Titre, encore et toujours, lourd et ridicule – quand les médias officiels traitent de Céline –, de l’excellente série diffusée sur France Inter, le 26 mars 2024, 10 épisodes de 54 minutes, soit 9 heures, à conseiller aux céliniens avertis comme aux novices.
Forcément ridicule, le service public se devant de dénigrer le plus grand auteur de langue française pour mal-pensance, par l’intermédiaire d’Anne Simonin, diplômée de Sciences-Po s’il vous plaît, employée du CNRS, qui a la conviction, sans preuves, que Céline qui n’a jamais reçu d’argent, a collaboré et a contribué à la Solution finale et aux six millions de victimes.
Il est même suggéré, que le nombre de morts israélites est égal à celui des Français durant la Grande Guerre, un peu à la manière des Invalides exhibant deux casques de poilus, un avec un nom français, l’autre juif. La réalité indique pourtant un mort sur mille, mille cinq cents Israélites morts au combat ; le reste des un million et demi de morts : français. On passe de un sur mille – la vérité –, à un mort sur deux.
La signification subliminale du titre est que Céline est en partie responsable de la Shoah. Cette vérité révélée supplante tout le reste. George Steiner disait la même chose il y a 30 ans ; en Sorbonne avec des mots compliqués, et plus séduisants. Et, anecdote personnelle, si Catherine Coquio – prof de littérature comparée – me lit, qu’elle sache que je me souviens comme si c’était hier de ce février 1997 où elle osa contredire – à raison pourtant – le maître, dans la Salle des Actes, en suggérant qu’on pouvait quand même lire Céline même s’il avait fait des choses répréhensibles. Elle reçut alors une mémorable avoinée du maître. On ne plaisante pas avec un certain sujet.
Ces neuf heures, comme Le Soulier de satin [une pièce de Claudel qui dure 11 heures, NDLR], constituent cependant une magnifique présentation chronologique d’un homme qui a traversé tous les événements importants du siècle. Né durant l’affaire Dreyfus, en 1894, Céline découvre avant ses trente ans les quatre tragédies de la modernité, matrices du chef-d’œuvre de 1932 publié à 38 ans, écrit possédé, de ses 32 et 37 ans en compagnie de l’Impératrice, l’américaine Elysabeth Craig, qu’il vénérait :
La guerre moderne de masse tuant par millions, la guerre est entrée dans ma tête ;
Le colonialisme et la dégénérescence de l’homme blanc vivant en Afrique ;
Le commerce de la médecine, la médecine cette merde ;
Le capitalisme déshumanisant à New-York ;
On peut ajouter en conclusion la morne vie de l’homme moderne de banlieue, paillasson devant la ville. On est pas bien loin de l’Untermensch qui conduit dans les embouteillages pour se féminiser dans le tertiaire.
Il n’y a que l’amour – « l’infini mis à la portée des caniches » – qui vaille la peine de survivre :
« C’est peut-être cela que l’on cherche à travers la vie, rien que cela, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir. »
Le Voyage au bout de la nuit, c’est 625 pages de synthèse des maux de la modernité ; chez un homme songeant à la stabilité héroïque du Moyen-Âge, probablement rêvée, idéal qu’il croyait trouver en s’engageant dans les cuirassiers, l’élite de l’armée montée à cheval, ultime réminiscence de la France chevaleresque, devenue folklorique dans la guerre moderne.
On peut résumer Céline à l’extrême comme un homme du Moyen-Âge, rêvant de légèreté, décrivant l’horreur de la modernité, reconnu comme le plus grand, sauf pour ses écrits sur la danse et le Moyen-Âge, qu’il aimait pourtant par-dessus tout ! Dommage qu’il n’ait pas terminé Menhir centenaire, faute à une vraie blessure de guerre, lui, à la tête, on se serait délecté de ses propos sur la révolution sexuelle, le shit comme drogue douce et libération des chakras, le yoga comme paix intérieure, le tatouage comme rébellion de Jean-Michel, l’infanticide comme liberté de la femme, ou l’africanisation heureuse de la France, qu’il voyait comme inéluctable dès 1942.
On imagine presque une rencontre avec Houellebecq, Reynouard ou Soral ! Mais il avait déjà tout dit de l’effacement du Gaulois, de l’Occident fatigué, et de la Chine conquérante qui a faim, en train de tout dominer aujourd’hui.
Il y a presque toute l’Histoire de France dans ce Voyage. De la nostalgie des temps chevaleresques, rabelaisiens et stables à la fois, où l’usure et le triomphe de la médiocrité bourgeoise étaient punis de mort ; jusqu’à l’inéluctable victoire des Chinois.
On oubliera l’injonction de France Inter à la famille de Céline, de publier les 6 000 pages de manuscrits spoliées en 1944 par la Résistance, qui n’a pas voulu les partager avant la mort de Lucette Destouches en 2019, afin qu’elle ne reçoive pas ses émoluments de veuve, durant 59 ans, de 1961 à 2019, le bien, le beau, la morale de gauche incarnée par Pascal Ory, avatar de la morale trotskiste, Leur morale et la nôtre, œuvre encore en 2024 ; par un psychanalyste ou Hannah Arendt, cités dans l’émission, comme auctoritas, argument d’autorité…
Une mise en abyme moderne de notre misérable époque décrite par Céline, de l’avis de ces femmes puissantes, Anne & Hannah, jugeant de la folie du génie, comme une reproduction sans fin de son peintre préféré, Brueghel l’Ancien.
On s’attachera aux hommages de Kerouac, Sollers, Muray, Houellebecq ou Soral, de ses propos sur la tuyauterie féminine toujours bien compliquée au niveau du ventre… Il savait qu’on le lirait encore dans 100 ans, bientôt 2032 pour le centenaire du Voyage.
Lionel
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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation