Il n’existe pas de symétrie entre ce que Yann Moix fut et est devenu ; il n’existe pas de symétrie entre ce que Yann Moix est devenu et ce qu’il aurait pu être, s’il n’était pas l’esclave de la clause contractuelle qu’il a signée avec le mal absolu.
À la radio, Moix se livre à un exercice de psalmodie psittacique et incantatoire ; il répète la même formule : la lourdeur discursive du procédé n’est pas sans rappeler les méthodes sectaires d’enrégimentement des masses ou le harcèlement neurologique pratiqué lors des séances de torture.
Cette récitation obsédante à destination des Français, ces mauvais écoliers de la guerre juste et de l’humanisme unidirectionnel, se heurte à son propre plafond de verre cognitif : l’absence de réflexion sur la concaténation événementielle, sur les antinomies, sur l’esprit des hommes et du lieu, et sur le sens profond de l’histoire, privent les imbéciles que nous sommes, des médiations logiques indispensables pour émettre une critique nuancée.
La nuance ne fait pas partie du pacte moixphistophélien de racolage des foules à l’indéfendable. Cette vilaine speakerine du sionisme à la face de bigorneau froissée par les vents contraires de l’existence, n’a pas pour mission de persuader mais d’asséner son indigent théorème de géométrie variable dans l’espace : 40 000 Palestiniens assassinés ne méritent pas l’empathie due aux 1500 otages, que Netanyahou a, pour beaucoup, refuser d’échanger et fait tuer par voie aérienne*. Cette algèbre douteuse et mystificatrice, débitée sur un ton martial par ce petit mercenaire de l’absurde, donne à entendre le déchirement de la conscience malheureuse, car inauthentique et aliénée, de celui qui a troqué la vérité pour la notoriété.
Le bougre a cessé de s’appartenir, son visage intranquille et sa voix tourmentée traduisent douloureusement le schisme entre sa parole et le réel, entre sa non-démonstration et le rationnel : Moix nous offre le spectacle de la scission avec soi. Ce divorce, cette étrangeté à soi-même, sont non seulement caractéristiques de l’aliénation, ils valent acte de décès.
[*The Times of Israel du 20 déc. 2023 ironise sur la tuerie « accidentelle » d’otages israéliens par Tsahal]
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