Ce plan de « bataille culturelle » ambitionne de promouvoir des valeurs culturelles de droite en finançant des cercles de réflexion qui visent à influencer le cadrage médiatique. Il passe aussi par un soutien à des personnalités politiques acquises à sa cause, RN en tête.
Publié le 20/07/2024 18:50 Mis à jour le 20/07/2024 20:20
Pierre-Edouard Stérin, le 19 juillet 2010 dans ses bureaux de Clichy (Hauts-de-Seine). (GILLES BASSIGNAC / JDD / SIPA)
Il a échoué à racheter le magazine Marianne, mais son influence dépasse ses propriétés médiatiques. Le milliardaire français Pierre-Edouard Stérin, fervent catholique et exilé fiscal libertarien, n’agit pas seulement à travers les nombreuses entreprises dont il possède des parts. Ses équipes ont conçu un plan structuré pour faire gagner du terrain à ses valeurs politiques et religieuses conservatrices, à travers les médias et en soutenant des personnalités politiques de droite et d’extrême droite.
Ce projet, baptisé « Périclès », est présenté en détail dans un document datant de 2023. Son existence a été dévoilée intégralement par le quotidien de gauche L’Humanité, jeudi 18 juillet, et confirmée par les équipes de Pierre-Edouard Stérin auprès de plusieurs médias, dont Mediapart et Le Journal du Dimanche. Voici ce qu’on sait de cette stratégie de « bataille culturelle », comme le présente au FigaroVox Pierre-Edouard Stérin, une des plus grandes fortunes de France, qui doit notamment son succès à la société de coffrets-cadeau Smartbox.
La promotion du libertarisme économique et de convictions conservatrices
Dans le document dévoilé par L’Humanité, le projet « Périclès » (pour « Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes ») est présenté comme fondé et administré par Pierre-Édouard Stérin et deux de ses proches : François Durvye, directeur général du fonds Otium Capital, et Alban du Rostu, directeur général du Fonds du bien commun. Les deux structures financières appartiennent au milliardaire, plusieurs fois placé au sommet du classement des investisseurs français spécialisés dans les entreprises innovantes, et qui met en avant depuis plusieurs années ses dons à des associations portant ses valeurs.
Leur stratégie vise à « permettre la victoire idéologique, électorale et politique » d’un ensemble de « valeurs clés ». Parmi elles, des valeurs libérales comme la « liberté individuelle et d’entreprendre », et d’autres plus conservatrices ou traditionalistes, comme la présentation de « la famille » comme la « base de la société », la revendication d’une « place particulière du christianisme » ou d’une « fierté de notre histoire, notre identité, notre culture ». Ces idées sont placées en opposition de « tendances » présentées par les auteurs du document comme « les maux principaux de notre pays », dans lesquels ils incluent pêle-mêle « socialisme, wokisme, islamisme, immigration » ou « laïcité agressive ».
« Imposer ses thèmes » par une « guérilla juridique » et médiatique
Pour distiller leur idéologie, les concepteurs de Périclès prévoient une stratégie d’action à tous les niveaux de la société – juridique, médiatique, politique et administratif. Dans un premier temps, le plan prévoit une « guérilla juridique » contre « l’islamisme, l’immigration, l’attaque à la liberté d’expression, la théorie du genre (…) afin de faire changer la peur de camp, faire appliquer la loi et se défendre des attaques adverses, faire évoluer la loi ». Un projet déjà partiellement lancé, à travers la création du collectif Justitia en mai 2023 en collaboration avec le cercle de réflexion conservateur Institut Thomas More.
L’équipe de Pierre-Edouard Stérin compte aussi « imposer [ses] thèmes » et leur traitement privilégié à travers les médias, les réseaux sociaux et la « production intellectuelle ». Pour les diffuser, les auteurs misent en 2024 sur la production de « baromètres » sur l’« islam et insécurité », l’« immigration » ou l’« extrême gauche », en partenariat avec des médias chargés de relayer « massivement ces résultats pour toucher toute la population française ».
A terme, les auteurs du plan Périclès ambitionnent de diffuser leurs idées conservatrices en créant « le premier think tank de droite en France afin de réunir les principaux experts thématiques des sujets régaliens », et ainsi « d’influencer la sphère politique, médiatique et intellectuelle, de préparer les mesures politiques et les réformes ».
Un soutien concret au RN, et bientôt à d’autres candidats de droite
Au niveau des institutions politiques, le document explique vouloir « identifier les élections prioritaires » et « former au combat électoral » les « candidats alignés » sur ce projet idéologique qui ont « le plus de chances de victoire ». Pour cela, l’équipe du milliardaire compte, par exemple, sur la création d’une « école des futurs maires » qui distribuerait à partir de septembre 2024 une formation théorique et pratique à des candidats « partageant [leurs] valeurs », de sorte à leur faire remporter les élections municipales dans près de 1 000 « petites et moyennes communes ».
Un parti est plus particulièrement soutenu par Pierre-Edouard Stérin : le Rassemblement national. Les concepteurs de Périclès revendiquent viser une « victoire » du RN aux municipales de 2026, en aidant le parti d’extrême droite avec un « plan structuré » et des équipes départementales chargées d’« identifier les candidats » potentiels, avec un objectif de « 300 villes à gagner absolument ». Ce projet est présenté comme déjà partiellement lancé.
Les auteurs du document se défendent de vouloir aider exclusivement le RN, et comptent « lancer dans les prochains mois des missions similaires correspondant aux besoins de chacun (par exemple, recrutement de candidats pour LR) ». Ils recommandent aussi de « construire une présence proche des dirigeants de demain » à droite, notamment chez Les Républicains, Reconquête et le Rassemblement national. Parmi leurs cibles prioritaires : Jordan Bardella et Marine Le Pen, avec qui ils disent déjà disposer d’une « relation de confiance » et d’une « influence réelle ».
A plus long terme, les concepteurs du plan Périclès comptent préparer « en amont de la présidentielle » de 2027 « une réserve de 1 000 personnes (technocrates, professionnels de la politique, experts thématiques) » acquis à leurs idées et « pouvant être mis aux postes clés (cabinets, structures parapubliques, haute administration) ». Pour atteindre tous ces objectifs, les administrateurs de Périclès prévoient de dépenser environ « 150 millions d’euros » en dix ans.
Auprès du Journal du Dimanche (passé sous le giron d’un autre milliardaire fervent catholique, Vincent Bolloré), les équipes de Pierre-Édouard Stérin ont confirmé la création de Périclès, tout en ajoutant que le document était « un peu daté ». « Nous communiquerons très vite plus précisément sur nos projets. »
Source : France TV Info
Lire également : L’Express – Comment des proches de l’Elysée ont empêché la vente de « Marianne » à Pierre-Edouard Stérin
Source: Lire l'article complet de Profession Gendarme