Palestine : chronique d’un crime de guerre — Mohamed EL BACHIR

Palestine : chronique d’un crime de guerre — Mohamed EL BACHIR

Benjamin Netanyahou : démocrate en Occident, terroriste au Proche-Orient

« Un monde qui s’achète et se vend, grimpe ou chute au grès des taux du dollar

Et de l’once d’or qui grimpent ou chutent au grès de la variation du prix du sang oriental.

Non…Beyrouth est la boussole du combattant. » (1)

Je n’ai comme arme que ma modeste parole pour dénoncer l’injustice. Ici et ailleurs. Mais face à l’imposture habillée de cynisme et de perversion des puissants, cette parole a été étouffée par la colère. Impuissant, je ne peux regarder les images de Gaza. Je ne lis plus les témoignages de ceux et celles qui agissent avec humanité à Gaza pour apporter secours. Vieux, il ne me reste plus que la colère tout en ressassant ce qui était prévisible.

Et je persiste : ce que vit le peuple palestinien est inscrit dans la nature même du sionisme politique.

Dommage collatéral d’un Etat qui ne fait que se défendre face aux terrorisme ? Génocide ? Crime de guerre ? Crime contre l’humanité ?

Seul l’Occident civilisé a le pouvoir de décider. Cependant, concernant le massacre de civils du 7 octobre 2023, il a jugé l’évènement sans aucune hésitation et sans aucune preuve, tout en faisant abstraction de la cause historique. D’une seule voix, il a martelé : génocide !

Comme il est le porteur de la Loi, il a le pouvoir d’ignorer qu’il porte une lourde responsabilité. Celle, par exemple, d’ignorer ses propres résolutions tout en dotant l’Entité sioniste du statut d’Etat au-dessus des lois. Un statut qui lui permet de faire du peuple palestinien, les peaux rouges du XXIe siècle. L’impérialisme israélo-occidentales masque cet état de fait en jouant les mêmes comédies diplomatiques de faiseur de paix tout en nourrissant les conditions d’une guerre régionale d’une plus grande ampleur. Quand et comment sera t-elle déclenchée telle est la question.

Toujours guidé par la colère, j’ai replongé dans un article écrit le 19 janvier 2009. Que changer dans le contenu ? Les dates, l’ampleur du massacre !

Mais la réalité du peuple palestinien d’aujourd’hui est dans la continuité de l’analyse présentée dans le dit article (2)

Palestine : chronique d’un crime de guerre

Une fois l’entreprise israélienne de destruction de la bande de Gaza terminée, une fois le décompte macabre du massacre de la population palestinienne achevé, la Communauté Internationale avec à sa tête l’Union Européenne et les États-Unis, rivaliseront en bonnes intentions en faveur du peuple palestinien. De nouveau, la Communauté Internationale viendra au chevet d’une population palestinienne meurtrie et rédigera des rapports sur la situation matérielle et psychologique des enfants palestiniens. A coup de millions d’euros, les puissances occidentales, se donneront bonne conscience, feignant d’oublier leurs méfaits de la veille. En effet, puni d’avoir choisi démocratiquement le Hamas, le peuple palestinien a été soumis à un blocus économique et financier dont les conséquences dramatiques ont été, maintes fois signalées par les organisations humanitaires internationales. Raison invoquée pour justifier cette punition : le gouvernement d’union nationale palestinien, constitué au lendemain des élections, ne peut-être reconnu, car la composante Hamas est inscrite dans la liste des organisations terroristes et ne reconnaît pas l’État d’Israël. Piètre argument quand on sait que ces mêmes puissances ont exigé de l’Autorité palestinienne la tenue de ces élections en 2006, suite à l’élection en 2005 du Président de l’Autorité Nationale, Mahmoud Abbas. Une hypocrisie aux conséquences tragiques quand on sait que dans le programme gouvernementale de l’Union nationale palestinienne, la revendication d’un État Souverain palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale reconnaissait, de facto, l’existence de l’État d’Israël. Les puissances occidentales ont préféré emboîter le pas à l’État d’Israël et créer ainsi les conditions d’une confrontation inter-palestinienne. De nouveau, le peuple palestinien assistera à un ballet diplomatique animé par les plus puissants de ce monde avec la même litanie « droit pour Israël de vivre en sécurité ». Poser le problème ainsi revient à considérer que le corollaire « Sécurité » n’est pas une conséquence du théorème « Justice ». La stérile controverse autour de l’interruption de la trêve relève de la mauvaise foi dans la mesure où durant la même période, l’État d’Israël continuait sa politique d’assassinats « ciblés » en Cisjordanie et à Gaza tout en consolidant la colonisation. Quand bien même la sécurité du peuple israélien est mise en danger par des roquettes, il n’en demeure pas moins que celle-ci n’est rien d’autre que le corollaire d’une injustice qui se nomme occupation, colonisation et blocus.

Il est évident qu’en posant comme condition préalable, la résolution de l’équation « sécurité = paix durable », l’État d’Israël aidée par les puissances occidentales a aiguisé les contradictions du mouvement de libération nationale palestinien conduisant la société palestinienne à une nouvelle tragédie. Au delà des destructions et des massacres, cette tragédie nourrit les conditions d’une potentielle fragmentation géographique, sociale et politique du peuple palestinien.

Une à Gaza, liée à l’Egypte et contrôlée par elle, l’autre tournée vers la Jordanie. Vieux rêve des stratèges et idéologues israéliens qui devient une hypothèse de plus en plus plausible. La présence des chefs d’États européens à Jérusalem, le lendemain même du cessez le feu, légitime Israël dans sa posture d’État au-dessus des lois et reconnait implicitement Jérusalem comme capitale de cet Etat. Ce qui marginalise encore plus la voix du peuple palestinien sur la scène internationale, déjà fragilisée par les enjeux régionaux et les divisions arabes.

Pour comprendre l’évolution et la crise du mouvement de libération palestinien, un bref retour dans le passé est nécessaire.

D’Oslo à Annapolis : le marché de dupes

Deux évènements d’importance ont mis fin au processus de paix d’Oslo et déclenché la deuxième Intifada. En juin 2000, le refus de Yasser Arafat de signer le Plan d’Ehud Barak, actant le fait accompli colonial en Cisjordanie, suivi, le 28 septembre 2000, par la provocation d’Ariel Sharon sur l’esplanade des Mosquées.

Libre de toute obligation Internationale, l’État d’Israël a trouvé dans les attentats ciblant des civils israéliens l’alibi pour mettre fin au processus d’Oslo et inverser la question coloniale : la liberté de l’occupé est subordonnée à la sécurité de l’occupant. Cette inversion a légitimé l’opération « Rempart » et la répression du soulèvement palestinien en Cisjordanie. L’objectif poursuivi est double : destruction des infrastructures de l’Autorité et vider la principale composante de l’OLP de ces forces vives en assassinant et en emprisonnant de nombreux cadres et militants du Fath dont Marwan Barghouti, potentiel successeur de Yasser Arafat. Le quasi-emprisonnement de Yasser Arafat, considéré comme un obstacle à la paix par l’État d’Israël, a clos l’épisode « processus d’Oslo ».

Mais il faut remonter aux accords d’Oslo ou Accord de Jéricho-Gaza (13 septembre 1993) et du processus de négociation pour déceler les causes de la tragédie que vient de vivre le peuple palestinien.

L’OLP reconnaît l’existence d’Israël sur 78% de la Palestine historique, en échange de quoi, engagement est pris par les deux parties de « mettre fin à des décennies d’affrontement et de conflit, de reconnaître leurs droits légitimes et politiques mutuels… ». Pour y parvenir, elles s’engagent dans le cadre du processus de paix à « établir une autorité palestinienne intérimaire autonome, le Conseil élu (le « Conseil »), pour les Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza, pour une période transitoire n’excédant pas cinq ans. Il est entendu que les arrangements intérimaires font partie intégrante de l’ensemble du processus de paix et que les négociations sur le statut permanent aboutiront à l’application des résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité.

Cependant, durant la période intérimaire, l’Autorité palestinienne élue n’a pas droit aux chapitres « Jérusalem, les réfugiés, les implantations, les frontières… ». Ce point est capitale puisqu’il laisse à l’État d’Israël toute latitude pour continuer sa politique de colonisation telle qu’elle a été définie au lendemain de la guerre de juin 1967. Politique qui s’était accentuée à partir de 1977 avec l’arrivée de la droite au pouvoir. C’est ce qui a servi de cadre « légal » à l’’État d’Israël pour organiser la séparation physique et géographique des palestiniens entre eux et d’avec les colons. Les timides protestations de la Communauté internationale ne l’ont nullement dissuadé. En revanche, conformément aux accords d’Oslo, toute résistance palestinienne à cette politique était illégale puisque la responsabilité de la sécurité dans les territoires concernés incombait à l’Autorité. C’est ainsi que, durant la même période, l’État d’Israël a consolidé les implantations au nom de la « croissance naturelle » des colonies. En effet, le nombre de colons est passé de 124000 en 1993 à 400000 en 2008. La construction des « routes de contournement » assure la continuité géographique des blocs de colonies avec l’État d’Israël et préfigure l’annexion et le morcellement de la Cisjordanie. En terme de superficie, les blocs de colonies en Cisjordanie contrôlent 42% de ce territoire. Le désengagement de la bande de Gaza en 2005 et le démantèlement des 21 colonies décidés par Ariel Sharon, sans négociation avec l’Autorité palestinienne avait un prix : l’annexion de 42% des terres fertiles de Cisjordanie. Enfin, la construction du mur consacre cette séparation physique et géographique et dessine les nouvelles frontières de l’État d’Israël.

En acceptant comme seules compétences, l’éducation, la culture, la santé et la sécurité civile, les négociateurs palestiniens permirent, involontairement, à l’État d’Israël de se débarrasser de la gestion sociale d’une population occupée tout en conservant le pouvoir de reconfigurer son territoire. Contrairement à ce qu’affirment les commentateurs politiques, l’assassinat de Yitzhak Rabin en 1995 par un extrémiste israélien n’a pas desservi le processus d’Oslo mais plutôt dévoilé les dessous des accords et accéléré le plan d’annexion. Comme d’ailleurs, la disparition de Yasser Arafat et l’affaiblissement du Fath ont mis en lumière les contradictions du mouvement de libération nationale. Pris en main par un groupe restreint autour de Mahmoud Abbas, l’OLP et le Fatha se sont transformés en un appareil administratif et gestionnaire social au service d’une Autorité sous contrôle dont la modération n’est nullement payée en retour par l’occupant. Cette contradiction s’aggrava avec la mise en place de la « Feuille de route » puis de la Conférence d’Annapolis puisque la condition préalable à la création d’un État palestinien est dorénavant assujettie à la sacro-sainte sécurité de l’État d’Israël.

En acceptant les conditions de la Feuille de route puis de la Conférence d’Annapolis, l’Autorité a donné l’image d’un appareil de collaboration et a semé les germes d’une confrontation inter-palestinienne. Ainsi la voie est ouverte pour le Hamas de tirer un profit politique et d’apparaître comme la seule avant-garde de la résistance du peuple palestinien. Il va de soi que la prise du pouvoir à Gaza par le Hamas est une erreur stratégique à double titre. Elle a accentué les divisions au sein du mouvement de libération nationale tout en donnant l’illusion que la bande de Gaza est libérée. Ce mouvement nationaliste, religieux (encouragé par Israël, début 1980, pour concurrencer le mouvement laïque incarné par l’OLP), a joué ainsi le jeu de l’occupant. Il est tombé dans le même piège que l’Autorité en exerçant un pouvoir « sans pouvoir » dans une véritable prison à ciel ouvert, tout en reléguant au second plan le fait colonial au profit de la « sécurité » du colonisateur.

Unité du Mouvement de libération Nationale : dissoudre l’Autorité

De ces constats et des expériences des 15 dernières années, l’unité du mouvement de libération doit être de nouveau au centre des préoccupations de toutes les forces politiques palestiniennes afin que le peuple ait un Porte parole indépendant de l’Autorité et des pays arabes de la région. Unité dont l’objectif stratégique est la création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale. Ce qui implique le démantèlement des colonies de Cisjordanie et la reconnaissance par Israël du droit au retour des réfugiés. Ou alors un État binational. Tout en n’excluant pas le principe de la résistance armée, d’autres modes d’actions non armées de masse doit être privilégiées. Un tel choix a l’avantage d’associer certaines organisations de solidarité israéliennes. Il peut aboutir à la dissolution de l’Autorité laissant ainsi à la puissance occupante la charge sociale de la population occupée.

A chacun son rôle, une puissance coloniale colonise. Un mouvement de libération nationale libère. Quant au droit des peuples à disposer d’eux mêmes, c’est à la Communauté internationale de le garantir.

M. El Bachir

(1) Mahmud Darwich. Poème : La quasida de Beyrouth. Poésie Gallimard, p. 178-197.

(2) https://www.mondialisation.ca/palestine-chronique-d-un-crime-de-guerre/12047?doing_wp_cron=1723472442.1369249820709228515625

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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