L’attaque vers Kharkov – et pas encore de Kharkov – peut avoir 4 significations, selon les observateurs.
1 : Prendre la 2e ville du pays (1,3 million d’habitants)
2 : Ouvrir un 2e front (plus au nord) après celui du Donbass
3 : Forcer les troupes de réserves ukrainiennes à se déplacer vers Kharkov pour affaiblir les défenses du Donbass (il s’agirait alors d’une « feinte », malgré l’importance des troupes engagées)
4 : Créer une zone de sécurité russe de 30 à 100 km de profondeur à l’intérieur de l’Ukraine
Le Figaro du 13 mai 2024 hésite lui aussi :
Difficile, à ce stade, de mesurer l’étendue exacte de l’avancée russe. « Il se passe quelque chose, ça semble bien important pour être une simple feinte, mais la ville de Kharkiv est un trop gros morceau pour les Russes », explique au Figaro une source militaire française. Preuve de l’intérêt de l’état-major russe pour la région, il a récemment créé un « groupe d’armée Nord » pour couvrir la zone. Différentes sources proches des Ukrainiens estiment le nombre de soldats russes déployés à proximité de Kharkiv entre 40 000 et 50 000. Si le chiffre peut sembler élevé, il est en réalité bien trop faible pour conquérir une telle agglomération, à l’origine 20 fois plus peuplée que Bakhmout.
Le quotidien publie néanmoins une carte des combats et de l’avancée russe :
Les Ukrainiens reconnaissent que les Russes ont pris une dizaine de villages (« en ruines » selon eux), mais que les effectifs engagés, même si c’est par petits groupes tactiques d’infanterie, sont trop importants pour n’être que de la simple « reconnaissance offensive ». Il s’agit donc d’une offensive à double tranchant. Dernière hypothèse, toujours avancée par Le Figaro :
« Les Russes pourraient aussi vouloir avancer dans la région de Kharkiv le long de la rivière Donets pour contourner les fortifications du Donbass », avance notre source militaire, qui rappelle que cette stratégie avait déjà été celle des Russes en février 2022.
Ceci impliquerait de ne pas prendre Kharkov, qui n’a de valeur que symbolique, mais de se rabattre, après avoir conquis environ 8000 km2, vers le Donbass. Le plan B, si le premier ne fonctionnait pas, serait de tenter (à nouveau) de prendre Koupiansk.
Envoyée spéciale dans la région de Kharkov : « Désorganisation des brigades parce que personne ne s’attendait à une offensive aussi rapide des forces russes ». pic.twitter.com/GfvZFpkOsO
— Un baron fou (@EuropaMagnifica) May 12, 2024
Pour l’instant, selon Macette Escortert, les Russes bénéficient d’un rapport de feux de 12 à 1, c’est-à-dire d’une supériorité écrasante, ce qui explique leur avancée relativement rapide. Cet analyste, qui travaille sur des sources ukrainiennes, estime que « l’objectif est de multiplier les options au niveau opératif afin de contraindre l’allocation des rares ressources et de créer des dilemmes chez le CEMA » (ukrainien).
« le RAPport des FEUx à 12:1 s’aggrave à nouveau avec une forte augmentation des VOLumes de FEUx russes, qui bénéficie d’un flux d’approvisionnement continu et consistant. Ce n’est pas le cas côté ukrainien, qui doit rationner ses munitions »
Naturellement, au tout début des combats, tout le monde hésite sur la stratégie russe. En attendant, Poutine change de ministre de la Défense : Andreï Belooussov remplace Sergueï Choïgou. Ce dernier était en poste depuis 12 ans.
Suit l’analyse du général Pellistrandi, interrogé par La Dépêche.
La Rédaction d’E&R
La Russie a lancé vendredi une offensive terrestre dans la région de Kharkiv (nord-est) et tenté de « percer les lignes de défense » ukrainiennes, a annoncé le ministère de la Défense ukrainien, affirmant que les combats se poursuivaient. Pour l’ancien général Jérôme Pellistrandi, également rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale, cette percée de la Russie pourrait représenter un tournant dans le conflit.
Cette offensive de la Russie était-elle prévue depuis longtemps ?
Depuis plusieurs semaines, on pouvait s’interroger sur la possibilité d’une offensive terrestre russe dans cette région afin d’obtenir un avantage conséquent sur le terrain et déstabiliser considérablement l’Ukraine. À ce jour, depuis l’échec de la contre-offensive, on voit bien que la ligne de front est plus ou moins figée, que la Russie tente de grignoter du terrain sans pour autant parvenir à effectuer une percée. Mais sur Kharkiv, on peut réellement s’inquiéter. C’est une ville proche de la frontière russe, environ une cinquantaine de kilomètres et il s’agit de la seconde agglomération du territoire ukrainien. On peut donc penser que l’objectif de la Russie est d’aller prendre la ville.
[…]
À travers cette offensive, la Russie veut créer « une zone tampon » à Kharkiv. En quoi cela consiste ?
Il s’agit d’annexer une fois de plus du territoire ukrainien pour repousser au maximum les forces de Kiev et protéger la frontière russe. Quelle viabilité alors à ce moment-là pour la ville de Kharkiv qui se retrouverait à quelques kilomètres de la frontière russe ? Quelle viabilité également pour un pays qui perdrait la deuxième ville de son territoire ? Les jours à venir risquent d’être extrêmement délicats pour l’Ukraine.
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Le généralissime en chef BHL estime que « Poutine est,
un, dans une logique de rapport de force constant et résolu,
et deux, c’est un stratège déraisonnable »
L’armée ukrainienne n’a évidemment pas dit son dernier mot à #Kharkiv. Macron a raison de tenir le langage de dissuasion et de la force. #Poutine n’en comprend aucun autre. Pousser les #Ukrainiens à lâcher des territoires, c’est lâcher les escadrons de la mort de la #Russie.… pic.twitter.com/cFrmUfH61t
— Bernard-Henri Lévy (@BHL) May 13, 2024
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