Il y a quinze ans, l’appel pour le retrait du Hamas et des organisations de la résistance palestinienne de la liste européenne des organisations terroristes (élections UE du 7 juin 2009) — Luk VERVAET

Il y a quinze ans, l’appel pour le retrait du Hamas et des organisations de la résistance palestinienne de la liste européenne des organisations terroristes (élections UE du 7 juin 2009) — Luk VERVAET

(La tempête Al-Aqsa et nous, le soutien à la résistance est un droit légitime (partie II) En janvier 2006, lors des (dernières) élections parlementaires en Palestine occupée, le Hamas, qui se présente sous le nom de Parti du changement et de la réforme, remporte le plus grand nombre de voix, soit 44 % contre 41% pour le Fatah, l’Autorité palestinienne. Le Hamas conquérait ainsi une forte majorité de sièges (74 pour le Hamas et 45 pour le Fatah). À partir de mi-juin 2007, en réponse à cette victoire électorale, Israël impose un siège total de Gaza, transformant ce petit bout de terre en ghetto et provoquant ainsi son implosion complète.

La résistance palestinienne réagit en lançant des roquettes artisanales contre des villes israéliennes. Une réponse au blocus de Gaza, aux meurtres de Palestiniens, à l’assassinat de leurs dirigeants et à des attaques menées par les forces israéliennes à Gaza et en Cisjordanie.

L’opération « Cast Lead », (Plomb durci) (décembre 2008-janvier 2009)

En représailles, Israël lance la première guerre contre Gaza qui a duré 22 jours, de décembre 2008 jusqu’à janvier 2009, avec des bombardements massifs et une invasion terrestre. Cette opération « Cast lead », (Plomb durci), cause la mort de 1 400 Palestiniens, dont 779 civils, 320 enfants, plus de 115 femmes et environ 85 hommes de plus de 50 ans. Plus de 5 000 Palestiniens sont blessés, dont beaucoup mutilés à vie. Du côté israélien ? on compte treize morts, dont trois civils et quatre morts tués par erreur par l’armée israélienne elle-même.

C’est l’opération militaire la plus dévastatrice depuis le début de l’occupation de la Palestine, 42 ans auparavant. À peine trois ans plus tard, en 2012, une nouvelle guerre israélienne sous le nom « Operation Pillar of Defence » (Pilier de défense), est lancée contre Gaza. Elle a duré huit jours et a fait 158 morts et 1 269 blessés palestiniens. Depuis, trois autres guerres se sont abattues sur Gaza. Jusqu’à la guerre génocidaire d’aujourd’hui sous le nom de « Iron Sword »* (Épée de fer), qui a causé 100 000 victimes, dont plus de 30 000 morts.

L’objectif de la guerre israélienne de 2008-2009, qui revient à chaque guerre, est de « détruire les infrastructures terroristes, les tunnels et les sites de lancements des roquettes à Gaza ». Dans une émission à la BBC, un porte-parole de l’armée israélienne explicitait : « Toute personne impliquée dans le terrorisme du Hamas est une cible valable. Cela va des institutions militaires aux institutions politiques qui fournissent le financement logistique et les ressources humaines à la branche terroriste ». Oui, disait-il, cela implique aussi « des installations médicales, parce que le Hamas a utilisé systématiquement des installations médicales, des véhicules et des uniformes comme couverture pour des opérations terroristes ». En quinze ans de temps, rien a changé, les discours sont les mêmes, la seule différence étant qu’ils sont aujourd’hui encore plus violents et déchaînés.

Pendant la guerre, dans une lettre ouverte du 6 janvier 2009, Khaled Mesh’al, dirigeant du Hamas, écrivait : « La logique de ceux qui exigent que nous arrêtions notre résistance est absurde. Ils exonèrent de toute responsabilité l’agresseur et l’occupant – armés des armes de mort et de destruction les plus meurtrières – tout en rejetant la faute sur la victime, le prisonnier et l’occupé. Nos modestes roquettes artisanales sont notre cri de protestation adressé au monde entier ». Un porte-parole du FPLP déclarait le 17 janvier 2009 : « Les roquettes sont à la fois une représentation pratique et symbolique de notre résistance à l’occupant. Elles nous rappellent constamment que l’occupant est en fait un occupant, et qu’il a beau se livrer à des sièges, à des massacres, nous enfermer, nous priver des besoins humains fondamentaux de la vie, nous continuerons à résister et à nous accrocher à nos droits fondamentaux, et nous ne permettrons pas qu’ils soient détruits. Tant qu’une roquette est lancée sur l’occupant, notre peuple, notre résistance et notre cause sont en vie. Nos Brigades Abu Ali Mustafa ont constamment lancé plusieurs roquettes chaque jour… » Et les Brigades al-Aqsa, dans une déclaration du 19 janvier 2009, annonçaient qu’elles lançaient des roquettes et des mortiers « pour défendre notre peuple dans la bande de Gaza ».

Un appel aux candidats à l’élection européenne du 7 juin 2009

En février 2009, sur initiative de Nadine Rosa-Rosso, Dyab Abou Jahjah et moi-même, un groupe de militants de Bruxelles décide de lancer un appel aux candidats à l’élection européenne du 7 juin 2009. Un appel sorti de l’horreur commis pendant 22 jours de mort et de destruction au nom de la lutte antiterroriste.

L’appel invite les candidats à exiger le retrait du Hamas et des organisations de la résistance palestinienne de la liste européenne des organisations terroristes. Il dit ceci : «  Nous adressons un appel urgent à tous les responsables politiques. Nous leur demandons de s’engager à obtenir le retrait immédiat et inconditionnel du Hamas et de toutes les organisations de libération palestiniennes de la liste européenne des organisations terroristes. Nous demandons que l’Union européenne reconnaisse le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Cela implique la reconnaissance du Hamas et de toutes les organisations de libération palestiniennes par l’Union européenne comme des mouvements légitimes de libération nationale ».

En 2003, l’Union européenne avait en effet inséré sur sa liste des organisations terroristes toutes les organisations de libération palestiniennes qui se trouvaient déjà sur la liste étasunienne du terrorisme en 1995. Ainsi, l’identification de l’Europe avec les États-Unis et Israël était complète. Le Hamas n’est classé comme organisation terroriste que par une trentaine de pays, quasi exclusivement occidentaux, notamment les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, le Royaume-Uni, l’Australie ou encore le Japon. Quasiment aucun des pays arabo-musulmans, des pays d’Afrique, d’Amérique du Sud ou d’Asie ne considèrent le Hamas comme une organisation terroriste. C’est ce que Martin Griffiths, le Coordonnateur des Secours des Nations Unies, a rappelé récemment dans une interview accordée à la chaîne britannique Sky News : « Les Nations Unies ne considèrent pas le Hamas comme une organisation terroriste. Il est officiellement classé par les Nations Unies comme un mouvement politique » (1).

Dans son rapport de 2007, Dick Marthy, l’ancien rapporteur spécial du Conseil de l’Europe, avait dénoncé la constitution de la liste européenne des organisations terroristes comme un acte illégitime « sans procédures minimales assurant des garanties judiciaires, une infraction aux principes élémentaires de l’état de droit et aux droits humanitaires ». La création de cette liste violait les Résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies et de l’Organisation de l’Unité Africaine de 1973 et de 1975, condamnant le sionisme comme une forme de « colonialisme et de racisme » (position encore confirmée en 2022 par des organisations comme Human Rights Watch et Amnesty International). Cette liste antiterroriste refusait la légitimité de la lutte anticoloniale et du droit international qui autorise un peuple occupé à se défendre par tous les moyens. Ainsi, la Résolution des Nations Unies 2621 du 12 décembre 1970 affirmait « le droit inhérent des peuples coloniaux de lutter par tous les moyens nécessaires contre les puissances coloniales qui répriment leur aspiration à la liberté et à l’indépendance ». Thèse encore explicitée le 8 juin 1977 dans le protocole additionnel de Genève reconnaissant le droit légitime à la résistance : « Parmi les conflits armés internationaux, figurent ceux dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l’occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l’exercice du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… ».

L’appel est aussi né du constat de la désolidarisation d’une grande partie de la gauche européenne vis-à-vis de la résistance palestinienne. Il suffit de lire les publications et les communiqués de la gauche communiste et autre contre le Hamas en plein guerre contre Gaza. (2)

L’appel a frayé son chemin. Il a reçu l’appui de 2 000 signataires en deux mois de temps. Parmi eux, 275 personnalités des mondes universitaire, littéraire, artistique et militant de la cause palestinienne. Les signataires émanaient de 22 des 27 pays de l’Union européenne et de 40 pays hors Union européenne, représentant tous les continents. Des personnalités connues sur la scène nationale, européenne et internationale ont tenu à apporter leur soutien à l’initiative.

Parmi les signataires se trouvaient Jose Saramago (Prix Nobel), Mairead Maguire (Prix Nobel), Henri et Gilberte Alleg, François Houtart, Ronnie Kasrils (Afrique du Sud), Viktor Dedaj, Ruairí Ó Brádaigh (Sinn Fein, IRA), Tom Lanoye, Annie Lacroix-Riz, Ludo Dewitte, Rafael Confiant, Tariq Ramadan, Jan Myrdal (Suède), Gilad Atzmon, Yvonne Ridley, Greta Berlin, Mireille Rumeau (ISM), Willi Lagthaler (Anti-Imperialist Camp), Said Bouamama, Raoul Marc Jennar, Jean Bricmont, Houria Bouteldja, Nadia Fadil, Domenico Losurdo, Giulietto Chiesa (député européen italien), Norman Finkelstein, James Petras, Nordine Saïdi, Christine Delphy, Ludo De Brabander, Daniel Bensaïd, Robert Bibeau (Canada), Tariq Ali, Ida Dequeecker, Virginia Tilley (politologue EU), Gretta Duisenberg (Stop de Bezetting, NL), Douglas Emory (Black Panther Party, EU) ou encore Robert Wyatt (musicien britannique).

Le soulèvement du ghetto du 7 octobre 2023 a tout changé

Depuis quinze ans, les listes terroristes étasunienne et européenne ont donné carte blanche à Israël pour ses guerres à répétition, pour ses assassinats de dirigeants palestiniens, pour l‘incarcération et la torture de milliers de Palestiniens, pour une punition collective de la population palestinienne, en l’enfermant dans des bantoustans en Cisjordanie ou dans le ghetto de Gaza.

Le 7 octobre a tout changé. D’abord, la résistance palestinienne a pulvérisé les barreaux de la cage dans lequel Gaza est enfermé depuis 2007. Et depuis près de cinq mois, elle continue, malgré ses pertes d’hommes, malgré la douleur indescriptible du peuple palestinien, à montrer une force de résistance époustouflante qu’on ne pouvait même pas imaginer, contre une armée parmi les plus fortes au monde. Elle a ainsi créé une solidarité planétaire avec la Palestine comme jamais auparavant.

Mais, depuis le 7 octobre aussi, on assiste à un élargissement de la liste terroriste de UE et à l’interdiction de soutenir la résistance sous peine de poursuite pour soutien au terrorisme.

Notes

(1) https://www.fdd.org/analysis/2024/02/16/top-un-aid-official-says-hamas…

(2) https://nadinerosarosso.blogspot.com/2016/05/la-gauche-et-lappui-la-re…

* (LGS) Mécontent de cette appellation, Netanyahou a suggéré d’autres noms, comme « Guerre de la Genèse », « Guerre de Gaza » ou encore « Guerre de Sim’hat Torah ».

»» https://lukvervaet.blogspot.com/2024/04/il-y-quinze-ans-lappel-pour-le…

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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