L’ancien président uruguayen José Mujica, 89 ans, a révélé être en phase terminale d’un cancer de l’œsophage, désormais propagé au foie, et a décidé d’arrêter tout traitement médical. Dans une interview émouvante, publiée par l’hebdomadaire Busqueda, il a annoncé qu’il se préparait à sa mort et qu’il souhaitait reposer dans le jardin de sa modeste ferme, aux côtés de sa chienne Manuela.
José Alberto Mujica Cordano, connu sous le nom de José Mujica, est une figure emblématique de l’Uruguay et de la politique mondiale, souvent surnommé « le Président le plus pauvre du monde ». Né le 20 mai 1935 à Montevideo, il a mené une vie hors du commun, marquée par son engagement révolutionnaire, ses sacrifices personnels et son dévouement à la justice sociale.
Avant d’accéder à la présidence, Mujica a été un guérillero membre des Tupamaros, un mouvement de guérilla uruguayen dans les années 1960 et 1970. Opposé à la dictature militaire de l’époque, il a été capturé à plusieurs reprises et a passé 13 années en prison, souvent dans des conditions inhumaines. Cette période de détention a profondément influencé sa vision du monde, renforçant son humilité et sa philosophie de vie.
En 2005, après le retour de la démocratie, il a rejoint le gouvernement de gauche dirigé par le Front large (Frente Amplio), devenant ministre de l’Agriculture avant de se présenter à l’élection présidentielle en 2009. Élu en 2010, Mujica a gouverné l’Uruguay jusqu’en 2015, marquant l’histoire du pays par sa simplicité, son honnêteté et ses réformes audacieuses.
L’un des aspects les plus remarqués de sa présidence a été son style de vie modeste. Mujica refusait de résider dans le palais présidentiel, préférant vivre dans sa ferme modeste à l’extérieur de Montevideo avec sa femme, Lucía Topolansky, elle-même ancienne militante des Tupamaros. Il reversait environ 90 % de son salaire présidentiel à des œuvres caritatives, déclarant que cela suffisait largement à ses besoins. Ce choix lui a valu le surnom affectueux de « Président le plus pauvre du monde », bien qu’il préférait se définir comme « le président le plus libre ».
Sur le plan des politiques sociales, Mujica a marqué son mandat par une série de réformes progressistes qui ne furent pas toujours du meilleur goût pour les conservateurs que nous sommes. Il a promu l’égalité des droits, notamment en légalisant le mariage homosexuel en 2013, faisant de l’Uruguay un des premiers pays en Amérique latine à adopter cette mesure. Cette réforme a renforcé l’image de l’Uruguay comme une nation tolérante et socialement avancée.
Il a également fait de l’Uruguay le premier pays au monde à légaliser la production, la vente et la consommation de cannabis sous contrôle étatique. Cette politique visait à réduire l’influence des narcotrafiquants et à adopter une approche de santé publique en matière de toxicomanie. Bien que controversée, cette initiative a attiré l’attention mondiale et a consolidé l’image de Mujica comme réformateur.
Son gouvernement a également investi dans des programmes sociaux visant à réduire la pauvreté et les inégalités. L’Uruguay a vu des progrès significatifs dans l’éducation, les services de santé et la réduction de la pauvreté sous son mandat. Mujica était particulièrement attentif aux populations marginalisées, s’efforçant de créer un État plus solidaire.
Au-delà de ses politiques, Mujica s’est distingué par ses discours empreints de sagesse et d’humanité. Il a souvent dénoncé le tout-consommation excessif et prôné une vie simple, en harmonie avec la nature et les besoins réels. Lors de conférences internationales, comme celle de Rio+20 en 2012, il a appelé à repenser le développement économique mondial en faveur du bien-être humain et environnemental.
Une leçon de sagesse, en 10 mn
Relations avec Hugo Chávez
Les relations entre José Mujica et Hugo Chávez ont été marquées par une amitié personnelle et une coopération pragmatique, tout en maintenant une certaine distance idéologique.
Les deux dirigeants ont établi des liens étroits dès l’arrivée de Mujica au pouvoir, signant notamment treize accords bilatéraux en 2011 couvrant divers domaines : échanges technico-scientifiques, agriculture laitière, télécommunications, énergie et culture. Le Venezuela a notamment fourni à l’Uruguay jusqu’à 40 000 barils de pétrole par jour à des conditions préférentielles.
Bien que proche de Chávez, Mujica a maintenu une position plus modérée et pragmatique. Lors de sa campagne présidentielle en 2009, il a notamment pris ses distances avec le modèle du « socialisme du XXIe siècle » de Chávez, le qualifiant de « beaucoup de bureaucratie ».
Mujica considérait Chávez comme « le dirigeant le plus généreux qu’il ait jamais connu ». De son côté, Chávez voyait en Mujica un « exemple de combattant permanent pour la patrie, l’union et la justice sociale ».
Mujica a résumé ses différences dans une déclaration célèbre : « Chávez était un leader extraordinaire, mais on ne peut pas gouverner un pays comme on conduit une révolution ».
Après la mort de Chávez, Mujica a marqué une nette différence entre les deux présidents vénézuéliens, déclarant : « Une chose était Chávez, autre chose est Maduro ». Il a notamment déclaré que Chávez, contrairement à son successeur, « perdait des élections et les acceptait ».
Cette relation illustre la capacité de Mujica à maintenir des liens diplomatiques constructifs tout en préservant son indépendance politique et son approche pragmatique du pouvoir.
L’après présidence
Après avoir quitté la présidence en 2015, Mujica a refusé de s’accrocher au pouvoir, poursuivant une vie tranquille et consacrant son temps à l’agriculture et à la réflexion. Pourtant, il reste une source d’inspiration pour de nombreux leaders et militants à travers le monde, symbolisant l’idée que l’intégrité et la simplicité peuvent coexister avec le pouvoir.
José Mujica demeure une icône mondiale, non seulement pour ses réformes progressistes, mais aussi pour l’exemple qu’il a donné en tant qu’homme politique au service de son peuple. Sa présidence incarne une rare alliance entre éthique personnelle et action publique, laissant un héritage durable en Uruguay et au-delà.
Ces derniers mois, malgré sa maladie, José Mujica est resté actif, participant à la campagne présidentielle du Frente Amplio, remportée en décembre par Yamandu Orsi. Dans ses derniers messages, il a exprimé un appel à la tolérance et au respect démocratique, tout en demandant à ses compatriotes de lui accorder le repos qu’il estime mérité.
« Le guerrier a droit à son repos », a-t-il déclaré, affirmant que son « cycle est terminé ». Ses paroles et son héritage résonnent comme un ultime adieu d’un homme qui a incarné l’humilité et la résilience, gravant son nom dans l’histoire de l’Uruguay et de l’Amérique latine.
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