État libéral carnassier : le « J’accuse » de David Guiraud

État libéral carnassier : le « J’accuse » de David Guiraud

Pas mieux ! Le discours de Guiraud est parfait de bout en bout, car c’est une démonstration, implacable comme on dit. Les transferts de richesses échappent au commun des Français, qui ne comprend rien à l’économie, qu’elle soit micro ou macro.

Il comprend la hausse des prix – l’inflation – la hausse des prélèvements, la hausse des carburants ou de l’énergie, ça, il comprend. Le camembert du budget de l’État, il comprend moins, enfin, il s’en soucie moins, c’est plus éloigné, plus haut, plus flou : on comprend 30 euros par mois de plus sur sa facture EDF mais pas 100 milliards de TVA détournés.

Et tout est fait aussi pour qu’il comprenne moins, un peu comme le droit qui est une langue étrangère au Français moyen. Tout est fait pour que ce soit l’affaire de la Cour des comptes, dont personne ne lit les 572 pages annuelles (par exemple pour 2023). Citez-nous un employé au Smic qui a le temps de lire ces 500 pages ? Sur la plage peut-être, l’été, pendant son mois de vacances au camping de Palavas…

Attention : la Cour des comptes ne fait que constater, elle peut éventuellement intervenir dans le débat public, mais en général c’est pour aller dans le sens du libéralisme, pas forcément du gouvernement ou de la politique du moment, si ce n’est pour la durcir. C’est le cas avec Moscovici, un autre commissaire européiste (comme Barnier) placé à la tête de la nation, c’est-à-dire du robinet à fric.

 

Mosco, c’est 26 300 euros par mois de rémunérations : 14 500 de salaire à la Cour des comptes dont il est le président grâce à Macron ; 3 300 de retraite de député et de député européen ; 8 500 de la Commission européenne. Quand il parle de dette, de services publics et d’inflation, il ne sait pas ce qu’il dit : il est à l’abri. La TVA, il s’en fout, c’est l’impôt du pauvre, pas du riche.

 

C’est David Guiraud qui devrait être à la Cour des comptes, pour le compte des Français, pas de leur pseudo-élite.

La démonstration entière retranscrite par nos soins

Madame la Présidente, je partage le plaisir du président de la Commission des finances de vous voir assis à ce siège. Mesdames et Messieurs les ministres, chers collègues, pour reprendre une citation connue je commencerais mon propos par ce constat : si la population comprenait parfaitement notre système budgétaire je crois qu’il y aurait une révolution demain matin.

Permettez-moi donc de participer, à ma modeste échelle, à cette saine pédagogie. Non seulement nous n’approuvons pas ces comptes de l’État – gardez votre souffle, chers collègues, il y en a pour 15 minutes – non seulement nous n’approuvons pas ces comptes de l’État mais nous avons besoin d’un débat sur la transformation profonde de notre système de financement public, une transformation absolument scandaleuse, au sens premier du terme, d’abord parce que profondément inégalitaire, ensuite parce qu’on se rend tous compte actuellement que cela met en péril nos comptes publics et enfin parce qu’elle est profondément antidémocratique.

Sous la présidence Macron notre pays n’a jamais levé autant d’argent issu des impôts de son histoire. Nous n’avons jamais été aussi riches. Il suffit d’observer l’évolution des recettes fiscales nettes de l’État avant qu’Emmanuel Macron ne prenne le pouvoir. Les recettes fiscales nettes de l’État s’élèvent à 285 milliards d’euros. Elles passent à 295 milliards en 2017, même montant pour 2018, elles retombent en 2019 à 281 milliards d’euros et à partir de 2021 elles vont remonter sans jamais s’arrêter : 295 milliards à nouveau en 2021 et aux alentours de 323 milliards d’euros en 2022, en 2023 et en 2024. Et elles sont estimées à 357 milliards d’euros en 2025. 357 milliards d’euros.

L’État est assis sur une montagne d’or, celle des Français. Et comme tout dragon il a caché une partie du trésor dans la montagne parce qu’en plus de ces 357 milliards d’euros il faut rajouter les recettes d’un impôt dont on ne parle décidément pas assez – c’est pourtant le premier impôt du pays – c’est la TVA. Dans le présent projet de loi de finance on nous parle par exemple de 106 milliards d’euros de recette de TVA cette année pour l’État, mais c’est curieux parce que la France n’a pas collecté seulement 106 milliards d’euros de la TVA ; notre pays a prélevé le double de cette somme sur les Français car les recettes de la TVA – l’impôt le plus injuste, hein – ont explosé sous le mandat Macron. On est passé de 163 milliards d’euros de TVA nette collectée en 2017 à 186 milliards d’euros en 2021, et à 217 milliards d’euros en 2024. En 7 ans de mandat Macron les recettes de TVA ont bondi de plus de 50 milliards d’euros. 50 milliards d’euros supplémentaires, c’est-à-dire juste le budget de notre défense nationale, rien que ça !

Et alors si nous sommes si riches mais que le budget de l’État est en grave déficit, mais qu’est-ce qui se passe ? Mais qu’est-ce qui se passe ? Où va cette masse d’argent considérable payée par les Français, les plus précaires, au supermarché notamment, au caddy, dans des produits alimentaires dont le prix a explosé avec l’inflation ? Où va cette fortune payée avec la sueur et les larmes de certaines familles ? C’est un député d’une ville, Roubaix, qui connaît un taux de pauvreté à plus de 40 % qui vous parle. Où va cette fortune ? Mais on est face à un véritable scandale d’État car une chose est désormais connue et reconnue : cette fortune va de moins en moins dans le budget l’État. Je vous donne un fait indiscutable, 100 milliards d’euros de la TVA ne vont plus dans le budget de l’État, c’est-à-dire l’équivalent de deux fois le budget de notre défense nationale. Et ce sans qu’il y ait eu un seul débat d’ampleur nationale sur le détournement de cet argent, et c’est pas un détail.

L’argent du budget de l’État, il sert à financer la solidarité. L’argent du budget de l’État, il sert à financer les services publics. L’argent du budget de l’État, c’est la transition écologique et surtout l’argent du budget de l’État, il est discuté tous les ans ici à l’Assemblée. Mais là on a 100 milliards, 100 milliards, hein, d’euros, qui ont été exfiltrés du budget de l’État sans qu’on ne sache vraiment à quel moment on en a discuté dans notre assemblée, sur décision des gouvernements Macron, sans débat national, juste comme ça. C’est quand même, permettez-moi, c’est étonnant vu que vous parlez, collègue Cazeneuve, quand on discute du financement de nos écoles, de nos hôpitaux, de nos armées, le gouvernement nous dit qu’on est à l’euro près, mais quand on ausculte chaque pupitre de classe pour voir à la loupe voire même au télescope si on n’a pas dépensé un centime d’euro, vous êtes là, mais quand 100 milliards d’euros s’envolent du budget de l’État vous regardez vos pompes. Permettez-moi de relever quand même cette hypocrisie.

Pour que tout le monde comprenne, il y a quand même, il y a des graphiques éloquents, c’est celui du rapport de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finance 2024. Rien que visuellement c’est saisissant. Vous voyez il y a un graphique : en 2017 l’argent de la TVA revenait presque uniquement à l’État ; en 2024, regardez bien, c’est le rouge l’argent de la TVA qui vient à l’État, ça a rétréci au lavage quand même hein ! Ça a rétréci au lavage et maintenant on voit deux nouveaux acteurs qui perçoivent la TVA : la Sécu sociale et les collectivités locales, et personne se demande pourquoi.

Donc je vais commencer par la Sécurité sociale, vous allez voir pourquoi je suis contre, chers collègues : le gouvernement a littéralement créé une TVA sociale. Littéralement. Une TVA sociale c’est-à-dire la mesure qui était défendue par Nicolas Sarkozy, qui a fait chuter parfois, en partie, des gouvernements, reprise récemment par le responsable des républicains Éric Ciotti – enfin ça c’était avant la bataille du QG des Républicains, cette bataille épique qui opposa Valérie Pécresse contre Éric Ciotti suspendu à son balcon ; cette TVA sociale, idée aussi simple que dangereuse, c’est-à-dire on diminue les cotisations patronales en les faisant financer par la TVA.

Donc ce que les Français des classes populaires ou moyennes payent de TVA dans leur caddy de course part directement financer des cadeaux fiscaux aux entreprises, dont on sait à qui elles bénéficient majoritairement. Je vous donne un indice ça commence par CAC, ça finit par 40.

Et dans son dernier livre le ministre Bruno Lemaire, avant son exil en Suisse, évoquait d’ailleurs cette TVA sociale, il la chiffrait même : il disait 5 points ; 5 points c’est-à-dire un montant de 60 milliards d’euros de TVA qui irait dans le budget de la Sécurité sociale. Ça serait un choc sans précédent sur la consommation des Français qui peinent à boucler leur fin de mois, eh bien regardez, les 60 milliards d’euros ils sont là sous vos yeux, voilà la TVA sociale. Et quand on lit les documents budgétaires de l’État, on les voit, 60 milliards d’euros pile, et on parle d’un phénomène qui est quand même très récent, hein, c’est peut-être pour ça que tout le monde l’a vu, parce que ça a commencé en 2019, alors qu’on était sur des montants relativement faible, hein, avant, de TVA transférée vers la Sécurité sociale, d’un coup on se met à transférer, en 2019, alors que c’était, avant, 10 milliards, en 2019 on se met à transférer 46 milliards d’euros de l’argent de la TVA vers la Sécu. Un quart du produit de la TVA qui part d’un coup vers la Sécu. Et depuis cette date c’est comme au PSG, les montants des transferts explosent : on passe à 53 milliards d’euros de TVA transférés à la Sécu en 2021 puis à 57 milliards d’euros transférés en 2022, et pour l’année 2023, donc on en revient à notre graphique, 60 milliards d’euros de TVA.

Et si vous avez des doutes sur les raisons de ces transferts, c’est la Cour des comptes qui vous le rappelle dès 2019. Dès 2019, dans son rapport sur les recettes fiscales de l’État, je cite : « l’affectation aux administrations de Sécurité sociale d’une nouvelle fraction importante de TVA prenant principalement en charge le coût des baisses de cotisations sociales, décidée en contrepartie de la suppression du crédit d’impôt sur la compétitivité et l’emploi ». Voilà, la boucle est bouclée, c’est celle d’une politique libérale ultra agressive décidée par un État qui ordonne à la Sécu de supporter de plus en plus le poids d’une politique destinée au grandes entreprises en la forçant à se priver de milliards d’euros à cause des exonérations de cotisation. Mais pour éviter l’explosion du budget de la Sécu, parce que si on compense pas, le budget de la Sécu explose, pour éviter son explosion le gouvernement fait financer ses cadeaux aux entreprise avec l’argent de la TVA. L’argent issu de l’impôt le plus injuste du pays est directement aspiré par l’État pour le redonner immédiatement au grand patronat, c’est ça la TVA sociale.

Et alors on pourrait croire que ça s’arrête là, mais non même pas, parce que le même sort est désormais réservé au au collectivités locales. Vous avez exactement le même phénomène qui s’abat sur les collectivités locales.

En 2017 l’État transférait, accrochez-vous, 0 € de TVA aux collectivités locales. Pourquoi ? Bah tout simplement parce que les collectivités locales avaient quelque chose qui est, certes, en voie disparition avec vous et qui s’appelle les impôts locaux, mais la politique macroniste s’est aussi distinguée par la suppression de ces impôts locaux : suppression progressive de la CVAE, suppression de la taxe d’habitation. C’est-à-dire la suppression d’impôts qui étaient payés soit par les entreprises soit par les Français, mais avec une nuance quand même de taille pour la taxe d’habitation, parce que même si la taxe d’habitation était payée par une partie des classes moyennes, la taxe d’habitation était majoritairement payée par les 20 % des Français les plus riches.

Donc un supprimant ces impôts vous avez épargné encore une fois les Français les plus aisés, vous avez épargné les entreprises. Sauf que sans ces impôts, comme la Sécu, le budget des collectivités locales, il tient plus. Elle fonctionne plus et vous le savez. Et donc c’est la raison pour laquelle vous avez, là aussi, fait payé avec l’argent de la TVA votre politique de cadeaux fait aux plus riches et aux entreprises ; et on passe 0 € d’argent de la TVA transféré en 2017 à plus – encore une fois c’est dans le graphique – de 50 milliards d’euros de TVA transféré en 2024. Vous avez donc, sans débat parlementaire, demandé aux Français des classes populaires et moyennes, et qui payent la TVA sans pouvoir y échapper, eux, de porter sur leur dos tous les cadeaux fiscaux que vous avez fait au français les plus aisés et aux grandes entreprises.

Et quand on vous piste sur vos politiques budgétaires, parce que faut être un fin limier – vous vous êtes bien cachés pendant quelques années – on voit que vous êtes en train de construire rien d’autre qu’un État capitaliste, prédateur, carnassier. Un État qui demande toujours plus d’efforts aux plus pauvres, un État qui s’appuie toujours et encore plus sur la TVA pour tout financer et pour tout piloter. J’en veux pour preuve un article extrêmement récent du journal Alter Éco, qui nous donne des faits simples : en 2019 le taux de prélèvement obligatoire des 5 % des Français les plus pauvres était de 58 % quand le taux de prélèvement obligatoire des 5 Français les plus riches était de 51 %. En d’autres termes les classes laborieuses de ce pays portent sur leurs épaules la politique de classe violente, agressive, que vous infligez au pays. Et en plus d’être d’une brutalité inouïe pour les Français qui s’en sortent plus, mais elle est d’une inefficacité terrible : c’est votre budget qui nous mène dans le mur actuellement !

Et alors vous allez me dire – d’ailleurs vous m’avez déjà déclaré dans une récente commission « oui, mais en contrepartie les recettes de l’impôt sur les sociétés ont augmenté, c’est la preuve qu’on a redonné de la confiance aux entreprises », c’est une relation de cause à effet un peu étrange, moi je trouve, la confiance. Permettez-moi d’être un peu bas du front mais moi à mon avis c’est l’augmentation générale des prix qui a augmenté, surtout une hausse logique du résultat net des entreprises qui a fait qu’il y a plus d’impôts sur les sociétés sur ces dernières années.

Et on pourrait se dire, bon ça y est ils vont nous lâcher avec la TVA, même pas : vous continuez, vous continuez parce que puisqu’il faut presser le citron jusqu’au bout des Français, vous envisagez de taper encore avec la TVA, cette fois sur les abonnements au gaz et à l’électricité en multipliant par 4 le taux de TVA sur le gaz et l’électricité. Et on pourrait se dire c’est fini avec la TVA, toujours pas, puisque vous allez encore utiliser la TVA dans le budget pour frapper les collectivités locales, c’est ce que vous annoncez récemment, avec les efforts de 5 milliards d’euros demandés aux collectivités.

Quand je parle d’État carnassier c’est pas une métaphore, hein, l’argent de la consommation populaire est entre les mâchoires, maintenant, d’un État capitaliste vorace profondément inégalitaire et avec ça l’État mâchouille aussi le peu qu’il nous reste de démocratie sociale et le peu qu’il nous reste de démocratie locale, parce qu’en fait vous êtes en train d’entrer dans le financement de la Sécurité sociale, vous êtes en train d’entrer dans le financement des collectivités locales, vous êtes en train de les empêcher de se développer seules, avec des impôts locaux pour les collectivités locales, avec des cotisations sociales ou patronales pour la Sécurité sociale.

Et on connaît la suite : une fois que vous aurez pris le pouvoir complètement dans ces budgets là, vous allez nous expliquer quoi ? Bah qu’il n’y a plus d’argent et que vu qu’il n’y a plus d’argent faut faire péter le budget des collectivités locales ; et vu qu’il n’y a plus d’argent faut faire péter le budget de la Sécurité sociale ; et la suite est connue, l’argent de la Sécurité sociale, pour vous, n’a pas d’autre vocation que d’aller dans le privé pour que le privé puisse enfin se faire ce qu’il rêve depuis 1945 dans ce pays, remettre une logique de marché sur un de nos trésors qui est la solidarité et la solidarité entre tous les travailleurs de ce pays.

Pour ces raisons-là, pour toutes ces raisons-là, nous allons rejeter en bloc cette loi et les prochaines lois de finance parce qu’elles s’appuient vraiment sur le vol de l’argent des Français qui consomment, qui n’ont pas d’autre choix que de consommer pour vivre, et c’est précisément parce qu’ils n’ont pas d’autre choix que nous serons là pour les défendre.

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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