Rencontre entre Zeus et ‘Orechnik’
• ‘Orechkin’ continue à être la vedette des diverses crises qui composent la GrandeCrise. • Pépé Escobar choisit la mythologie grecque pour donner une mesure de l’importance de ce facteur stratégique. • Il n'a pas tort.
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Pépé Escobar a eu l’excellente idée d’ouvrir la porte aux dieux, – Zeus en l’occurrence, – pour nous exposer les causes et les conséquences de l’irruption d’ ‘Orechkin’ sur la scène stratégique, géopolitique sinon métahistorique. Dans ce texte, il y ajoute la Chine conversant avec Hermès pour son action sur le dollar, d’une façon qui nous semble séduisante mais que nous avons du mal à bien juger selon nos connaissances et encore plus selon le point de vue (symbolisme, mythologie) que nous développons ici, – et, dans tous les cas, nous laisserons cet aspect de côté.
La référence aux dieux de la mythologie grecque est fort bienvenue, – et au plus puissant d’entre eux pour ce qui concerne ‘Orechkin’, encore plus. Il faut savoir que cette référence divine est en général présente pour les grands événements entourant le nucléaire, avec la stratégie totale et la dissuasion qui vont de pair. La référence métaphysique et théologique était dans tous les esprits des savants qui assistèrent au premier essai d’une bombe atomique, en juillet 1945. On sait bien qu’Oppenheimer nota en 1965, dans sa contribution pour les Atomiv Archives :
« Nous savions que le monde ne serait plus le même. Certains ont ri, certains ont pleuré. La plupart étaient silencieux. Je me suis souvenu d'une ligne du texte hindou, le Bhagavad Gita ; Vishnou essaye de persuader le Prince de faire son devoir et, pour l‘impressionner, prend son apparence aux multiples bras et lui dit : “Maintenant je suis la Mort, le destructeur des mondes”. Je suppose que nous avons tous pensé cela, d'une façon ou d'une autre. »
Plus tard, en souvenir de cette référence, les bureaucraties du Strategic Air Command prirent garde à baptiser de noms de dieux antiques et autres créatures des mythologies de ces temps reculés leurs premières fusées porteuses d’armes nucléaires (‘Atlas’, ‘Titan’, ‘Jupiter’, ‘Thor’, etc.). Dans le cas d’‘Orechkin’, et plus encore dans la façon qu’on le considère il y a une démarche semblable, mais plus ironique puisqu’il s’agit d’un système qui fait reculer l’emploi de l’arme nucléaire d’une façon peut-être décisive .
Ce que nous apprécions surtout dans ce choix de la métaphore, c’est qu’elle donne indirectement, en plus de l’expliquer, toute l’énorme importance de ce missile et des technologies qu’il introduit, et du tournant stratégique total qu’il implique dans les relations internationales et le rapport des forces. Escobar l’a effectivement bien compris même s’il ne le précise pas assez. Certes il a raison lorsqu’il écrit :
« Les foudres de la noisette [‘Orechkin’] ont rendu caduque toute la stratégie de l'hégémon vis-à-vis de la Russie. Bye bye “l'avantage stratégique” acquis en poussant Moscou à frapper à l'aide d'armes nucléaires tactiques. Désormais, la Russie peut frapper n'importe où, n'importe quand, à 12 000 km/h. Sans radiation et sans accumulation de victimes civiles. »
… Mais il faut aller au bout de cette logique ; car ce qu’‘Orechkin’ a rendu caduque dépasse largement l’Ukraine et la situation actuelle, et dépasse même les seuls USA et Russie ; c’est toute la stratégie nucléaire elle-même, telle qu’elle est, qui est rendue caduque, en bouleversant complètement la dissuasion, en y introduisant un outil de victoire totale qui n’est pas porteur d’armes nucléaires, donc de l’instrument de la mort de l’humanité, le « Maintenant je suis la Mort, le destructeur des mondes » d’Oppenheimer. Il s’agit alors bien plus de l’Ukraine et de l’actuel chaos stratégique, peut-être même bien plus de la Guerre Froide et des relations internationales conditionnées depuis 1945 par l’existence du nucléaire. Il s’agit donc d’un événement réellement métaphysique, qui fait progresser la GrandeCrise à pas de géants. La référence à la mythologie grecque est absolument justifiée, sinon nécessaire.
Note de PhG-Bis : « On l’a déjà vu, Poutine a comparé ‘Orechkin’ à une météorite. Nous-même avions évoqué cette référence le 23 novembre (“Il faut dire qu’à Mach 10, la masse qui heurte rassemble 475 fois l’énergie cinétique d’un missile ‘Tomahawk’ volant à Mach 1. Si vous voulez, c’est comme une météorite de belle taille.”). Sur ces entrefaites, on nous signale qu’une météorite “de belle taille” passera “extrêmement près” de la Terre, – mais en 2029 seulement, – mais d’ici là, notre fascination pour le chaos peut nous avoir entraînés encore plus bas, plus loin et plus vite, et les années passant plus vite nous y serons vite… Si je signale la chose, c’est aussi à cause du nom donné à la météorite : ‘Apophis’, dieu du Chaos et de la Destruction chez les Égyptiens, ou ‘Dieu du côté obscur de la Chose. »
Le texte de Pépé Escobar est repris sur ‘ssofidelis.substack.com’ et ‘Spirit of Free Speech’, le 1er décembre 2024.
PhG-Semper Phi
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Russie & Chine, et la mythologie grecque
Alors que la Russie redéfinit le rôle de Zeus, la Chine s'emploie à remettre au goût du jour celui d'Hermès.
Que de merveilles les puces des lave-vaisselle sont capables de déclencher ! [« L'armée russe récupère des puces sur des lave-vaisselle et des réfrigérateurs pour réparer son matériel militaire, car elle est à court de semi-conducteurs. L'industrie russe est en lambeaux ». – Discours de van der Leyen du 14 septembre 2022 sur l’état de l’Union.]
Comment est-il possible que Zeus, le roi des dieux, ne l'ait pas prévu ? D'autant que son intuition divine lui soufflait qu'à l'avenir, ses foudres seraient reproduites en Russie via Oreshnik, cette noisette en apparence inoffensive.
La mythologie préfigure la réalité post-tout.
Revenons un peu à Newton. D'après ses formules, un projectile d'uranium d'un mètre de long volant à très grande vitesse est capable de perforer 6 mètres de roche dure (sur l'air de “Highway Star” de Deep Purple ?).
Une ogive se déplaçant à 1 200 mètres seconde est capable de perforer une épaisseur de 46 mètres de béton.
Imaginez maintenant une vitesse d'impact supérieure à la vitesse du son : la profondeur de l'impact est, bien sûr, exponentiellement plus élevée.
Le choc provoqué par l'impact, à très grande vitesse, transforme tout obstacle en gaz. Une onde de choc cinétique se propage jusqu'à 50 mètres de profondeur, envahissant les strates du sous-sol et broyant, détruisant – voire même implosant – tout ce qui se trouve sur son passage.
C'est ce qui s'est passé dans les entrailles de l'usine Yuzhmash à Dnepropetrovsk, car Oreshnik a été conçu pour optimiser ces principes physiques. La Russie n'a utilisé que des balles à blanc pour ce premier test d'Oreshnik, au lieu d'ogives.
Satisfaction garantie
Les présidents russe et kazakh, Vladimir Poutine et Kassym-Jomart Tokayev, ont renforcé leur partenariat stratégique en privé à Astana, notamment en réaffirmant leur volonté de développer la coopération au sein de l'organisation du Traité de sécurité collective (OTSC).
En outre, le Kazakhstan a été officiellement invité à rejoindre les BRICS.
M. Poutine a répondu à de nombreuses questions de la presse à propos d’Oreshnik et sur la guerre par procuration menée par l'OTAN. Mais c'est sans doute le discours qu'il a prononcé lors d'une réunion à participation restreinte du Conseil de sécurité collective de l'OTSC qui a suscité le plus d'intérêt. Certains passages méritent d'être cités en long et en large et en travers, notamment lorsque le président a évoqué l'aspect “satisfaction” des utilisateurs :
« Le système de missiles russe Iskander et ses adaptations constituent la version analogue russe des trois adaptations du missile ATACMS. Le poids de l'ogive en équivalent TNT est à peu près le même, mais l'Iskander a une plus grande portée. Le nouveau missile PrSM de fabrication américaine n'est pas supérieur à ses homologues russes, quelles que soient les spécifications. Le missile Storm Shadow à lancement aéroporté, le SCALP français et le Taurus allemand sont dotés d'une ogive pesant entre 450 et 480 kg d'équivalent TNT et dont la portée est comprise entre 500 et 650 km. Le missile allemand Taurus a une portée de 650 kilomètres. Le missile Kh-101 à lancement aéroporté est la version russe de ces systèmes. Il est comparable en termes de puissance de l'ogive, mais sa portée est nettement supérieure à celle de chacun des systèmes fabriqués en Europe. Les nouveaux missiles PrSM fabriqués aux États-Unis, comme indiqué précédemment, ainsi que le JASSM, sont inférieurs à leurs homologues russes en termes de spécifications techniques. Nous avons bine entendu connaissance du nombre de systèmes d'armes concernés en service chez nos adversaires potentiels. Nous savons combien sont stockés. Nous connaissons leur emplacement exact, la quantité d'armes fournies à l'Ukraine et la quantité qu'il est prévu de fournir. Quant à la production de systèmes de missiles et d'équipements performants russe, elle est dix fois supérieure à la production combinée de tous les pays de l'OTAN. L'année prochaine, notre production augmentera encore de 25 à 30 %. Nous constatons que les animateurs du régime Kiev supplient leurs maîtres de leur fournir des équipements militaires d'un autre type. N'oublions pas nos systèmes de missiles hypersoniques Kalibr, Kinzhal et Zirkon, dont les spécifications techniques sont inégalées dans le monde. Leur production est également en cours de renforcement et tourne à plein régime. D'autres exemples de produits de ce type pourraient bientôt figurer dans notre gamme de produits de cette catégorie, si je puis m'exprimer ainsi. Comme on dit, satisfaction client garantie. »
Collision météoritique à venir
M. Poutine a comparé la frappe d'un Oreshnik à ce que pourrait provoquer la collision d'une météorite :
« L'histoire nous apprend quelles météorites sont tombées à quel endroit et quelles en ont été les conséquences. Parfois, cela a suffi à former des lacs entiers ». Même lorsqu'il souligne que « les effets d'annonce sont inappropriés lorsqu'il s'agit d'armes inédites », c'est exactement ce qui s'est passé avec Orechnik : « Nous avons attendu le stade de l'essai et du résultat. Ensuite, nous avons fait une annonce ».
Voici le contexte de ce que Mikhail Kovalchouk, le véritable créateur de ces noisettes en apparence inoffensives, réplique des foudres de Zeus, a déclaré à Izvestia, en marge du IVè Congrès des Jeunes Scientifiques, dans le territoire fédéral de Sirius.
Kovalchouk est le président du Centre national de recherche de l'Institut Kourchatov. En substance, il a fait remarquer que
« les matériaux dont dispose la Russie, capables de résister à des températures ultra-élevées, ont permis de créer le système Oreshnik et permettront le développement d'autres types d'armes hypersoniques. »
La planète entière se demande peut-être comment la Russie est parvenue à devancer ses concurrents :
« C’est parce que nous sommes l'un des cinq leaders mondiaux […] Nous avons créé des armes hypersoniques en très peu de temps. Il s'agit de matériaux qui supportent des températures de 1 500 degrés, puis de 1 800 degrés, et aujourd’hui de 2 000 degrés, et nous l'avons fait, alors que d'autres non. »
Et ce n'est pas tout : selon M. Kovalchouk,
« d'autres matériaux capables de résister à des températures élevées permettront de créer des armes encore plus performantes. La prochaine étape devrait concerner le développement de matériaux capables de résister à des températures de 2 500 à 3 000 degrés. »
Ainsi, des missiles volant à très basse altitude à Mach 15 ou même Mach 20 pourraient avoir un impact encore plus dévastateur – y compris le choc plasma – que celui du missile Oreshnik déjà testé.
Poutine, pour sa part, a également déclaré – presque désinvolte – que le ministère ukrainien de la Défense « désigne lui-même les cibles » pour d'autres frappes d'Oreshnik, notamment des « pôles de décisions », des sites de production industrielle et des installations militaires ukrainiens. L'OTAN écoute-t-elle ? De toute évidence, non.
La Soft power maximale
Alors que la Russie réorganise le rôle de Zeus, la Chine est occupée à réorganiser le rôle d'Hermès.
Pékin vend désormais des obligations en dollars américains en Arabie saoudite. Ce qui veut dire que plus la Chine vend ces obligations, plus ces dollars américains « arabes » peuvent être détournés vers les nations partenaires de la Belt and Road Initiative (BRI) sous forme de prêts, afin qu'elles soient en mesure de rembourser leurs dettes de type extorsion par le FMI et la Banque mondiale, contrôlés par l'hégémon.
En outre, ces partenaires de l'initiative peuvent rembourser ces prêts en dollars à la Chine en utilisant – quoi d'autre ? – le yuan, ainsi que les marchandises qu'ils produisent ou leurs ressources naturelles.
C'est ce qu'on appelle une autoroute de la dédollarisation rapide. Et personne ne devra jamais oublier que les obligations chinoises en dollars américains sont adossées à l'or, tandis que les obligations en dollars américains sont garanties par une imprimante.
Le baratin occidental à propos d'une Chine lourdement endettée n'a aucun sens. La dette de la Chine – qui est manifestement énorme – est en grande partie une dette intérieure en yuans. La Chine a recours à son marché obligataire interne pour aider les entreprises à investir leur argent et à obtenir un rendement convenable, sans pratiquement aucun risque. Et ce, en stimulant l'économie.
Pékin a eu la brillante idée d'émettre des obligations en dollars américains pour récupérer les pétrodollars saoudiens, et éviter ainsi qu'ils ne repartent directement aux États-Unis. Les rendements obligataires doivent donc augmenter. Pékin a trouvé un moyen de s'assurer que le rendement des emprunts reste élevé, faisant ainsi grimper les coûts d'emprunt pour les États-Unis.
Le principal avantage est que ces dollars américains provenant des obligations serviront à prêter à de nombreux pays du Sud pour rembourser leurs emprunts à taux d'intérêt exorbitants auprès du FMI et de la Banque mondiale. Au lieu de payer des intérêts de 20 à 30 %, Pékin se contentera de facturer à ces pays le taux des obligations (environ 5 %).
En fait, la Chine se convertit en intermédiaire pour emprunter des dollars américains à bas prix pour les pays du Sud. C'est ce que l'on appelle le Soft Power maximal.
Qu'adviendra-t-il des dollars américains remboursés par les pays du Sud ? Le surplus de liquidités plongera les États-Unis dans une nouvelle crise inflationniste. Les marchés boursiers exploseront, mais les taux d'intérêt augmenteront, rendant les emprunts encore plus coûteux. Ajoutez à cela des droits de douane élevés et, comme l'a fait remarquer un négociant avisé de Hong Kong, « la tempête est totale ».
Bienvenue donc en Chine dans la peau d'Hermès, fils de Zeus et de la superbe pléiade Maia. Hermès, parmi ses innombrables attributs, est le dieu des voyageurs, des routes et du commerce (BRI ! Couloirs de connectivité !), de la ruse, de la diplomatie, du langage, de l'écriture et de l'astrologie. Héraut et messager personnel de Zeus, Hermès est aussi un divin roublard (achetez-moi ces dollars américains en Arabie saoudite !).
Une fois de plus, nous voyons la Russie jouer aux échacs, – pensant avec plusieurs coups d’avance, – tandis que la Chine joue au Go (Weiqi 围棋), Elle aussi avec plusieurs coups d’avance. Et ce partenariat toujours synchrone, donne lieu à une belle renaissance de la mythologie grecque.
Les foudres du noisetier ont rendu caduque toute la stratégie de l'hégémon vis-à-vis de la Russie. Bye bye “l'avantage stratégique” acquis en poussant Moscou à frapper à l'aide d'armes nucléaires tactiques. Désormais, la Russie peut frapper n'importe où, n'importe quand, à 12 000 km/h. Sans radiation et sans accumulation de victimes civiles.
Il s'agit là d'une véritable onde de choc cinétique – militaire et géopolitique. Rien d'étonnant à ce que l'OTAN soit désemparée. Zeus surveille l'échiquier de là-haut avec un sourire en coin, en sirotant une bonne bouteille de Brunello.
Pépé Escobar
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