L’autrice est députée du Bloc Québécois
Le 7 novembre dernier, Jerry V. DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable du Parlement canadien, a déposé son Rapport 7 sur la carboneutralité aux Communes. Ce rapport, attendu avec appréhension, confirme ce que le Bloc Québécois savait déjà: le Canada est loin d’être sur la bonne voie pour atteindre ses objectifs climatiques de 2030. Cet échec est extrêmement préoccupant et s’explique par des retards dans la mise en œuvre des mesures annoncées, des obstacles à leur réalisation et des résultats largement inférieurs aux prévisions initiales.
Un constat alarmant
L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) du Canada visait à diminuer de 40 % à 45 % les émissions d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Cependant, le rapport indique que seulement 7,1 % des réductions anticipées ont été atteintes depuis 2005. Avec un bref horizon de six ans pour effectuer la majorité des réductions nécessaires pour atteindre sa cible, les mesures mises en place pour les libéraux semblent bien en deçà de ce qui est requis.
Ce constat fait écho à l’alarme que M. DeMarco avait sonnée l’an dernier lors de la publication de son précédent rapport. Le Commissaire souligne que peu de choses ont changé depuis. Les conclusions de cette année reflètent un immobilisme inquiétant, accentué par la lenteur de la mise en œuvre des principales mesures. Le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier en est un exemple frappant. Annoncé en 2021, son règlement définitif n’est prévu qu’en 2025, un retard significatif par rapport à l’échéancier initial.
Des mesures lentes et inefficaces
Le Plan de réduction des émissions (PRÉ), dévoilé en mars 2022 par le gouvernement Trudeau, devait incarner les efforts du Canada pour répondre à la crise climatique. Pourtant, l’audit du Commissaire révèle une mise en œuvre largement insuffisante. Sur les 20 mesures étudiées, seulement neuf progressent comme prévu, tandis que neuf rencontrent des difficultés importantes et deux font face à des obstacles majeurs. Ces retards s’accompagnent souvent de révisions à la baisse des estimations de réduction des GES.
Un exemple emblématique est la Subvention pour des maisons plus vertes, dont le budget initial a été épuisé. Alors qu’elle devait permettre une réduction de 820 kilotonnes de GES, son impact réel s’est limité à 487 kilotonnes, soit une réduction inférieure de près de 41 %. Et j’en profite ici pour mentionner que mon bureau de circonscription a été submergé d’appels de citoyens et citoyennes qui n’arrivaient pas à se faire payer. Aussi, le Commissaire critique la double comptabilité faite entre différents programmes, qui conduit à une surestimation des réductions prévues.
À cet effet, des investissements parallèles, comme ceux de la Banque de l’infrastructure du Canada et du Programme des énergies renouvelables intelligentes, visent les mêmes projets, rendant difficile l’évaluation précise de leur efficacité.
Des obstacles structurels et politiques
La lenteur de la mise en œuvre des politiques fédérales est aggravée par des défis structurels. Pour 15 des 20 mesures auditées, des problèmes de coordination entre les administrations fédérale, provinciales et municipales ont freiné leur avancement. De plus, aucune mesure fédérale majeure n’a été ajoutée au plan depuis 2022, ce qui reflète un manque de dynamisme face à une crise qui s’intensifie.
Le plafonnement des émissions du secteur pétrolier et gazier est emblématique des obstacles rencontrés. Proposée en 2021, la conception de cette mesure devait être achevée en 2023. Cependant, elle n’a été dévoilée qu’en décembre 2023, et le règlement définitif ne sera pas publié avant 2025 et le secteur des énergies fossiles doit s’y conformer en… 2030! Ce retard compromet la capacité du Canada à réduire les émissions de l’un des secteurs les plus polluants du pays. Actuellement, il est responsable de 31% des émissions de GES du Canada.
Un suivi déficient
Le rapport souligne également que le gouvernement canadien a négligé de mettre en œuvre les recommandations formulées par le Commissaire au cours des trois dernières années. Sur les 41 recommandations acceptées, beaucoup n’ont pas été suivies d’actions concrètes. Cette inertie empêche de combler les lacunes identifiées et de respecter les délais pour atteindre les objectifs climatiques.
Par ailleurs, le Commissaire critique le manque de transparence du gouvernement Trudeau dans son rapport d’étape produit en vertu de la Loi canadienne sur la responsabilité en matière de carboneutralité. Celui-ci n’a pas publié de calendrier clair pour la mise en œuvre des mesures ni identifié les priorités stratégiques. Cette opacité entrave l’évaluation publique des progrès et limite la responsabilisation des décideurs.
Alors que les possibilités de réduire les émissions s’amenuisent, le rapport insiste sur l’urgence d’agir. « Nos travaux montrent que les enjeux deviennent de plus en plus importants chaque année et que les possibilités de réduire les émissions pour atteindre la cible de 2030 diminuent rapidement », avertit Jerry V. DeMarco. Cet avertissement met en lumière une responsabilité partagée entre les institutions et les citoyens pour exiger des actions immédiates et audacieuses.
Le rapport de 2024 du Commissaire à l’environnement et au développement durable vient valider les inquiétudes déjà exprimées par le Bloc Québécois. Il est un rappel sévère de l’urgence d’agir face à la crise climatique. À seulement six ans de l’échéance de 2030, les retards accumulés et le manque de progrès mettent en péril les engagements du Canada. Pour inverser la tendance, une accélération drastique des efforts est nécessaire, accompagnée d’une volonté politique renouvelée et d’une responsabilisation accrue. L’avenir climatique du pays dépend désormais de la capacité des dirigeants à passer des paroles aux actes, avant qu’il ne soit trop tard.
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