On connaissait l’opposition entre Athènes et Jérusalem popularisée par Léon Chestov.
Voilà donc thématisée l’opposition entre Rome et Jérusalem, qui semble toute aussi incompatible. L’expression « non-miscible » m’a fait penser au phénomène de la mayonnaise. L’eau et l’huile, naturellement non miscibles, sont unies dans une émulsion par la grâce du jaune d’oeuf.
Tous les ingrédients sont réunis pour poser la question : se pourrait-il qu’Athènes soit le tiers agent qui permette à cette impossible sauce de prendre ? Rudolf Steiner le disait à sa manière : la latinité est le corps du christianisme, l’hébreu est son âme, et le grec son esprit.
Formulation en termes hégéliens :
— Athènes c’est l’Universel (U)
— Jérusalem c’est le Singulier (S)
— Rome c’est le Particulier (P)
Le Singulier c’est le fait d’être soi, d’être Un en excluant le reste ; c’est un terme logique qui ne vise pas (ici) à dénigrer l’esprit juif.
Le Particulier c’est le fait de produire des déterminations de l’universel. Les choses particulières n’ont pas l’aspect exclusif de la singularité, elles gardent la possibilité de se relier, même si plus « laborieusement » que sur le mode universel ; si l’on sort du domaine strictement logique, on peut dire que le Particulier est ce qui concrétise, « applique » l’universel dans des objets matériels ou des institutions. Les Nations sont des particuliers, et elles sont capables de se relier à travers l’ordre (polémique toutefois) du droit international.
Non, Rome n’est pas Athènes. On peut dire que Rome incarne l’universalisme grec, ou encore, que les productions de Rome « participent » aux Formes platoniciennes. Par cette participation, elles sont à la fois moindres (car imparfaites) et plus (car réelles) que les Formes.
On peut formuler ces trois syllogismes (trop rapide désolé) :
— Athènes-Rome-Jérusalem (U-P-S)
Syl. de la « transition » ; il décrit le processus historique décadent, porté par l’ambiance romaine, qui passe de la lumière grecque à l’empire et à la croix.
— Rome-Jérusalem-Athènes (P-S-U)
Syl. de la « réflexion » ; c’est l’époque médiévale, qui dans l’ambiance biblique réfléchit l’une dans l’autre sa langue latine et sa philosophie grecque.
— Jérusalem-Athènes-Rome (S-U-P)
Syl. de la « spéculation » ; c’est la tache spirituelle moderne, qui comprend tout sans exclure, c’est la formule de la Mayonnaise : ici Rome et Jérusalem sont unifiées directement depuis le milieu, par l’universel qui se scinde.
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