Le grand verrouillage
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29.04.2020.Confinement-English-Italiano-Spanish
Dans ses dernières Perspectives de l’économie mondiale, le FMI appelle ce qui se passe actuellement sur la scène internationale «le grand verrouillage». L’économiste Martin Wolf préfère l’appeler la «Grande Fermeture». Selon lui, cette expression traduirait mieux l’hypothèse selon laquelle l’économie mondiale s’effondrerait même si les responsables politiques n’imposaient pas des mesures de confinement meurtrier.
Nonobstant cela, quel que soit le nom qu’on lui donne : il s’agit de la plus grande crise à laquelle le monde a été confronté depuis la Seconde Guerre mondiale et de la plus grande récession depuis la dépression des années 1930. Le monde est arrivé à ce stade de concurrence entre les grandes puissances et à ce stade d’incohérence aux plus hauts niveaux de gouvernance. D’où vous voyez les banques centrales jouer de la planche à billets comme en 2008-2009 avec les mêmes résultats attendus. Ainsi, entre 2001 et 2017 la dette mondiale a triplé pour atteindre un record historique de 245 % du PIB mondial, dont 159 % pour la seule dette privée. Fin 2019 le Fonds Monétaire International évaluait son montant à 188 000 milliards de dollars. Endettement des ménages, endettement des entreprises, endettement des États, nous étions déjà avant la pandémie en présence d’une économie non viable dopée au crédit gratuit (1). C’est cela que les médias bourgeois appellent des «bulles financières» sans jamais préciser qu’elles sont les conséquences de la crise de surproduction et de la baisse tendancielle du taux moyen de profits. https://les7duquebec.net/archives/254497
En janvier 2020, le FMI n’avait aucune idée de ce qui allait se produire mondialement. Aujourd’hui, nous sommes au coeur d’un confinement meurtrier aux conséquences considérables sur la population et particulièrement sur les plus démunis comme en témoignent les révoltes populaires aux États-Unis. Mais bien des choses restent floues. l’incertitude concerne la manière dont les administrateurs économiques et politiques parviendront à se sortir du guêpier du confinement meurtrier qu’ils ont imposé.
Pour ce que valent les prévisions des agences mondiales du grand capital : le FMI suggère maintenant que la production mondiale par habitant se contractera de 4,2% en 2020, soit beaucoup plus que les 1,6 % enregistrés en 2009, pendant la précédente crise financière. En 2020, quatre-vingt-dix pour cent (90%) de tous les pays connaîtront une croissance négative du produit intérieur brut réel par habitant, contre 62% en 2009. À cette époque la forte expansion de la Chine a contribué à amortir le choc et à sauver le système capitaliste.
Ces prévisions supposent la fin du confinement meurtrier et la reprise de la production au cours du second semestre 2020. Si c’est le cas, le FMI prévoit une contraction mondiale de 3% en 2020, suivie d’une expansion de 5,8% en 2021 (sic). Dans les économies avancées, la prévision est de 6,1% de contraction en 2020, suivie d’une expansion de 4,5% en 2021 (resic). Tout cela n’est que conjecture visant à calmer le jeu avant le grand krach financier qui emportera l’économie mondiale par le fond, tandis que les populaces sont invitées à spéculer à propos des masques de protection qui n’offriront aucune protection face au cataclysme économique et à la famine annoncée.
Le désastre économique qui nous attend sera meurtrier
Le FMI propose trois scénarios alternatifs. Dans le premier : le confinement meurtrier dure 50% plus longtemps que dans le scénario de base. Dans le deuxième : il y aurait une deuxième vague du Covid-19, qui justifierait selon le FMI une reprise du confinement meurtrier. Sur ce, le FMI n’ose spéculer à propos de la réaction spontanée et violente des populations affamées. Dans le troisième : divers éléments de l’alchimie sont combinés. Dans le cadre d’un confinement meurtrier prolongé, la production mondiale sera inférieure de 3% en 2020. Avec une deuxième vague de pandémie bidon, la production mondiale serait inférieure de 5% à l’année précédente. Et si la bureaucratie gouvernementale tentait d’imposer une prolongation du confinement meurtrier, la production mondiale serait inférieure de près de 8% à la base de référence.
Selon cette dernière hypothèse, en 2021, les dépenses publiques dans les économies avancées seraient supérieures de 10 points de pourcentage par rapport au PIB, et la dette publique supérieure de 20 points de pourcentage par rapport à la base de référence.
Que faire pour gérer cette catastrophe inévitable? L’économiste Martin Wolf propose: «ne pas abandonner les mesures de confinement avant d’avoir maîtrisé le taux de mortalité, car il serait impossible de rouvrir les économies avec une épidémie qui ferait rage, augmentant le nombre de morts et poussant les systèmes de santé à l’effondrement. Même si nous étions autorisés à reprendre le travail, beaucoup ne le feraient pas prophétise l’expert.» L’officier de l’Armageddon ne semble pas capable d’imaginer la force de mobilisation du désespoir chez les ouvriers affamés (!) Le spécialiste de l’Apocalypse ne comprend pas qu’une économie effondrée entraînera le système de santé dans sa chute.
De Charybde en Scylla
L’économiste ne semble pas savoir que dans la majorité des pays le système de santé est déficient ou proche de l’effondrement. Comme le hurle les pauvres, les travailleurs temporaires, les salariés précarisés, les ouvriers clandestins, les surnuméraires et les CDD aux petits salaires, les SDF, les mendiants, et même les autoentrepreneurs itinérants :
«Le coronavirus tue en deux semaines, la faim tue en sept jours». Le confinement meurtrier imposé par les États pour soi-disant endiguer le virus crée de nouvelles crises se superposant à celles déjà existantes.
Si l’efficience du confinement meurtrier n’est pas prouvée, son corollaire est connu: il réduit, voire rend impossible, l’économie informelle si importante dans les pays émergents. Ce sont donc les plus pauvres, ceux qui vivent au jour le jour, les vendeuses du marché à ciel ouvert, les chauffeurs de taxi de brousse, les travailleurs saisonniers – agricoles notamment et les paysans à qui le capital s’apprête à imposer la famine. Dans le Sahel comme partout en pays sous-développé, ce drame est encore plus délétère puisqu’il s’ajoute aux nombreuses difficultés liées à la crise sécuritaire : «Hausses des prix des denrées de première nécessité, faible accès aux vivres des personnes vulnérables, chute drastique de la commercialisation des produits maraîchers périssables, renchérissement du transport, difficile accès aux semences, engrais, raréfaction et cherté de la main-d’œuvre agricole». Selon les estimations, sans le confinement meurtrier, 17 millions de personnes du Sahel auraient été touchées par une crise alimentaire et nutritionnelle. Avec le confinement meurtrier, ce sont plus de 50 millions de personnes qui seront impactées.
L’expert Wolf poursuit : «il est essentiel de se préparer à la fin du confinement, en créant des capacités largement renforcées pour tester, tracer, mettre en quarantaine et traiter les personnes… (Des personnes que l’on ne sait pas nourrir, même aux États-Unis, mais qu’il faudrait secourir dans des hôpitaux inexistants (!) Aucune dépense ne doit maintenant être épargnée à cet effet, ni pour investir dans la création, la production et l’utilisation d’un nouveau vaccin, » s’émeut le vaillant médecin improvisé! Pour ce vaccin, pariez que Big-Pharma y pourvoira, non pas pour débourser, mais pour empocher. https://les7duquebec.net/archives/254305
Le Grand Confinement meurtrier est un événement mondial qui survient à point nommé pour la bourgeoisie tétanisée face aux mouvements populaires émergents. L’expert poursuit: «Il est essentiel de contribuer à la réponse sanitaire, comme le souligne Maurice Obstfeld, ancien économiste en chef du FMI : Il faut accroître l’aide économique aux pays les plus pauvres, par le biais de l’allégement de la dette, de subventions et de prêts bon marché», et l’économe d’en remettre puisqu’il n’en coûte rien d’émettre de la monnaie de pacotille: «Une nouvelle émission massive de droits de tirage spéciaux du FMI, avec transfert des allocations inutilisées aux pays les plus pauvres, est nécessaire». Mais d’où viendront les marchandises et les valeurs pour crédibiliser ce capital chimérique?
« Nous ne savons pas ce que le confinement meurtrier nous réserve, ni comment l’économie va réagir. Nous devons maîtriser la maladie » implore l’économiste inconscient du volcan sur lequel il s’épanche. «Nous devons investir massivement dans des systèmes de gestion de la maladie une fois que les mesures de confinement actuelles auront pris fin. Nous devons dépenser tout ce qui est nécessaire pour protéger à la fois nos populations et notre potentiel économique. Nous devons aider les milliards de personnes qui vivent dans des pays qui ne peuvent pas s’aider eux-mêmes. Nous devons surtout nous rappeler qu’en cas de pandémie (et surtout de confinement meurtrier), aucun pays n’est une île. Nous ne connaissons pas l’avenir. Mais nous savons comment nous devons essayer de le façonner. Le ferons-nous?»
Le grand prêtre compatissant croit-il vraiment que ses incantations seront entendues des gouvernants et des ploutocrates qui n’hésitent pas un instant à emprisonner dans des taudis et dans des mouroirs, à espionner et à ficher, à affamer et à priver de travail et de revenus des milliards de gens pauvres – innocents – bien portants ; ces ploutocrates qui de toute façon ne contrôlent pas les lois de l’économie politique capitaliste?
Que faire alors ?
Faut-il s’interroger à propos de l’origine asiatique ou d’Amérique du Covid-19 ? Faut-il chercher un bouc émissaire : Macron, Trump, Xi Jin Ping, Merkel ou Trudeau ? Assurément non ! S’il était aussi facile de se sortir de ces crises économiques endémiques et de ce confinement meurtrier que de voter pour un nouveau larbin, on le saurait depuis longtemps, puisque nous sommes invités à voter futilement depuis des années. Le confinement meurtrier offre aux prolétaires l’opportunité de prendre leurs distances de l’État fétiche adulé par la petite bourgeoisie paupérisée. Il faut cesser de compter sur l’État fétiche des riches. Il faut le déconstruire et ainsi désarmer les ploutocrates et leurs laquais, abolir leur assignation et détruire leur fonction. Après ceci, tout un monde sera à construire, non pas un pseudo Nouvel ordre mondial fondé sur les mêmes lois du capital… mais un Nouveau Monde sans capital.
NOTES
- Le centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises, Où en sont les dettes publique et privée dans le monde ?, mars 2018. Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, Capital du 7 novembre 2019.
- La dévaluation des monnaies : https://lesakerfrancophone.fr/lillusion-du-covid-19-et-la-remise-a-zero-de-la-monnaie
- La loi martiale pour réprimer les travailleurs américains enragés : https://lesakerfrancophone.fr/les-etats-unis-a-deux-doigts-de-linstauration-de-la-loi-martiale
- https://resistance71.wordpress.com/2020/04/22/coronavirus-chiffres-gonflage-et-bidouillage-routine-pour-une-dictature-technotronique/
- Au Sahel le confinement meurtrier : https://fr.sputniknews.com/afrique/202004151043556426-covid-19-au-sahel-les-remedes-pires-que-le-mal/
- Des drones pour surveiller les populations : https://fr.sputniknews.com/maghreb/202004231043632259-des-drones-dans-le-ciel-de-plusieurs-villes-du-maroc-pour-faire-respecter-le-confinement-video/
Source: Lire l'article complet de Les 7 du Québec