat franco-français, qui a servi de base à une lutte antichloroquine bien plus profonde et bien plus chargée d’enjeux, car nombre des chercheurs français (et anglo-saxons, en particulier américains, pays de Gilead promoteur du redemsivir) n’ont pas eu de mal à choisir leur « camp » dans ce conflit d’égos.
Mais ce sont là des travers assez normaux, qui peuvent rendre Raoult insupportable sur le plan humain, mais aucunement le disqualifier sur le plan scientifique.
On a dit de lui qu’il est réactionnaire, climato-sceptique, farfelu, imbu de lui-même. Tout cela est sans doute vrai… mais c’est précisément une raison pour montrer, quand on défend une certaine idée de la science, qu’on ne confond pas l’homme et le savant (pour reprendre une injonction récente pour un autre contexte !). Disqualifier Raoult parce qu’il parle à tort et à travers, c’est adopter précisément une position partiale et anti-scientifique. Le simple fait de taxer un savant de « néo-lyssenkisme » peut dans cette logique faire l’économie d’une démonstration rigoureuse pour ridiculiser sans effort un adversaire (et ce fut le cas de Raoult ! (8)). Si le célèbre Luc Montagnier a versé dans le complotisme (à qui on a d’ailleurs tendu le micro du coup, puisque c’était contre la Chine), est-ce pour autant une preuve que le VIH n’existe pas ?
Prendre à son compte les arguments anti-Raoult parce qu’il est « imbuvable » et qu’il parle à tort et à travers, ce n’est pas raisonner scientifiquement, c’est adopter une posture pseudo-scientifique facile, « du coté du manche », en pensant naïvement que la lutte entre erreur et vérité en histoire des sciences se résume à opposer des sages, des faux-prudents en blouse blanche et des méchants charlatans anti-science. C’est en terme classique ce qu’on appelle du scientisme ou du « positivisme » (la croyance en une science impénétrable et invulnérable, sans conflits d’intérêts, et disant toujours le vrai pour peu que la « méthode » soit bonne), et en terme plus « soviétique » ce qu’on appelait jadis du « formalisme » (cacher une position politique derrière de simples critiques formelles ou méthodologiques). En croyant fustiger les basses croyances, les gourous, le « populisme scientifique » qui voudrait qu’on vote les prescriptions à la majorité, les « remèdes miracles » et les charlatans, les « gardiens » de la science pure sont tombés dans le même panneau, mais, d’une certaine façon, pour eux qui pensent donner des leçons, c’est sans doute plus grave…
Le « formalisme » : cacher une position politique derrière une critique sur la méthode
2) L’absence de groupe témoin dans la deuxième étude marseillaise a fait clairement jaser. En effet ce fut l’heure de la confrontation entre « pratique de l’urgence » (et d’une certaine façon de l’éthique : faut-il risquer l’issue fatale pour une partie des patients alors que le traitement semble fonctionner ?), science empirique, tâtonnante, instinctive même peut être, et science rigoureuse, de long terme, indiscutable…
Comment les donneurs de leçons ont-ils pu imaginer un seul instant que l’absence d’un bras témoin dans l’étude marseillaise de mars pouvait relever d’une « incompétence », d’une ignorance ? Quelle arrogance ! Evidemment, de prime abord l’argument est entendable, mais l’humilité ne nous impose t-elle pas quelques doutes ? Peut-être ont-ils des raisons pour n’avoir pas fait de bras témoin, raisons qui peuvent m’échapper, puisque je ne suis ni médecin ni épidémiologiste ? Autre argument de la même trempe : pourquoi avoir retiré de la cohorte deux ou trois cas en cours de traitement ? N’est ce pas une façon de truquer les résultats ? Question épineuse : on peut tout de même soupçonner qu’un patient subissant les effets secondaires de l’HCQ pour des raisons ponctuelles a le droit de survivre au traitement par une modulation… qui le retire de fait de l’étude.
Où en est-on aujourd’hui ? C’est finalement assez simple : Sur la vingtaine d’études liées à la chloroquine réalisées dans le monde depuis trois mois, celle de Raoult n’est pas la seule à ne pas comporter de groupe témoin. Sept autres études n’en ont pas non plus (françaises, chinoises et brésilienne), et certaines d’entre elles ont été mises en avant parce que montrant une absence de résultats pour l’HCQ ! Sur cette même vingtaine d’études, quatre seulement ont été « randomisées » (et une seule en double aveugle) (9) ! Est-ce un complot mondial de l’incompétence ? Curieusement les formalistes n’en disent plus rien aujourd’hui, tant la question du temps s’impose désormais à tous : Il est tout simplement impossible de mener à terme une étude finalisée dans les délais imposés pour le traitement d’une telle pandémie. Et il a bien fallu, même en France pour les cas les plus graves en réanimation, des traitements pour les patients, et la chloroquine en faisait curieusement partie jusqu’à mai. Pour le reste du monde c’est encore plus clair : une moitié des pays étrangers, sans doute les plus incompétents nous dira t-on, a proposé la chloroquine parmi les traitements possibles contre le COVID-19 sur la base des premières pistes formulées par les labos chinois, et n’ont pas changé aujourd’hui…
Trois grands facteurs expliquent les difficultés méthodologiques extrêmes et les rebondissement innombrables de l’affaire depuis trois mois : 1) l’urgence se heurtant à la nécessité de connaître (à long terme) l’innocuité du traitement (la fameuse question du rapport bénéfice-risque bien connu des médecins), 2) la méthode la plus susceptible de « convaincre les politiques », 3) la question du « consensus par les pairs » et l’opposition entre les « élites » et les « praticiens ».
Personne n’attendait un « remède miracle »
1) La chloroquine est l’un des médicaments les plus classiques qui soient. C’est un antipaludéen, connu pour ses effets de modulation immunitaire (qui explique qu’on l’utilise également contre le lupus par exemple, maladie auto-immune qui n’a rien à voir avec le paludisme). Des effets secondaires et des contre-indications, ce médicament en a évidemment (comme le paracétamol et tous les autres) : c’est la raison pour laquelle, comme toute prescription, elle doit se faire par prescription médicale et jamais par automédication (mauvaise habitude des pays où l’on a détruit le système de santé publique). A Marseille, comme on peut l’imaginer partout ailleurs, tous les patients qui ont bénéficié du traitement ont subi un ECG pour éviter des contre-indications. Rien de tout cela n’est nouveau, et on a largement rappelé à quel point ce médicament a été prescrit à des milliards d’humains depuis un siècle (notamment parce que le paludisme est la maladie qui tue encore le plus à l’échelle de l’humanité). Qu’il y ait donc des problèmes de toxicité, ce n’est pas nouveau. De là à affirmer que la chloroquine tue, il y a un gouffre…
Les cas de toxicité voire de mortalité peuvent donc apparaître dans les études publiées, à plus forte raison dans les cas, trop nombreux, où ce n’est pas le traitement marseillais qui est testé (même si on le suggère à tort) mais l’administration à très hautes doses d’HCQ à des patients âgés et/ou en réanimation avec comorbidités possibles. Ce n’est pas par incompétence, ou par accointance avec le groupe privé Sanofi qui produit le plaquénil, que plusieurs pays recommandent la chloroquine : au mieux il est efficace, au pire, il fonctionnera comme un placebo, une fois soustraits les patients qui ne le supporteraient pas. C’est du moins ce qu’on pouvait supposer au départ (10).
Pourquoi croire de bonne foi à son efficacité ? D’une part, la Chine l’a recommandée sur la base de résultats in vitro, et a confirmé son efficacité par plusieurs études donnant des résultats prometteurs (sauf l’une qui donne une inefficacité et une certaine toxicité, mais pour une posologie forte sur patients gravement atteints). D’autre part, la revue The Lancet l’avait confirmé en 2003, ce qu’on a contesté pourtant ces derniers mois, l’hydroxychloroquine est un bon antiviral (11).
Pour mener une véritable étude, rien ne vaut une randomisation en double aveugle, mais il faut un échantillon « suffisant » pour une étude prospective (et non rétrospective), ce qui se heurte à un double écueil : trop tôt, l’échantillon n’est pas encore suffisant, trop tard, il n’y a plus assez de cas non plus pour tester (cause de la faillite annoncée de Discovery, faillite qui a peut être motivé aujourd’hui un « dernier mot » plus expéditif contre l’HCQ par prohibition pure et simple de la part du ministère). Dans une situation d’urgence, les choses ne se passent pas comme on le voudrait et la mise au point d’un groupe témoin (au-delà de la seule question éthique qu’on élude un peu rapidement) suppose une homogénéité entre les deux cohortes (si un patient est diabétique d’un coté, il en faut un de l’autre, il faut autant d’hommes que de femmes, de classes d’âge, etc.).
C’est tout bonnement l’ignorance du contexte inédit en mars dernier qui a permis de jeter hâtivement le discrédit sur Didier Raoult – avant que tous ses « pairs » ne fassent finalement pareil : aucun n’ayant réellement testé le protocole en question-. Dans le tableau en fin d’article, aucune étude ne peut se targuer de respecter le mode opératoire « classique ».
Cette « science de guerre », celle de l’urgence, a évidemment des précédents dans l’histoire. Dans la période d’après guerre en Union Soviétique, là où contrairement à ce qu’on pourrait penser à première vue, on ne mélangeait pas science et politique (sans pouvoir malgré tout faire l’économie du conflit entre les deux), des impératifs vitaux et immédiats guidaient les décisions politiques, concernant la production agricole : à l’époque les agronomes « généticiens » voulaient une expérimentation, patiente, implacable et conforme à la théorie « classique » pendant que des empiristes (par ailleurs très contestables sur le plan théorique, c’est vrai) donnaient des résultats immédiats pour augmenter la production agricole du pays et ainsi endiguer les famines chroniques, sur la base d’une relative « hérédité des caractères acquis » (théoriquement impossible à comprendre à l’époque puisqu’on y est parvenu au XXIe siècle seulement avec l’épigénétique). En Occident, on a effectivement disqualifié, avec beaucoup de moquerie (et d’anticommunisme), les « mitchouriniens » (qui avaient effectivement tort de rejeter dogmatiquement la génétique théorique, ne s’opposant qu’en apparence à ce qu’ils avaient mis au point) au prétexte que des expériences témoin manquaient ou que les résultats relevaient de la charlatanerie, des truquages de chiffres et finalement d’une opposition arbitraire entre « science prolétarienne et science bourgeoise ». Comme souvent, les attaques valaient également pour leurs auteurs occidentaux, mais de façon plus subtile puisqu’il a fallu attendre un demi-siècle avant de le démontrer (12).
Chercher ou simplifier pour convaincre les politiques ?
2) Finalement la randomisation en double aveugle pourrait être une méthode décisive de la recherche fondamentale sur le temps long, compromis entre les exigences d’objectivité, l’aspect juridique des prescriptions médicales pour des populations extrêmement hétérogènes (du point de vue de la réaction de chacun à tel médicament) et des médicaments à effets eux-mêmes complexes (contre-indications, posologies, etc.). On peut imaginer que pour lancer le dialogue entre pairs, entre initiés (autrement dit entre personnes largement débordés par la très large polémique qui a surgi ces derniers mois !), les préprint, études rétrospectives, observationnelles, soient des supports adaptés, rapides, pertinents à l’instant t. C’est la raison pour laquelle il est absurde de les critiquer comme s’il s’agissait de recherche fondamentale en prenant des postures de sachant donneur de leçon.
Par ailleurs il est clair que l’Evidence Based Practice (EBP, méthode impliquant la randomisation en double aveugle), mise au point assez récente, apparaît comme une forme d’argumentation claire destinée à convaincre du bien fondé d’une conclusion médicale en direction des preneurs de décisions politiques. Sur quelle autre base un politique qui ne comprend rien à la médecine pourrait-il décider de laisser un médicament entrer sur le « marché », de l’en retirer, d’autoriser ou non tel ou tel type de traitement ? Mais est-ce vraiment dans cette cour que jouait l’équipe du professeur Raoult au départ, avant le pic mortel de la pandémie ?
Dirons-nous par exemple qu’un Pasteur, qui inocula ses premiers vaccins à des garçons sans certitude du résultat, sans « EBP », qu’un Koch qui chercha à tout prix à répandre sa « tuberculine » qui fonctionnait sur les animaux mais malheureusement pas sur l’homme, sont des charlatans ou des ignorants ? Ce sont pourtant, malgré les aléas de leurs recherches, malgré leurs égos surdimentionnés, leurs idées parfois contestables (Pasteur était un nationaliste germanophobe, il s’opposait au darwinisme, etc.), ce qu’on appelle aujourd’hui des « génies » de la science, qui ont révolutionné leur discipline. Et on peut même dire qu’ils ont parfois forgé leur carrière malgré l’hostilité générale de leurs « pairs ». Evidemment Didier Raoult n’est pas Pasteur, mais il peut être utile de tenir compte de l’histoire des sciences pour juger des polémiques actuelles, souvent hâtivement simplifiées.
On comprend bien sûr l’importance d’une décision la plus objective possible dans un champ aussi complexe que la médecine. Mais dans ce cas, pourquoi Véran finit-il par fonder sa décision de prohiber totalement l’HCQ sur l’étude « foireuse » du Lancet qui ne respecte en rien l’EBP ? Car enfin, il faut être précis et regarder de près l’ensemble des études menées sur la chloroquine ces derniers mois dans le monde, quelque soient les critiques qu’on peut leur faire [voir le tableau en fin d’article] pour se forger une première opinion : C’est du moins ce qui a été fait à l’étranger.
Il est faux de dire que « la plupart des études menées jusque là » plaident pour une inefficacité (voire d’une toxicité !) du médicament. D’abord, très peu de ces études concernent réellement le traitement promu par l’IHU de Marseille (soit il s’agit de chloroquine et non d’hydroxychloroquine, soit il n’y a pas de bithérapie avec AZI, soit les doses sont extrêmes, soit les patients sont arrivés aux derniers stades de la maladie (quand il n’y a plus de charge virale et que l’antiviral devient inutile). A l’heure qu’il est, puisqu’il faut une base concrète pour réfléchir, sur le tableau en fin d’article (13), les cinq études (parmi les vingt disponibles) qui correspondent au traitement marseillais donnent des résultats encourageants. Parmi eux, une étude est chinoise et l’autre brésilienne. D’autres études plus éloignées du traitement marseillais sont également positives, remarquons-le également.
Le crime de Raoult : Faire du « repositioning » (repositionnement) comme en Chine, au Kerala, à Cuba…
3) Ce qu’on oublie plus volontiers dans cette pratique fondée sur l’expérience (« Evidence Based Practice ») (EBP) c’est la question de la validation par les pairs. Insistons : Evidemment, sans une telle précaution, tout est possible. Il suffit de publier une étude pour qu’elle jouisse immédiatement d’une reconnaissance, malgré les failles qu’elle comporte immanquablement. Il faut donc, bien sûr, une évaluation par les pairs. Mais dans le même temps, cette évaluation s’expose à des biais encore plus nombreux… surtout quand un croyance naïve et positiviste dans le progrès continu de la connaissance nous empêche d’imaginer à ce niveau des conflits d’intérêts entre savants (par hostilité humaine, par xénophobie, par financements ou pressions occultes).
Qui sont les « pairs » ? Des laboratoires de tous les pays du monde, des laboratoires financés par des intérêts économiques privés, ou par des Etats aux intérêts politiques potentiellement en contradiction les uns avec les autres (et donc pas forcément plus neutres que les firmes privées)… Bref, avec un recul, on comprend que la condition sine qua non d’une « objectivité » scientifique (la confirmation large des résultats d’une étude, sa reproductibilité, etc.) est dans le même temps la possibilité d’une subjectivité dès lors que les « pairs » s’opposent pour d’autres raisons que la « science pure » : des querelles d’égos d’abord (et celui de Didier Raoult est sans doute énorme, comme beaucoup de savants qui jouent leur réputation, leur carrière à ce petit jeu, d’où le suivisme de beaucoup), des contradictions économiques (entre groupes pharmaceutiques (14)) et politiques (en particulier entre la Chine, locomotive de l’économie mondiale aujourd’hui, et les EU et l’UE, impérialismes enragés par leur déclin).
Il y a clairement, depuis le début de cette affaire, au-delà des intérêts strictement économiques (que les complotistes résument à « Big Pharma »), mais aussi des intérêts stratégiques et politiques. C’est ce que ne cesse de répéter Didier Raoult concernant la Chine et les enjeux du marché pharmaceutique mondial : « Des phénomènes considérables sont en train de se mettre en place. Le premier, c’est le changement du centre de l’innovation et de la puissance technologique, qui est parti en extrême orient. C’est eux qui ont toute la manufacture… Il y a un basculement qui pour moi n’est comparable qu’avec ce qui s’est passé à la Renaissance en Europe. »
Le deuxième, qui est une chose extrêmement troublante et intéressante, c’est que depuis un siècle et demi, notre civilisation avance avec l’idée du progrès, que dans ce progrès il y a l’augmentation fantastique de l’espérance de vie qui a été multipliée par deux, et que cette époque est révolue. On va plafonner à 85 ans mais on ne vivra pas 120 ans. Quelque chose est extraordinaire : l’espérance de vie au Kerala [Etat communiste de la fédération indienne – ndla] est la même que celle dans le nord de la France, l’espérance de vie à Cuba est supérieure à celle des États-Unis, et la mortalité par le COVID a été plus importante dans les pays riches que dans les pays pauvres. Ce qui devrait nous interroger fortement.
Tous ces gens qui vivent sans aucun des médicaments que l’on a inventés depuis vingt ans et qui coûtent 80% du coût des médicaments, arrivent à une espérance de vie qui est la même que la nôtre. On peut se poser des questions sur le modèle que nous avons.
Tous nos protocoles thérapeutiques sont fait avec des médicaments génériques ici [à l’IHU de Marseille, sur ce modèle prévalant dans les pays du Sud – ndla]. Ça veut dire qu’ils ont tous plus de vingt ans. Donc il y a un changement de modèle de pensée. Nous avons un capital de molécules que nous devons utiliser au mieux et parfois dans des indications que nous n’avions pas avant. Cela nécessite un changement de modèle économique très profond, parce que notre système est un système de type libéral et capitaliste. Comment faire de l’argent avec des molécules qui ne sont plus protégées par les brevets ? » (Entretien sur LCI, mai 2020)
La pandémie actuelle vient de mettre à jour une contradiction mortelle entre l’axe des impérialismes en déclin, au centre duquel nous sommes, sévèrement blessé par les conséquences sanitaires dues à la destruction de nos services publics de santé par une bourgeoisie prédatrice assoiffée de profit… et l’axe multipolaire des pays porteurs d’un nouveau modèle, plus souverain, plus coopératif, inspiré par des politiques encore largement publiques et pilotées, planifiées par les Etats, et dont l’avant-garde est très clairement chinoise.
Dans ce contexte de « crise sanitaire dans la crise économique » mondiale (celle du capitalisme libéral en ce début de siècle) s’ajoute même une crise scientifique, dans laquelle, comme un épiphénomène, s’inscrit l’affaire Raoult.
Bien sur, personne n’a encore « prouvé » l’efficacité de l’HCQ/AZI, et, admettons-le, peut être n’existe-t-elle pas au final. Cependant les conflits, excommunications, disqualifications sur cette affaire n’ont pas été justifiées par une saine « prudence » (comme nous espérons l’avoir démontré plus haut) mais bien par des a priori anti-chinois et pro-américains ou pro-français, qu’on le veuille ou non. Beaucoup ont vu dans l’affaire Raoult l’opposition entre l’élite éclairée non partisane et un « ramassis de supporters chauvins » pro-Raoult. En réalité, le chauvinisme existe bel et bien… mais dans l’autre camp : Raoult n’étant qu’un élément du jeu dans l’immense puzzle des pays prescrivant la chloroquine, avec ou sans lui, tandis que la prohibition de l’HCQ est le fait d’un seul pays au monde : la France ! Prendre parti pour une telle interdiction venant d’en haut, décision incontestablement politique, c’est cela, le chauvinisme, le sentiment de « supériorité » tout occidental, mâtiné de sinophobie et de mépris semi-colonial (pour les pays du Maghreb et d’ailleurs qui le recommandent).
Le progrès scientifique grâce et non malgré les polémiques
Ne sortons pas d’une telle « affaire » avec un mauvais relativisme. Certes, il y a dans les polémiques qui peuvent surgir en science (c’est loin – on le sait – d’être la seule en histoire des sciences !) un parasitage très nuisible à la recherche scientifique, à la construction des connaissances humaines. Mais il faut regarder ces conflits de plus haut car, finalement, de tous les conflits antérieurs, aucun n’a vraiment réussi à « bloquer » la machine à connaître. Au contraire, on pourrait presque dire que les conflits en sont le principal moteur, en même temps que le frein potentiel. La possibilité d’une « hérédité des caractères acquis » par exemple, dans un autre domaine, qui était comme nous l’avons dit plus haut totalement proscrite en Occident pendant un demi-siècle pour des raisons d’ordre politique et idéologique, a resurgi des dernières années non pas grâce à des adorateurs posthumes de la science soviétique, mais bien par les généticiens eux-mêmes, une fois la contradiction Est-Ouest dépassée (malheureusement par la désintégration de l’URSS).
Mais au-delà de ces « mauvaises polémiques », pour caricaturer un peu, c’est sans doute la « confrontation des mauvaises fois » de part et d’autre de la barricade d’une vérité à percer, qui garantit le mieux sa validité, qui garantit qu’aucune zone d’ombre ne subsiste dans ce qu’on vient d’énoncer (puisqu’immédiatement pointée du doigt par ceux qui s’opposent à une « connaissance » nouvelle gênant le paradigme général, le « consensus par les pairs »).
Evidemment dans l’histoire du marxisme, on sait depuis Marx et Engels à quel point le mode de production peut freiner, conditionner, orienter la recherche scientifique pour garantir ses propres intérêts, et on pourrait facilement en conclure avec peu de foi dans le matérialisme (comme ce fut le cas d’un Bogdanov ou plus récemment d’un Lyssenko) qu’il existe une vérité pour les bourgeois et une autre pour les prolétaires, que la science se vote à main levé.
Mais il semble qu’au contraire, la grandeur de la science est de progresser « malgré » tous ces biais, sur le temps long, et parfois à cause même de ces biais, de ces contradictions entre chercheurs. Il faut de la saine polémique en science, et personne ne peut promouvoir une science faite de chercheurs paisibles ne croyant en rien, changeant d’idées indépendamment de leurs vies, de leurs sentiments, de leurs partis pris… car de cette polémique, de cette lutte entre paradigmes, les connaissances sortent toujours renforcées sur le long terme. C’est précisément sur ce point qu’on peut mesurer la capacité d’un scientifique à faire la part des choses entre ses a priori personnels et les positions matérielles, concrètes qui s’opposent devant nous.
Un matérialiste conséquent ne juge jamais les faits à l’aune de ce qu’en pensent leurs découvreurs. C’est ainsi que Lénine parlait dans Matérialisme et empiriocriticisme de « matérialisme spontané des savants ». Didier Raoult est sans doute climato-sceptique, arrogant, impulsif, voire « post-moderne » dans sa façon appréhender le réel. Il pourrait même émarger au RN, rien n’y ferait : son traitement n’en sera pas disqualifié pour autant.
1. « Le cas contre la science est simple : une grande partie de la littérature scientifique, peut-être la moitié, est tout simplement fausse. Contenant des études avec de petits échantillons, aux effets minimes, aux analyses exploratoires invalides, et avec des conflits d’intérêts évidents, avec l’obsession de suivre des tendances à la mode d’importance douteuse, la science a pris un virage vers l’obscurantisme. En pratique de mauvaises méthodes donnent des résultats. » Richard Horton, patron du prestigieux Lancet, avril 2015 (éditorial du Lancet).
2. Lire à ce sujet l’excellent article de Laurent Mucchielli dans Mediapart
3. « Ainsi que le quotidien anglais The Gardian le révélait le 28 mai (grâce à l’enquête de ses correspondants australiens), les données de l’article du Lancet concernant l’Australie sont tout simplement fausses. Les auteurs de l’article prétendent avoir analysé 609 dossiers de malades de la Covid dans les hôpitaux australiens et y avoir trouvé 73 décès au 21 avril. Or la base de données mondiale constituée par l’Université Johns Hopkinsdepuis le début de la crise n’en comptait que 67 à cette date. Pire : les instances sanitaires australiennes, tant fédérales que locales, ont indiqué aux journalistes qui les ont interrogés, qu’elles n’avaient pas communiqué de données aux auteurs de l’article du Lancet. Enfin, au grand hôpital Alfred Health de Melbourne, le Dr Allen Cheng, épidémiologiste et médecin spécialiste des maladies infectieuses, a déclaré aux journalistes n’avoir jamais entendu parler de la société Surgisphere censée avoir recueilli ces données hospitalières. » (L. Mucchielli)
4. « La première est le fait qu’ils ne peuvent associer la mortalité au traitement car ils n’ont pas d’autres informations sur les morbidités cardiovasculaires ou certains facteurs de risques. Et d’expliquer qu’en effet, lorsque certaines caractéristiques cliniques n’étaient pas informatisées [mais reportées] sur les registres [manuels], les auteurs ont considéré qu’elles étaient absentes chez le patient ! Ceci est une hypothèse qui de facto biaise dans une certaine mesure l’analyse pronostic » indique le professeur marocain Jaafar Heikel.
En Algérie, le docteur Mohamed Bekkat, membre du comité scientifique de suivi de l’évolution de la pandémie de Covid-19, par ailleurs président du Conseil de l’ordre des médecins algériens, a confié à l’AFP : « Nous avons traité des milliers de cas avec ce médicament avec beaucoup de succès à ce jour. Et nous n’avons pas noté de réactions indésirables », ajoutant que « nous n’avons enregistré aucun décès lié à l’utilisation de la Chloroquine ».
5. Le professeur Raoult indiquait aussi lors d’une interview donnée à BFMTV : « J’ai été impressionné quand je suis allé en Chine en 2005 par l’organisation et la stratégie chinoise. J’ai eu le sentiment qu’à l’IHU de Marseille on était sous développé à coté de la Chine. L’IHU reprèsente à peu près 10% de l’hopital de Shanghaï, et moins bien équipé… que c’était en 2005 ! Donc on a beaucoup beaucoup beaucoup de retard par rapport à ce qui est en train de se passer en Extrême Orient ». (BFMTV, 30 avril 2020).
6. Une telle prohibition qui entrave la « liberté de prescription » des médecins sur la base du catalogue des médicaments mis sur le marché, est apparemment une première… situation inédite qui a suscité la lutte d’un très large collectif de médecins favorable à la prescription libre de l’HCQ en France, le collectif « Laissez les médecins prescrire ».
7. Le traitement préconisé par l’IHU de Marseille est une bithérapie : Hydroxychloroquine à faible dose (400/600 mg par jour) avec un antibiotique, l’azithromycine, pour des patients testés en phase précoce (la précision est importante).
8. On peut citer l’article de Yann Kindo dans Mediapart « Le populisme scientifique, de Mitchourine à la chloroquine ».
9. La randomisation en double aveugle est une méthode effectivement très rigoureuse mais aussi très contraignante et de longue haleine. Il s’agit de donner soit le traitement, soit un placébo, à chaque patient, par une « décision » informatique aléatoire (randomisation) et sans que ni le prescripteur ni le patient ne sache qui a pris quoi (double aveugle).
10. C’est l’objet d’un commentaire que j’ai enregistré pour une émission de radio en mars dernier (L’Heure de le Mettre, Radio Campus).
11. Publication de l’étude dans The Lancet, indépendamment du « charlatan » Raoult.
12. Pour les curieux, on peut en lire un aperçu avec ma sixième « chronique du Diamat ».
13. Ce tableau provient d’un site anti-Raoult qui a voulu démontrer que l’HCQ ne fonctionne pas, en cachant la proximité ou non des traitements testés avec celui de l’IHU (colonne que j’ai ajoutée à droite). Source du tableau.
14. Rappelons par exemple que le redemsivir est produit par l’étasunien Gilead et que le plaquénil (même s’il s’agit d’un générique sur lequel les bénéfices sont plus modestes) est produit par le français Sanofi (d’où peut être les tergiversations entre pro et anti-raoult dans la classe politique et à l’INSERM, dont le dirigeant est le mari de l’ex-ministre de la Santé Agnès Buzyn).
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir