L’auteur est porte-parole du Regroupement Vigilance Mines Abitibi-Témiscamingue (REVIMAT)
Le dossier concernant l’exposition à l’air contaminé de la ville de Rouyn-Noranda par la fonderie Horne a débouché sur une demande de recours collectif, le 23 octobre 2023, par les demandeurs Julie Fortier et Miguel Charlevois qui sont représentés par la firme Siskinds Desmeules. Deux défendeurs sont visés par ce recours soit Glencore Canada Corporation, propriétaire de la Fonderie Horne, et le procureur général du Québec (PGQ).
Il est reproché à Glencore Canada d’avoir causé des préjudices à la population depuis le 1er janvier 1991.
Pour ce qui est du PGQ, les demandeurs lui reprochent, entre autres, d’avoir permis à la Fonderie Horne d’émettre des contaminants toxiques et cancérigènes dans l’environnement et toléré ensuite ces émissions sans avoir pris de mesures pour protéger la santé des demandeurs. La population serait restée dans l’ignorance des contaminants en cause et de leurs effets sur la santé. De plus, l’étendue de l’exposition n’était pas connue. La population en aurait pris conscience en juin 2022 lorsque l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) a rendu public un document dont la publication avait été retenue au préalable par le docteur Arruda.
Deux sous-groupes sont identifiés dans la demande:
– Les personnes ayant habité dans le quartier Notre-Dame de Rouyn-Noranda (RN), à un moment ou l’autre depuis le 1er janvier 1991, et ayant subi ou subissant toujours un préjudice découlant de l’émission des contaminants toxiques et cancérigènes émanant de la Fonderie Horne.
– Les personnes ayant habité dans le périmètre d’urbanisation de la Ville de Rouyn-Noranda (à l’exclusion du quartier Notre-Dame), à un moment ou l’autre depuis le 1er janvier 1991, et ayant subi ou subissant toujours un préjudice découlant de l’émission des contaminants toxiques et cancérigènes émanant de la Fonderie Horne.
La première étape du recours vise à obtenir l’autorisation d’exercer une action collective et le statut de représentants de la cour. L’audience va se tenir au printemps 2025.
Une des limites à l’autorisation d’un recours collectif est le délai de prescription. Dans le Code civil, les demandeurs doivent faire la preuve que la population a pris conscience des enjeux au plus tard il y a 3 ans. L’argument des demandeurs est que la publication de l’INSPQ en juin 2022 est le point de bascule d’une prise de conscience collective des effets sur la santé des contaminants émis dans l’atmosphère par la fonderie Horne. On y notait que l’espérance de vie est moindre de cinq ans dans le quartier Notre-Dame, que le taux de cancer est plus élevé à RN, que des maladies respiratoires (MPOCS) sont plus nombreuses, que plus de bébés naissent avec un faible poids et que les femmes enceintes ont plus de problèmes.
Lors d’une pré-audience les 26 et 27 septembre, le PGQ et Glencore Canada ont tenté de faire ajouter des documents afin, selon eux, d’avoir une preuve appropriée et de convaincre le juge, lors de l’audience en autorisation, que la demande des demandeurs est non recevable.
Position du procureur général du Québec
Le PGQ sollicite la permission du tribunal pour produire d’autres pièces totalisant 75 documents distincts pour avoir une preuve appropriée.
Il tente de prouver, entre autres, que le délai de prescription de trois ans est dépassé. La population serait au courant depuis des décennies des dangers encourus à vivre à côté de la fonderie. On laisse entendre que les citoyens avaient pleine conscience des dangers parce que les informations circulaient depuis des années. Autrement dit, les problèmes qui ont été causés ne sont plus de son ressort. Il n’indique surtout pas que la plupart des suivis au niveau du public avaient un ton rassurant, probablement pour ne pas créer de stress au sein de la population.
Le PGQ conteste aussi la grandeur du périmètre d’urbanisation du sous-groupe le plus large déposé dans la demande. Ceci permettrait de réduire le nombre de personnes qui recevraient des indemnisations au cas où il y aurait un règlement en faveur des demandeurs.
Il tentera aussi de faire valoir que le recours collectif recule beaucoup trop loin dans le temps et cherche ainsi à convaincre le juge de changer la date du début du recours, s’il autorise celui-ci.
Il cherchera aussi à prouver que les deux demandeurs n’ont pas la légitimité pour représenter le recours collectif, car ils étaient au courant depuis longtemps des effets des émissions atmosphériques sur la santé.
Position de Glencore Canada Corporation
Glencore demande de faire ajouter douze pièces. Une des pièces à ajouter correspond à une étude produite par Janet Anderson (toxicologue) et qui a été financée par la compagnie. Cette étude viserait à jeter un éclairage sur les conclusions et les limites du rapport de l’INSPQ,
Les demandeurs rejettent la pertinence de l’ajout de ce document, car il ne respecterait pas les critères applicables à ce type de demande. Le document est une expertise qui nécessiterait l’administration d’une preuve contradictoire qui ne fait pas partie des démarches dans une audience en autorisation.
Article 575 permettant de cadrer une décision d’autorisation d’un recours collectif
Selon les demandeurs, au stade de l’autorisation, le rôle du tribunal se limite à s’assurer que les critères de l’article 575 sont remplis:
Article 575 : Le tribunal autorise l’exercice de l’action collective et attribue le statut de représentant au membre qu’il désigne s’il est d’avis que:
1° les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de faits identiques, similaires ou connexes;
2° les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;
3° la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance;
4° le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres.
Les critères de l’article 575 devraient donc, selon le demandeur, être interprétés et appliqués largement de manière à favoriser un accès plus facile aux actions collectives en tant que moyen d’atteindre les objectifs décrits ci-dessus. Cela ne laisse donc pas de place à la discrétion judiciaire lorsque les critères sont remplis. S’il existe un doute quant à la satisfaction de l’un des critères, ce doute doit être interprété en faveur des demandeurs. Les demandes d’ajouts de documents ne doivent pas constituer des moyens de défense et ne doivent pas empiéter sur le fond du litige. Elles ne doivent pas engendrer un débat sur le fond.
Nous aurons d’ici un certain temps la décision du juge à savoir s’il autorise le dépôt de certains documents du PGQ et de Glencore Canada Corp. pour l’audience en autorisation.
On peut constater qu’un recours collectif doit passer par un long processus où l’issue est imprévisible.
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