Par Moon of Alabama − Le 7 mai 2020
Les récentes turbulences financières sur les marchés pétroliers et la dépression mondiale auront un impact important sur les conflits au Moyen-Orient.
En Irak
La nuit dernière, le Parlement irakien a élu un nouveau Premier ministre. Mustafa al-Kadhimi est considéré comme un technocrate avec de bons antécédents et politiquement neutre par toutes les parties. Son cabinet comprend un certain nombre de personnes expérimentées qui sont connues pour leur travail efficace.
Étonnamment, les États-Unis et l’Iran ont tous deux soutenu Kadhimi.
Secrétaire Pompeo @SecPompeo - 1:09 UTC - 7 mai 2020 Je suis heureux de m'entretenir aujourd'hui avec le nouveau Premier ministre irakien Mustafa al-Kadhimi. Il s'agit maintenant de mettre en œuvre les réformes exigées par le peuple irakien, un travail urgent et difficile. Je me suis engagé à l'aider à mettre en œuvre son programme audacieux pour le bien du peuple irakien.
Javad Zarif @JZarif - 9:56 - 7 mai 2020 Félicitations au Premier ministre @MAKadhimi, à son cabinet, au Parlement et surtout au peuple irakien pour avoir réussi à former un nouveau gouvernement. L'Iran est toujours aux côtés du peuple irakien et de l'administration qu’il se choisit.
Kadhimi a beaucoup de travail qui l’attend. Le faible prix du pétrole signifie que le budget irakien sera fortement déficitaire. Il devra emprunter beaucoup d’argent, très probablement au FMI. L’argent pourrait venir avec les conditions américaines.
Il y a eu récemment une vague de petites attaques lancées par État Islamique (EI). Les djihadistes étaient équipés de dispositifs de vision nocturne. Il est fort probable que les États-Unis utilisent à nouveau EI pour faire pression sur le gouvernement.
Les États-Unis veulent que l’Irak prenne position contre l’Iran et la milice irakienne que l’Iran parraine. Mais Kadhimi ne peut pas le faire sans perdre le soutien du Parlement. L’Irak dépend également de l’énergie iranienne.
En Syrie
La situation militaire en Syrie a peu changé. Le cessez-le-feu dans le gouvernorat d’Idleb semble tenir. Les troupes russes et turques patrouillent sur certaines parties de l’autoroute M4 après que la Turquie a eu des échanges difficiles avec les djihadistes de Hayat Tahrir al-Sham qui essayaient de bloquer les patrouilles. La Turquie devra se débarrasser des djihadistes qui ont mené la guerre contre la Syrie depuis le tout début, d’une manière ou d’une autre.
Tout au long des derniers mois, les hauts responsables de la politique étrangère et les oligarques russes ont publié des essais qui soutenaient que le gouvernement syrien devait se pencher davantage sur la situation économique en Syrie, qui est très mauvaise, au lieu de pousser à des solutions militaires. Ce qu’ils visent n’est pas très clair.
Puis un conflit entre le président Assad et un important oligarque syrien, Rami Makhlouf, a éclaté au grand jour. Danni Makki enquête sur cette saga. Makhlouf est un cousin maternel d’Assad. Celui qui voulait faire des affaires en Syrie pendant la guerre devait passer par lui. Il a parrainé sa propre milice et sa propre association caritative. Makhlouf, l’homme le plus riche de Syrie, qui est propriétaire de Syriatel et de nombreuses autres entreprises, a maintenant été écarté. Mais il cherche à se défendre.
Makhlouf a peu de chances de gagner. En 2017, les frères Jabar, eux aussi des oligarques ayant leur propre milice, s’intéressaient trop à leurs profits personnels et à leur pouvoir. Riam Dalati raconte leur histoire et comment ils ont été écartés sans cérémonie.
La position d’Assad est désormais plus forte que jamais et les entreprises russes seront désormais heureuses de faire des affaires en Syrie sans un Monsieur Cinq pour cent entre les deux.
En Libye
La Turquie, en collaboration avec le Qatar, a engagé quelque 10 000 « rebelles » syriens pour combattre en Libye aux côtés du gouvernement d’union national et de ses milices djihadistes. Les troupes du GNA ont été écrasées par l’armée nationale libyenne du général Haftar. La Turquie a également envoyé ses propres troupes avec des drones de fabrication turque pour attaquer la position de Haftar. Mais la plupart des drones ont été abattus immédiatement. Les EAU, qui soutiennent la LNA de Haftar, ont maintenant envoyé six avions de chasse Mirage en Égypte et les utilisent pour bombarder la GNA et les positions turques à Tripoli et Misrata.
Les « rebelles » engagés par la Turquie ont subi de nombreuses pertes mais n’ont pas reçu l’argent promis. Cette nouvelle est parvenue à Idleb et rend les efforts de recrutement par la Turquie plus difficile.
En Turquie
La livre turque continue de chuter. La Banque centrale, sous le contrôle d’Erdogan le sultan, a dépensé plus de 25 milliards de dollars pour empêcher la livre de franchir la barrière des 7 lires par dollar américain. Elle a pourtant atteint 7,2 lires/$ US et continue de s’enfoncer. Le ministre turc des finances, Berat Albayrak, 44 ans, est le beau-fils d’Erdogan et n’est pas qualifié pour ce poste. La Fed a rejeté une demande de la Turquie pour un accord de swap qui aurait permis au pays de disposer de plus de dollars américains. Il est urgent d’y remédier :
S&P Global a estimé mercredi que l'économie turque a besoin de refinancer près de 168 milliards de dollars au cours des 12 prochains mois. Cela équivaut à 24% du PIB du pays. La faiblesse record de la lire rend le remboursement de la dette en dollars plus coûteux pour le gouvernement et les entreprises du pays. Ces 168 milliards de dollars de dette extérieure à court terme et seulement 85 milliards de dollars de réserves brutes de change signifient que le "ratio de couverture" n'est que d'environ 50 %, l'un des plus faibles de toutes les économies de marché émergentes.
Erdogan peut (encore) demander à l’émir du Qatar d’intervenir, mais la somme dont il a besoin est plus importante que ce que le Qatar pourrait être prêt ou capable de fournir. Il ne lui reste plus que le FMI pour s’en sortir. Mais après l’expérience des précédents prêts du FMI à la Turquie et les mesures d’austérité sévères qui les accompagnent, toute discussion sur les prêts du FMI à la Turquie est un poison politique et un moyen sûr de perdre les élections.
Erdogan devra réduire ce qu’il dépense en Libye et en Syrie car ces conflits sont devenus économiquement insoutenables.
Au Liban
Le schéma de Ponzi que la Banque centrale du Liban a utilisé pendant 30 ans pour lier la livre libanaise au dollar américain s’est finalement effondré. En quelques mois, la monnaie est passée de 1 500 Livres par dollar US à plus de 4 000 Livres par dollar US. Tous ceux qui avaient de l’argent dans une banque libanaise en ont perdu la majeure partie. Les richesses du Liban de ces 30 dernières années ont disparu. Le pays a besoin d’un nouveau modèle économique qui sera difficile à trouver. Ehsani explique comment le pays en est arrivé là.
En Arabie Saoudite
Aujourd’hui, les États-Unis ont annoncé qu’ils retiraient leurs missiles Patriot du pays. Deux escadrons de chasseurs parqués dans la région vont également partir. La marine américaine va rappeler certains navires postés dans la région du Golfe Persique. Début avril, Trump avait menacé les Saoudiens de prendre de telles mesures s’ils ne parvenaient pas à réduire leur production de pétrole et à augmenter ainsi son prix mondial. Une partie de la production a été réduite, mais les prix continuent de baisser par manque de demande.
Sans la protection des États-Unis, la guerre saoudienne contre les Houthis au Yémen deviendra intenable.
Tous les pays susmentionnés sont également massivement touchés par la pandémie actuelle. Moins par le nombre de morts dans leurs populations relativement jeunes que par les conséquences économiques qui entraîneront davantage de pauvreté et de faim.
S’il y a un pays qui tire avantage de toutes ces crises dans la région, c’est surtout l’Iran.
Moon of Alabama
Note du Saker Francophone Un des signaux faibles à surveiller, c'est le moment ou des pays comme la Turquie ou l'Iran vont refinancer leur dette en yuan et plus en dollar.
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
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