Par Alok Kumar – Le 8 juillet 2024 – Source RT
La Russie, actuellement aux prises avec des sanctions occidentales sans précédent, attend avec impatience l’arrivée de son allié de toujours, le Premier ministre indien Narendra Modi. Il s’agira de la première visite de Modi en Russie depuis 2019, année où il a participé au Forum économique oriental à Vladivostok.
La tradition des sommets annuels entre l’Inde et la Russie a débuté en octobre 2000, lors de la visite du président Vladimir Poutine en Inde. Depuis lors, les deux pays ont maintenu un partenariat stratégique cohérent et solide. Le dernier sommet de ce type a eu lieu en décembre 2021, lorsque le président Poutine s’est rendu à New Delhi pour sa neuvième rencontre avec Modi.
La visite du premier ministre sera le premier voyage bilatéral en Russie de son troisième mandat consécutif. Elle aura également lieu au moment où le président Poutine entame son cinquième mandat. Il s’agira notamment de la première visite de Modi depuis le début du conflit ukrainien il y a trois ans.
Malgré l’évolution du paysage géopolitique, l’amitié entre la Russie et l’Inde n’a pas faibli. Les deux nations se sont toujours soutenues mutuellement tout en gérant leurs divergences d’opinion.
Toutefois, la situation actuelle entre la Russie et l’Ukraine a exacerbé les défis existants dans les relations indo-russes. New Delhi et Moscou accordent toutes deux la priorité au renforcement des liens avec Washington et Pékin, ce qui complique leurs relations bilatérales. La rivalité structurelle entre les États-Unis et la Chine ne fait que renforcer cette dynamique.
Pour Moscou, il est essentiel de maintenir des relations étroites avec l’Inde dans le contexte de son conflit avec l’Occident et de sa dépendance croissante à l’égard de la Chine. Inversement, New Delhi cherche à prolonger sa coopération stratégique avec Moscou tout en équilibrant ses liens avec l’Occident.
L’Inde et la Russie travaillent en étroite collaboration dans le domaine de la diplomatie politique, mais la principale tâche à venir est de renforcer la diplomatie économique.
La demande de New Delhi en énergie russe a augmenté, ce qui a entraîné une hausse des importations de pétrole et de charbon russes, portant les exportations russes vers l’Inde à plus de 50 milliards de dollars. Les principales importations sont le pétrole (46 milliards de dollars), le charbon (3,5 milliards de dollars), les engrais (1,95 milliard de dollars) et l’huile végétale (1,12 milliard de dollars).
Les entreprises publiques et privées indiennes sont également intéressées par l’acquisition de participations dans le secteur russe des hydrocarbures, laissées vacantes par les entreprises occidentales. En outre, l’Inde cherche à obtenir des engagements fermes de la part de la Russie en ce qui concerne la modernisation des équipements de défense qui lui ont été fournis à divers intervalles.
La Russie soutient l’initiative “Made in India“, y compris le transfert de technologies sensibles dans les domaines de la défense, de la sécurité, de l’espace, de la cybernétique et du nucléaire civil. Ce soutien devrait renforcer l’engagement futur entre les deux pays.
Les entreprises indiennes sont invitées à participer au développement de nouvelles régions russes en créant des unités de fabrication de biens de consommation et de produits industriels, en explorant l’énergie et les ressources naturelles, en localisant les soins de santé et la fabrication de produits pharmaceutiques, et en s’implantant dans d’autres domaines, tels que l’automobile et les transports, les services financiers et l’agriculture.
Le volume des échanges commerciaux entre l’Inde et la Russie a bondi pour atteindre 65 milliards de dollars en 2023, dont la majeure partie concerne les exportations d’énergie. Cependant, les exportations indiennes vers la Russie ne s’élèvent qu’à environ 4 milliards de dollars, ce qui laisse New Delhi insatisfaite de ce déséquilibre commercial.
Pour remédier à cet important déficit commercial, New Delhi cherche à augmenter les importations indiennes. Étant donné qu’une grande partie des paiements pétroliers est effectuée en roupies, les deux pays cherchent des moyens pour que la Russie utilise la monnaie indienne. Il pourrait s’agir d’augmenter les importations indiennes, d’investir dans l’économie indienne et dans des projets d’infrastructure à grande échelle, ou d’importer des biens et des services indiens en utilisant ces fonds. Une autre possibilité consiste à entreprendre de grands projets conjoints avec des partenaires indiens dans d’autres pays amis.
Malgré les sanctions, la Russie est passée d’une économie à revenu moyen supérieur à une économie à revenu élevé. La Banque mondiale a récemment élevé la Russie dans la catégorie des revenus les plus élevés, citant une croissance substantielle dans les activités liées à l’armée, le commerce (en hausse de 6,8 %), la finance (en hausse de 8,7 %) et la construction (en hausse de 6,6 %). Ces facteurs ont contribué à une augmentation de 3,6 % du PIB réel et de 10,9 % du PIB nominal, le RNB Atlas par habitant ayant augmenté de 11,2 %.
Le moment est opportun pour les PME indiennes d’explorer le potentiel de la Russie dans divers secteurs. De nombreux défis, tels que le manque d’informations, la logistique et les barrières linguistiques, peuvent être relevés grâce à l’intensification des échanges bilatéraux. Les entreprises indiennes devraient envisager sérieusement de nouvelles opportunités en Russie et se préparer à des engagements à long terme.
L’accord de libre-échange prévu entre l’Inde et l’Union économique eurasienne (UEE), qui comprend l’Arménie, le Belarus, le Kazakhstan, le Kirghizstan et la Russie, ainsi que le développement du corridor de transport international nord-sud (INSTC), pourraient considérablement stimuler la coopération économique. Les échanges en monnaies locales renforceront également les engagements bilatéraux.
Malgré les difficultés liées aux transactions, la présence de banques russes telles que SBER, VTB et Gazprombank en Inde, ainsi que de banques indiennes en Russie, offre une certaine stabilité aux importateurs et aux exportateurs.
Les PME jouent un rôle crucial dans le développement économique de tout pays. Le gouvernement russe travaille activement à l’amélioration du climat entrepreneurial par le biais du projet national “Petites et moyennes entreprises et soutien à l’initiative entrepreneuriale individuelle“, lancé en 2020 dans le cadre du décret présidentiel visant à atteindre les objectifs de développement national jusqu’en 2030.
La Russie offre un vaste marché, des ressources naturelles abondantes et une main-d’œuvre hautement qualifiée. Les projets d’infrastructure à grande échelle offrent de nombreuses opportunités. Avec une population de près de 150 millions d’habitants, elle présente un potentiel de marché important.
De nombreux créneaux se sont ouverts en Russie suite au départ d’entreprises européennes et américaines sous la pression du gouvernement. Des opportunités existent dans divers secteurs tels que l’industrie manufacturière, l’énergie, les soins de santé, les transports, les services financiers et l’agriculture. Les investisseurs et les entreprises indiens pourraient trouver l’automobile, le textile, les technologies de l’information et la banque particulièrement attrayants. En outre, il existe des perspectives pour les entreprises qui contribuent à la transition de la Russie vers une économie à faible émission de carbone.
Le prochain sommet entre Narendra Modi et Vladimir Poutine vise à remédier aux déséquilibres commerciaux et à renforcer le partenariat multidimensionnel entre l’Inde et la Russie. Les acteurs économiques des deux parties suivront de près cette rencontre qui promet d’approfondir la coopération dans des domaines autres que l’énergie et la défense.
Alok Kumar
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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