par Christelle Néant.
Chaque jour qui passe, et chaque nouvelle déclaration des officiels ukrainiens montre que l’Ukraine cherche à sortir des accords de Minsk, tout en faisant peser la responsabilité de cet échec sur la Russie, alors que cette dernière n’est que garante de ces accords. Le but de la manœuvre a été clairement divulgué par Alexandre Merejko, le chef adjoint de la délégation ukrainienne au sein des groupes de contact. Si l’Ukraine essaye de se défausser de sa responsabilité c’est pour maintenir les sanctions occidentales contre la Russie, qui sont adossées aux accords de Minsk.
Kiev continue de bloquer les négociations au sein des groupes de contact
Lors de la réunion des groupes de contact qui a eu lieu au format vidéo-conférence du 26 au 27 mai 2020, aucun des points qui était à l’agenda des différents sous-groupes n’a avancé.
Dans le sous-groupe de contact chargé des questions de sécurité, la tâche la plus importante à l’ordre du jour était d’avancer sur les mesures additionnelles de contrôle du cessez-le-feu. Les représentants de la RPD (République Populaire de Donetsk) ont rappelé que la mise en alerte maximum de la milice populaire avait été rendue nécessaire par le fait qu’en un mois et demi, l’armée ukrainienne a tiré plus de 10 000 munitions contre le territoire de la république et que ces attaques barbares contre les zones résidentielles ont fait quatre morts et 22 blessés parmi les civils, dont cinq enfants.
Mais au lieu d’avancer sur la mise en œuvre d’un cessez-le-feu complet et permanent, l’Ukraine a exigé le retrait de la mise en alerte de la milice populaire avant de travailler sur les mesures additionnelles du contrôle du cessez-le-feu.
Les représentants de la RPD ont alors souligné qu’elles ne retireront leur état d’alerte que lorsque l’armée ukrainienne cessera de violer le cessez-le-feu, qu’elle enquêtera sur les crimes de guerre de son armée, qu’elle en aura fourni les résultats à la MSS de l’OSCE, et qu’elle se sera mise d’accord avec les deux républiques sur les mesures additionnelles de contrôle du cessez-le-feu. Pour faire court, l’Ukraine a trouvé un nouveau moyen d’amener les négociations dans une impasse, en exigeant le retrait d’un état d’alerte dont elle est elle-même responsable de par ses violations du cessez-le-feu et donc des accords de Minsk. Encore un serpent qui se mord la queue.
Le sous-groupe de contact en charge des questions politiques a vu la partie ukrainienne continuer de pousser pour l’organisation des élections dans le Donbass, sans mettre en place le statut spécial et les autres actes législatifs appropriés.
« La partie ukrainienne s’efforce surtout de promouvoir l’idée que la partie politique des accords de Minsk est censée reposer sur la tenue d’élections locales. Cela contredit fondamentalement non seulement l’essence du Paquet de mesures, mais aussi les raisons du conflit dans le Donbass. L’objectif principal de la partie politique des accords de Minsk est d’établir légalement, de manière permanente, un statut spécial du Donbass, dont tous les aspects juridiques devraient être convenus avec les représentants des républiques », a rappelé Natalia Nikonorova, la ministre des Affaires étrangères de la RPD.
La ministre a rappelé qu’avant de parler des élections, l’Ukraine devait fournir au groupe de contact plusieurs projets de loi, comme celle sur le statut spécial du Donbass, celle permettant d’inclure la formule Steinmeier dans la législation ukrainienne, et les projets d’amendement à la Constitution pour y inclure le statut spécial du Donbass sur une base permanente. Or Kiev n’a toujours pas fourni un seul projet de loi ou d’amendement à la Constitution ukrainienne. Rien de rien.
Histoire d’accélérer un peu le mouvement, la RPD a envoyé aux représentants ukrainiens ses propositions sur le statut spécial du Donbass, mais Kiev n’a pas pris le temps de lire le document, en disant qu’il n’était pas nécessaire de coordonner l’ensemble de la loi, mais seulement la mise en œuvre de la formule Steinmeier. Or, les accords de Minsk disent explicitement que l’ensemble du volet politique doit être coordonné avec les représentants de la RPD et de la RPL.
Il a fallu que les représentants des deux républiques obligent les représentants ukrainiens à relire le communiqué commun publié à l’issue de la dernière réunion au Format Normandie, pour qu’ils promettent de donner leur position sur le document fourni !
Les représentants ukrainiens ont ensuite continué d’insister pour récupérer le contrôle de la frontière avant d’appliquer le reste du volet politique des accords de Minsk, à savoir la loi d’amnistie, le statut spécial, la modification de la constitution et les élections. En clair, l’Ukraine continue d’essayer de mener un scénario croate (c’est-à-dire une épuration ethnique) dans le Donbass au lieu d’appliquer ce qu’elle a signé.
Autant dire que la réponse à une telle demande a été plus que négative. L’ordre d’application des différents points des accords de Minsk a été conçu pour éviter un scénario de type génocide ou épuration ethnique, et ces accords ont été validés par une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, je le rappelle ! Leur ordre d’application n’est donc même pas sujet à discussion.
Le sous-groupe en charge des questions humanitaires a été l’occasion pour l’Ukraine de rétropédaler encore peu plus sur l’application de ses obligations concernant les accords de Minsk. En effet, alors que les discussions sur l’organisation d’un nouvel échange de prisonniers sont en cours, les représentants ukrainiens ont déclaré qu’ils n’avaient pas mis fin aux poursuites pénales engagées contre les prisonniers échangés, comme le prévoient pourtant les accords de Minsk !
Ce refus d’appliquer les accords signés a provoqué une réaction du coordinateur du sous-groupe, l’ambassadeur Frisch, qui a rappelé les accords conclus en 2017 et a appelé l’Ukraine à remplir ses obligations.
La question urgente de la création d’un corridor humanitaire pour permettre aux civils qui doivent absolument se rendre en Ukraine de pouvoir le faire via les points de passage existants sur la ligne de contact, mais qui sont actuellement fermés pour cause de coronavirus, a aussi abouti à une impasse. Les représentants ukrainiens ont mis en avant des problèmes de sécurité, mais l’argument était tellement peu convaincant que tous les participants de ce sous-groupe ont demandé à la partie ukrainienne de faire connaître de manière claire sa position afin de mettre en œuvre la procédure humanitaire nécessaire.
Le sous-groupe de contact en charge des questions économiques n’a pas non plus avancé sur la question de la restauration des relations économiques et sur les dettes de l’Ukraine envers la compagnie Eau du Donbass.
Résumant ces deux jours de réunion, le représentant russe, Boris Gryzlov, a souligné que « la dernière réunion du groupe de contact a montré que Kiev s’éloigne de plus en plus de la mise en œuvre des accords de Minsk et des décisions du Format Normandie », qualifiant l’attitude des représentants ukrainiens de « théâtre de l’absurde ».
L’Ukraine veut sortir des accords de Minsk, en faisant porter le blâme sur la Russie
Et à peine deux jours après ce nouvel échec flagrant des négociations, dû à l’attitude des représentants ukrainiens, l’un d’eux, Alexandre Merejko, a donné au site LB.ua une interview délirante et édifiante à plus d’un titre.
Au rayon délire, on assiste une fois de plus à la suppression pure et simple des délégations de la RPD et de la RPL (République Populaire de Lougansk) des négociations qui ont lieu au sein des groupes de contact.
Merejko dit clairement qu’il essaye d’entraîner la Russie dans le processus de négociation, en disant que la Russie est partie prenante des accords de Minsk, puisque lors des négociations il y aurait les représentants ukrainiens, les représentants russes et l’OSCE. Et que donc si l’OSCE joue le rôle de médiateur, la Russie est donc bien partie prenante, car il ne peut pas y avoir deux médiateurs et une seule partie du conflit.
On se retrouve là avec le même déni de réalité que celui du compte-rendu de la réunion précédente sur le site du Président ukrainien, où les délégations de la RPD et de la RPL avaient été purement et simplement effacées. Je sais bien qu’en Ukraine la réécriture de l’Histoire et le déni de réalité sont des sports nationaux, mais il y a un moment où il faut savoir redescendre sur terre.
Non il n’y a pas que l’Ukraine, la Russie et l’OSCE à la table des négociations au sein des groupes de contact, la RPD et la RPL y sont aussi ! Elles sont d’ailleurs aussi dans la liste des signataires des accords de Minsk, via les signatures d’Alexandre Zakhartchenko et Igor Plotnitski !
Des signatures, qui je le rappelle encore une fois, ont été exigées par Petro Porochenko lui-même ! La signature de la Russie n’est là que pour apporter une garantie à ces signatures puisque la RPD et la RPL ne sont pas reconnues internationalement. C’est tout.
D’ailleurs le rôle de garant de la Russie avait été clairement inscrit dans le protocole de création du conseil consultatif que l’Ukraine a finalement refusé de mettre en place après avoir signé l’accord ! En effet, le deuxième point du document indique clairement que ce conseil comprendra 10 représentants ukrainiens, 10 représentants de la RPD-RPL, et un représentant pour l’OSCE, un pour la Russie, un pour l’Allemagne et un pour la France, c’est-à-dire un représentant par garant des accords de Minsk !
C’est d’ailleurs à cause de cette reconnaissance du statut de « partie prenante du conflit » de la RPD et de la RPL, et du statut de garant de la Russie, que l’Ukraine a refusé de mettre en place ce conseil consultatif, et pas du tout parce que le gouvernement ukrainien aurait mal communiqué autour de cette initiative, comme essaye de le faire croire Merejko.
Enfin s’il faut une preuve ultime, je rappelle que le 11e point des accords de Minsk dit clairement que le statut spécial du Donbass et les modifications à la Constitution ukrainienne doivent être coordonnés avec les représentants de la RPD et de la RPL (appelés « représentants de certains districts des régions de Donetsk et de Lougansk »). À aucun moment, il n’est écrit que l’Ukraine doit discuter de cela avec la Russie. Ce qui montre bien que Moscou n’est pas partie prenante du conflit. Si c’était le cas les accords de Minsk diraient que l’Ukraine doit négocier avec la Russie. Et pas avec la RPD et la RPL.
Puis, au milieu du fatras délirant qu’est son interview, Merejko déclare que l’Ukraine respecte toutes ses obligations concernant l’application des accords de Minsk, et qu’elle a donc le droit de se retirer de ces derniers si la Russie ne les applique pas, sans que cela n’impacte les sanctions occidentales contre Moscou.
« Si l’Ukraine respecte ses obligations et que la Russie ne le fait pas, nous avons le droit – et je fais ici une analogie avec les traités internationaux – en raison du non-respect et de la violation de l’accord par un contractant, de nous retirer du processus. Ce ne sera plus un droit juridique, mais un droit politique. Mais les sanctions resteront applicables. Après tout, ce n’est pas notre faute si les accords de Minsk ont été violés », déclare-t-il.
Il faut se pincer pour vérifier qu’on ne rêve pas quand on lit une énormité pareille. L’Ukraine n’applique pas le cessez-le-feu, tire sur les zones résidentielles et les infrastructures, blesse et tue des civils, viole le retrait des armes lourdes, est incapable de donner son accord pour désigner trois nouvelles zones pilotes de retrait des troupes et des équipements, n’a toujours pas avancé d’un iota concernant la mise en place du statut spécial du Donbass ou la modification de sa Constitution, a refusé de mettre en place le conseil consultatif dont elle avait pourtant signé le protocole de création, et c’est la Russie qui serait responsable de la violation des accords de Minsk (alors qu’elle n’en est que garante encore une fois) ???
Tout cela d’après Merejko ce ne serait que de la propagande russe !!! Les faits sont là visibles par tous, l’Ukraine dit clairement qu’elle refuse de négocier avec la RPD et la RPL, elle refuse d’intégrer le statut spécial du Donbass dans sa Constitution, et récemment a même déclaré qu’elle refuse d’appliquer les accords de Minsk tels qu’ils ont été signés, mais tout cela ce ne serait que le fruit de la propagande russe. Pourtant il ne semble pas me souvenir que Zelensky, Reznikov et toute la clique d’officiels ukrainiens qui ont pondu ces déclarations travaillent pour la Russie !
Et si vous croyez qu’on a touché le fond de la bêtise la plus abyssale accrochez-vous. Le « meilleur » reste à venir. Pour essayer de prouver que la Russie est fautive, le député ukrainien sort qu’elle a fait preuve de mauvaise foi lors des élections dans le Donbass. Sous-entendu, la Russie a déjà violé les accords de Minsk en laissant les élections législatives et celles du chef de l’État avoir lieu en RPD et en RPL en 2018.
Sauf que ces élections ne violaient en rien les accords de Minsk, puisque ces derniers parlent des élections locales, c’est-à-dire des élections municipales, qui elles ont toujours été reportées sine die pour respecter les accords signés ! Les accords de Minsk ne concernent pas les élections législatives des deux républiques, ni celle permettant de désigner le chef de l’État.
Et là où on touche le fond, c’est lorsque Merejko déclare que de toute façon « les accords de Minsk ont pris fin le 31 décembre 2015 » !
« Ce que nous avons maintenant, c’est un processus de négociation, une sorte de plate-forme. Il s’agit d’une tentative de préserver ce qui peut l’être, sur la base des engagements pris par les parties dans le cadre [des accords] de Minsk, pour développer ou remplir ces accords avec de nouveaux contenus. Je suis d’accord qu’il est nécessaire de calculer les risques, mais nous avons le droit d’en sortir », a-t-il ajouté dans la foulée.
Sauf que monsieur le député se contredit au sein du même paragraphe. Si les accords de Minsk ont pris fin le 31 décembre 2015, il n’y a plus rien dont l’Ukraine doive sortir, puisque ces accords ne seraient plus valables. Et s’ils ont pris fin, les sanctions occidentales aussi auraient dû prendre fin le 31 décembre 2015.
Quand on lit une telle bouillie de pseudo arguments dénués de toute logique, sortis par un député ukrainien, qui représente Kiev au sein des groupes de contact, on comprend pourquoi l’Ukraine est dans un état aussi lamentable, et pourquoi les accords de Minsk n’avancent pas !
Si l’Ukraine sort des accords de Minsk, elle en sera la seule responsable
Cette déclaration délirante a été commentée par Natalia Nikonorova, la ministre des Affaires étrangères de la RPD, qui a appelé l’OSCE et les pays garants à se pencher sur les propos provocants de Merejko.
« Les déclarations faites aujourd’hui par le chef adjoint de la délégation ukrainienne à Minsk sont la preuve très éloquente du désir non dissimulé de Kiev d’éviter de remplir par tous les moyens possibles ses obligations au titre des accords de Minsk. À cet égard, nous appelons la communauté internationale, en premier lieu les médiateurs du processus de négociation représentés par l’OSCE et les représentants des pays garants, à prêter attention et à donner une évaluation officielle des déclarations extrêmement provocantes du représentant officiel de l’Ukraine à Minsk », a déclaré la ministre.
Natalia Nikonorova a souligné que cette déclaration de Merejko montre clairement que la priorité de Kiev n’est pas de rétablir la paix dans le Donbass mais de maintenir les sanctions occidentales contre la Russie, et que ses propos éclairent sur la nature du « plan B » de l’Ukraine pour le Donbass.
« Dans sa déclaration, M. Merejko a non seulement parlé de l’absence de projets des dirigeants ukrainiens d’accorder un statut spécial au Donbass, mais il a aussi ouvertement fait part de l’intention directe de Kiev de se retirer du processus de Minsk. Par conséquent, on sait maintenant clairement de quel « plan B » les responsables ukrainiens parlent ces derniers temps, » a ajouté la ministre.
Mme Nikonorova a rappelé que les accords de Minsk avaient permis de mettre fin à la phase chaude du conflit dans le Donbass, et qu’ils ont été validés par le Conseil de Sécurité de l’ONU. Elle a aussi souligné qu’il devient désormais évident que le but de la délégation ukrainienne « élargie » était de préparer le retrait de Kiev des accords de Minsk, tout en tentant d’en faire porter la responsabilité à la Russie.
La ministre a conclu en soulignant que « si l’Ukraine décide de se retirer du processus de Minsk, une telle mesure peut avoir des conséquences imprévisibles », mais que « dans ce cas, toute la responsabilité incombera aux dirigeants ukrainiens » et non à la Russie.
Il est assez incroyable de voir les officiels ukrainiens déclarer depuis des mois qu’ils refusent d’appliquer tel ou tel point des accords de Minsk, déblatérer sur des plans B, des scénarios chypriotes, ou des scénarios croates, parler de couper l’eau à la RPD et la RPL, puis venir dire qu’ils veulent sortir des accords signés, tout en essayant d’en faire porter la responsabilité à un pays qui n’en est que garant, au même titre que la France ou l’Allemagne !
Un tel niveau de déni de réalité tient de la pathologie psychiatrique. Mais il faudra plus que du vœu pieu et de la méthode Coué pour changer la réalité. Et dans la réalité, c’est l’Ukraine qui est responsable de l’échec des accords de Minsk et non la Russie.
source : http://www.donbass-insider.com
Source: Lire l'article complet de Réseau International