La flamme olympique : une merveilleuse idée du Dr. Goebbels ! — Yorgos MITRALIAS

La flamme olympique : une merveilleuse idée du Dr. Goebbels ! — Yorgos MITRALIAS

« La flamme olympique, une merveilleuse idée du Dr. Goebbels » !

Débordant de fierté nationale, les médias grecs, secondés par les autorités grandiloquentes du pays, ne manquent pas l’occasion de présenter cette véritable reconstitution d’une cérémonie nazie, à savoir la prétendue « cérémonie d’allumage de la flamme olympique » à Olympie comme preuve de la grandeur et de la continuité historique de la nation grecque. Et avec elle, de présenter aussi ses accessoires, comme par exemple « la première torche olympique » qui, comme nous le lisons, a été remise au maire de Marathon, « lors d’une magnifique cérémonie qui comprenait une course aux flambeaux symbolique depuis la Ligne de Départ Historique de Marathon jusqu’au musée de la Course de Marathon ».

Détail significatif, qui est bien sûr systématiquement passé sous silence, car considéré « secret national » : cette « première torche », inspirée par Goebbels et fabriquée par Krupp, a été allumée à Olympie avec une chorégraphie, qui reste la même à ce jour, due à la metteuse en scène officielle d’Hitler, la tristement célèbre Leni Riefenstahl. Force est de constater que cette « première torche » a connu des moments très difficiles en 1936, lorsque des citoyens tchèques ont lapidé les porteurs germanophones de la flamme qui traversaient leur pays, car il était évident que le parcours qu’ils suivaient marquait les contours du grand Troisième Reich, qui allait devenir une réalité cauchemardesque quatre ans plus tard. Apparemment, ces citoyens tchèques de 1936 savaient à l’avance ce que les médias grecs et les autorités de notre pauvre pays persistent à ignorer toujours en 2024. Voici donc pourquoi nous attendons depuis des décennies avec impatience le moment où cette flamme s’éteindra irrévocablement : tout simplement parce que « la flamme olympique » est « une merveilleuse idée du Dr. Goebbels », comme l’indiquait pertinemment le titre de la pleine page du quotidien grec Estia en août 1936.

Alors, de quels ancêtres antiques, de quelles prêtresses vierges, de quelles flammes sacrées et autres histoires a dormir debout nous parle-t-on ? Toutes ces sornettes que l’État grec tout entier et son personnel politique, y compris 9 sur 10 de ses intellectuels officiels, nous ont appris à croire qu’elles viennent tout droit du fond des âges, ne célèbrent cette année que leur 88e anniversaire ! C’est ainsi que fin juillet 1936, peu avant l’ouverture des Jeux olympiques du nazisme triomphant à Berlin, on pouvait lire dans les journaux grecs des articles aux habituels accents patriotards et épico-lyriques, célébrant Leni Riefenstahl et sa « cérémonie de l’allumage de la flamme olympique », dont voici quelques extraits édifiants :

« Quand Olympie s’est réveillée, quand le soleil s’est levé derrière le mont Cronion conique et vert et a argenté les eaux du Kladeos et de l’Alphée, les personnes qui ont souffert du soleil brûlant du 20 juillet 1936, un jour historique, ont pris chacune sa place : certaines sous les pins du Cronion, d’autres autour des grilles de la place Coubertin. Et ils ont attendu depuis la nuit jusqu’au moment où, de la colline du Cronion, le signal a été donné pour le début de la cérémonie. Plus loin, dès le matin, une femme merveilleuse – Leni Riefenstahl – avait emmené son équipe de tournage et, à la ligne de départ du stade antique, a mis elle-même en scène l’allumage de la flamme olympique. Puis, au temple d’Héra, elle a démontré son génie de metteuse en scène. Elle prit Pratsika et ses écolières, trouva aussitôt un acteur allemand qui fut son caméraman – car Condylis, le premier coureur, ne consentait nullement à porter un caleçon serré comme en portaient les anciens ; elle le déshabilla, en fit un coureur, alluma sur l’autel de fortune que constituaient les tambours des colonnes, des herbes séchées de la Altis sacrée, régla les moteurs et tourna le film, donnant des conseils, des ordres, des instructions. Dix fois elle tourna la même chose, le départ avec la torche du premier coureur. L’Allemand était littéralement rôti et la sueur suintait comme une rivière. Riefenstahl lui jeta une serviette pour s’essuyer et recommença le tournage.

(…) Au moment où cela se passe sur la place Coubertin, à la ligne de départ du stade antique se déroule un beau rituel. Les vierges porteuses de lumière de Pratsika prennent la lumière olympique du soleil. Elles sont toutes seules. Personne n’est autorisé à assister à l’allumage. Et en réalité, lors de cette cérémonie, que Leni Riefenstall avait filmée dès le matin lors des répétitions, personne ne devait être présent, seuls Phoebus et les vierges grecques, les donneuses du feu, étaient censées assister à la cérémonie divine.

(…) C’est le moment le plus émouvant. Tout le monde le regarde avec admiration et respect, en silence. La lumière olympique sera transmise. Le jeune Condylis, originaire d’Olympie, traverse les filles de lumière et allume la torche à partir du feu de l’autel. C’est le moment que tout le monde attendait. Il est impossible que les corps de tous ne se soient pas immobilisés, que leur souffle ne se soit pas arrêté un instant, que leurs bouches ne soient pas engourdies. Le soleil, un soleil argenté et brûlant, baigne toute la terre verte et idyllique d’Olympie. Le jeune Condylis, à moitié nu, brûlé par le soleil, vient d’allumer la première torche, et il court… il court, la tenant en l’air. La foule éclate en applaudissements et bravos.

En un instant, il contourne le périphérique de Cronion et s’en va, courant transmettre avec la flamme sacrée d’Olympie la lumière olympique – l’éternelle civilisation grecque de l’exploit et de l’esprit ».(1)

(Journal Vradyni , mardi 21 juillet 1936)

Comme on dirait aujourd’hui, un spectacle hollywoodien mis en scène par la metteuse en scène officielle des cérémonies du parti nazi, Leni Riefenstall, sur une idée du Dr Goebbels, approuvée de bon cœur par le chancelier Hitler !

Admettons qu’il en soit ainsi, pourraient – enfin – s’exclamer les responsables Grecs de toute espèce qui la bouclent en permanence (ou en langage courant, qui font le dos rond). Et bien sûr, ils contre-attaqueront : mais cela ne signifie pas nécessairement que tout l’olympisme est pourri, que l’idée olympique du baron de Coubertin n’est plus valable et qu’elle ne doit pas nous inspirer.

Parlons donc du « père » de l’Olympisme, de l’inspirateur et du fondateur des Jeux Olympiques modernes, de Coubertin, dont le nom orne les rues et les places du monde entier et surtout de notre pays la Grèce. Nous le déclarons d’emblée : notre bon Baron était un rare individu raciste, militariste, réactionnaire, colonialiste, misogyne et belliciste d’extrême droite (avec des évidentes sympathies nazies) devant lequel un Donald Trump ou sa compatriote Marine Le Pen font pâle figure ! Et voici une petite anthologie de ses « credos » formulés par le baron lui-même, qui tout au long de sa vie n’a cessé de se déclarer – et d’être – un  » colonialiste fanatique  » et un partisan de toutes les inégalités (de classe, de race et de genre) :

• « les races ne sont pas de valeur égale et toutes les autres doivent faire allégeance à la race blanche, qui est par essence supérieure »

• « Il y a deux races distinctes : celle des honnêtes gens, aux muscles solides, à la démarche assurée, et celle des maladifs, à l’allure humble et désespérée, au regard vaincu. Alors, dans les collèges comme dans le monde : les faibles sont mis à l’écart ; cette éducation ne peut être appréciée que par les forts. »

• « Qu’on ne vienne pas nous parler des jeux auxquels peuvent participer les femmes, les adolescents, bref les faibles »

• “Le seul véritable héros olympique est l’individu masculin. Des olympiades femelles sont impensables. Elles seraient sans intérêt, sans esthétique, et fausses. Aux Jeux olympiques, leur rôle devrait surtout consister, comme dans les anciens tournois de chevaliers, à couronner les vainqueurs”.

• ”La race supérieure a parfaitement le droit de refuser à la race inférieure certains privilèges de la vie civilisée”.

• “Le jeune athlète se sent certainement mieux préparé que ses ancêtres à aller à la guerre. Et lorsque nous sommes préparés à quelque chose, nous le faisons plus volontiers ».

• “Je tiens à remercier le gouvernement et le peuple allemand pour les efforts qu’ils ont déployés en l’honneur de la onzième Olympiade » (…) » Comment voulez-vous que je renonce à la célébration de la onzième Olympiade, puisque (…) cette apothéose du régime nazi a été le choc émotionnel qui a permis aux Jeux Olympiques de se développer ?”

C’est donc tout naturellement que, juste après, le chancelier Hitler proposa Coubertin pour le prix Nobel de la paix !

Épilogue : Tout cela est désormais bien connu de tous et nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que des arguments historiques ou autres puissent « convaincre » les pouvoirs en place de mettre un terme à ce qui est la plus grande escroquerie de ces deux derniers siècles. Si quelque chose peut mettre fin à cet – improbable et pourtant vrai – mélange « olympique » de cirque à la fois nazi et marchand de la corruption et de l’aliénation, c’est bien le mouvement de seuls citoyens en chair et en os. Après tout, rien ne s’est construit sur le mensonge et l’escroquerie.

Note

1. Voir des extraits du film tourné par Riefenstall à cette occasion à Olympie en 1936 : https://www.youtube.com/watch?v=v9pk2j_KmM4

Traduit du grec

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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