La Grâce-III : ‘Ukrisis’ dans la GrandeCrise
• Pour suivre la voie tracée par le texte sur le “déchaînement de la Matière” que l’on peut trouver dans cette même rubrique, voici un nouvel extrait du livre en préparation se prétendant comme la suite de la série de ‘La Grâce de l’Histoire’, et certainement toujours avec les mêmes réserves concernant les capacités du vénérable capitaine PhG à tenir ses engagements. • Cet extrait n’enchaîne nullement sur le précédent mais il nous semble que l’on peut dire qu’il forme un tout lisible qui permet de le lire détaché du reste. • Le “concept” présenté ici est finalement celui de ce que nous nommons la GrandeCrise, et la mécanique métaphysique qui agglomère les différentes sous-crises (ou “subcrises”) qui la composent : Trump et la crise aux USA depuis 2015-2016, le mouvement Woke et le wokenisme qui est peut-être la représentation la plus marquante par son effet de déconstructuration, le Covid, la crise ukrainienne ou ‘Ukrisis’ depuis 2022 et même depuis 2014, et au loin depuis 1991, la crise palestinienne… • Le passage considéré traite essentiellement de l’intégration d’‘Ukrisis’ dans la GrandeCrise.
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‘Ukrisis’ dans la GrandeCrise
L’indiscutable caractère exceptionnel du wokenisme se rencontre là encore dans le lien qu’il établit entre la crise américaniste [depuis 2015-2016] dans le sein de laquelle il a fleuri et l’événement ‘Ukrisis’ que nous retrouvons ainsi. C’est en effet notre intention de considérer cette crise majeure de la guerre en Ukraine comme un chaînon de plus dans cette sorte de “chaîne crisique”, un tour de fou supplémentaire du “tourbillon crisique”, – mêmes causes, mêmes effets, mêmes remous et mêmes conséquences. L’attaque du Système contre l’Ukraine pour déstructurer la Russie est effectivement un effort majeur de déconstructuration, une sorte de verrou d’une puissance inouïe qui saute, que nous abordons essentiellement comme une “représentation”, un simulacre de la même eau que la crise covidienne, sans nous attacher aux aspects géopolitiques qui constituent une référence dépassée pour tenir un rôle important, et encore moins bien entendu le premier rôle.
Nous posons évidemment comme une évidence de notre propos que nous sommes entrés dans une autre dimension en fait de qualité et même d’essence de la crise, – qu’on devrait plutôt nommer “essence crisique”, – en fait d’aspect formel de cette dynamique, et par conséquent quelque chose d’autre pour ce qui est de la puissance et de l’orientation de sa dimension métahistorique. Pour autant, et c’est bien entendu le point qui importe le plus, le point décisif, le schéma du développement de cette crise, ou “fraction de crise”, reste complètement celui de la déconstructuration dont l’universalité de la présence est une évidence. En ce sens, l’on comprend aisément que le facteur de la communication tient une place absolument centrale ; c’est lui qui permet toutes les manœuvres de représentation, qui règle la perception, qui fausse les sens, mais aussi qui récompense la lucidité et la maîtrise de soi, qui facilite pour celui qui sait s’en saisir l’accès à l’intuition ; la communication, ou Janus en action, dans son avers ou dans son envers.
N’importe quel témoin de l’événement, je m’en souviens fort bien pour mon compte, éprouva à un moment ou l’autre du lancement de l’opération russe, cette fameuse “Opération Militaire Spéciale” (OMS), le 24 février 2022, l’une ou l’autre surprise. On aurait pu dire que la Russie avait comme but, – involontaire ou pas qu’importe, et plutôt involontairement si je suis ma pensée, – de déconstructurer la notion même de “guerre”, tant la manœuvre semblait ne correspondre à rien de ce que l’on pouvait envisager en fonction des effectifs engagés. Il est extrêmement probable selon mon jugement que, dans cette surprise et cette perception chaotique entraient un certain nombre d’erreurs d’ailleurs fort compréhensibles des Russes, qui ne s’attendaient certainement pas :
1) D’une part, à rencontrer une armée ukrainienne aussi forte et aussi bien organisée ;
2) D’autre part, à voir en face d’eux une présence de soutien, sinon plus, de forces de l’OTAN, si bien qu’on aurait pu dès lors nommer cette guerre “guerre de la Russie contre l’OTAN” (avec tous les énormes moyens notamment de communication [identification, localisation, etc.] que cela suppose, et non “guerre de la Russie contre l’Ukraine”.
Il s’ensuivit, dès ces premiers heurts, une importance fondamentale de la communication justement, bien entendu en tant que perception, ou bien en écho de la “réalité”, ou plus encore, en tant que fabrication de narrative, de simulacres. Cette importance s’imposa irrésistiblement ; on peut même dire que ce fut, dès l’abord, l’élément essentiel de cette guerre et celui qui allait complètement la caractériser. Mais puisque nous sommes dans ce domaine du constat de l’immédiat en fait de communication, on doit aussitôt répéter qu’il manquait évidemment, pour une caractérisation dans sa dimension adéquate, la remarque, là aussi avec toutes les variations de justesse et de déformations possibles, que l’on a faite plus haut : c’était au moins une “guerre de la Russie contre l’OTAN” et nullement une “guerre de la Russie contre l’Ukraine”… Quoi qu’il en soit, il doit être admis absolument que nous allons examiner cette guerre selon son caractère d’‘Ukrisis’, essentiellement sinon uniquement du point de de vue de la communication, et non pas des points de vue habituels d’une guerre (géopolitique, militaire, etc.) qui ne sont dans ce cas que les outils de l’événement de communication.
Il y a une admirable leçon de synthèse,
à la fois de réalisme et d’interprétation métahistorique la plus haute, à recevoir du philosophe de l’histoire, le Russe Alexandre Douguine ; en effet, qui d’autre qu’un Russe pour cette tâche essentielle de donner à ‘Ukrisis’ la place essentielle d’évènement à la fois courant mais devenu très original, et passé d’une “opération de police” à un événement fondamentalement transcendant ? Douguine est celui qui a saisi le plus rapidement et le plus précisément, je veux dire sans reculer devant la force des mots, ce caractère transcendant. A ce moment, dans ces conditions d’interprétation que le philosophe russe nous offre, on peut faire d’‘Ukrisis’ le continuateur logique des incidents décadentiels précédents, sinon leur extension paroxystique avec une dimension de rupture.
Il fallut un certain temps, peut-être bien une année et plus alors qu’on attendait en général un conflit localisé de quelques mois, pour que se dessinassent les contours assurés de la dimension eschatologique de cette guerre. Il était bien entendu évident que personne n’aurait pu prévoir raisonnablement la marche précipitée des évènements jusqu’à février 2022 et la crise ‘Ukrisis’, même en se plaçant du point de vue des évènements depuis février 2014 et le “coup de Kiev”. Il est bien autant évident, et cela est encore plus remarquable, que nul n’aurait pu prévoir raisonnablement cette “marche précipitée” suivant une accélération supplémentaire, du point de vue de ces mêmes évènements depuis février 2022.
Il y a là un constat délicat à faire, qui concerne la substance de ces évènements, leur importance fondamentale, les forces qui les régissent et d’une manière générale ce que nous jugions être leur nécessaire eschatologisation. Bientôt s’imposa donc la question de la cause fondamentale, le passage de l’interprétation d’un “simple” affrontement pour la souveraineté à un ébranlement civilisationnel d’une immense grandeur, peut-être d’une grandeur inédite et inconnue dans la civilisation courante qui est nôtre, peut-être aussi colossal et important que la chute de l’Empire romain… Et encore, – bien plus encore ! Avec la différence extraordinairement aggravante d’un événement qui nous apparut extrêmement rapide, que nous réalisâmes et observâmes quasiment en temps réel, identifié directement pour ce qu’il était ; et ce facteur essentiel de la rapidité semblant lui donner un “supplément d’âme”, c’est-à-dire une métaphysique encore plus impérative et “opérative” à la fois, dépassant celle de la chute de l’Empire de Rome.
Ainsi parvenons-nous à déterminer une approche pour atteindre un point de vue d’où cette crise ‘Ukrisis’ devenue guerre du même nom acquiert un sens qui lui donne complètement sa place dans la filiation des crises que nous avons vues défiler depuis 2015-2016. Il est temps ici de reconnaître, d’identifier l’âme et la plume qui nous ont guidé dans cette quête : le philosophe-géopoliticien (selon le caractère qu’il se plaît à arborer) Alexander Douguine, le Russe Douguine.
Il nous semble, que l’on soit ou non en accord avec lui, qu’il apporte la vision la plus ample et la plus haute, le regard du “philosophe de la spiritualité”, – qui nous intéresse plus que la géopolitique, – c’est-à-dire le philosophe qui cherche l’explication centrale dans les matières les plus extrêmes dans l’ordre de l’ontologie et au-delà des interdits du rationnel. Douguine, lui aussi, chose extrêmement rare pour un observateur de cette trempe, décrit “en temps réel” des évènements qui se révèlent eschatologiques, qu’il interprète dans l’instant pour ce qu’ils sont, – eschatologiques, justement. Par conséquent, on prendra avec la plus grande gravité ce qu’il dit à propos de ce conflit d’Ukraine, de son évolution, de sa transformation – non, de sa transmutation, à partir de ce constat radical et terrible qui structure toute sa réflexion, – ce constat que l’Occident est “monstrueux” et qu’il rompt avec une violence horrible « avec l’espèce humaine » :
« Ayant découvert que l'Occident est monstrueux et se sépare sous nos yeux de l'espèce humaine, la Russie s'en est éloignée. Un problème local, le conflit avec l'Ukraine, nous a soudain conduits à des conclusions fondamentales : l'Occident fait fausse route, il entraîne l'humanité dans l'abîme et nous devons l'affronter. C'est la nouvelle la plus importante, quelque chose d'absolument incroyable, car auparavant nous nous étions modestement limités à la lutte pour la souveraineté. »
Ainsi Douguine entame-t-il son analyse de la crise que nous connaissons en la situant aussitôt, d’ailleurs selon le thème de la conversation qui nous est proposée dans le titre de son intervention du 11 septembre 2023 (« A l’ombre de Satan »), à propos et selon la présence, l’influence et les pressions de Satan, – un Satan en référence à la théologie religieuse, et non plus une simple imagerie passepartout. Pour Douguine, Satan est une entité essentielle du drame cosmique que nous vivons.
On le comprend donc clairement : cette démarche de Douguine n’est pas simplement symbolique, ni une parabole, ni une analogie, ni une illustration de convenance ou un excès compréhensible de langage, elle exprime clairement et directement ce qu’elle entend décrire. C’est dire combien il est nécessaire d’avoir l’esprit ouvert et le jugement large, car son exposé sur un “concept” (?) si profondément irrationnel, nous renvoyant à la fois dans les anciens temps de la Tradition, dans les mystères de l’Unité originelle et dans des célébrations considérées comme primitives par rapport aux festivités du wokenisme, – car cet exposé-là est chez Douguine tout à fait rationnel.
Bien entendu, dans le style, les images, les perspectives, il y a le feu et la fièvre du slave et dans le regard de son âme l’immensité des horizons russes. Mais la pensée n’est pas déformée par une expression si souvent mise à l’index, qui permet dans ce cas d’autant mieux et au contraire de mesurer la puissance de la vision. On le comprend aisément lorsqu’on voit que Douguine travaille pour une part non négligeable sous le magistère de l’un des métaphysiciens les plus rigoureux, les plis férus d’une logique de fer : le Français René Guénon, qui nous a déjà averti de la présence du satanisme et du simulacre auquel il conduit.
« René Guénon, philosophe, partisan d'une société spirituelle traditionnelle, l'a appelée la Grande Parodie. C'est à cela que conduit la civilisation satanique. Si, au premier stade du matérialisme, il s'agissait de nier toute spiritualité, […] progressivement, au fur et à mesure que cette Grande Parodie prend forme, un nouveau projet émerge : non seulement le rejet de l'Église, mais la construction d'une anti-Église, non seulement l'oubli de l'esprit, mais la création d'une nouvelle spiritualité, inversée... »
Ainsi sommes-nous convié à cette pensée qui tient Satan comme un facteur essentiel et d’une réelle et puissante existence de la terrible réalité de notre malheur, voire, opérationnellement comme son facteur exclusif, – Satan, maître du Mal et de “notre malheur” . Ne pas accepter cette hypothèse, c’est justement tomber dans le piège diabolique de cette entité qui sait si bien faire usage de son arme principale, cette “Grande-Parodie”, qui est également le montage du simulacre, l’opérationnalité de cette méthode infâme avec ses narrative, toutes ces tromperies qui nous accablent, nous serrent à la gorge, qui font la circonstance essentielle, proche de la folie, de notre bataille.
La GrandeCrise est si bien devenue elle-même, si ‘Grande’ dans le sens d’universel et collectif, si semeuse de malheur et de chaos, que nous avions et avons le besoin vital d’une explication universelle et collective. Il n’y en a aujourd’hui plus aucune qui soit disponible. Plus encore, les derniers évènements ont rendu caducs, inopérants, dépassés, les divers projets universels et collectifs, réduisant à néant toute perspective sérieuse d’une organisation humaine acceptable, les remplaçant par l’actuel chaos qui est pourtant lui-même l’enfant de formidables efforts d’organisations humaines ambitieuses. La même chose peut être dit, bien entendu, sur les nombreux aspects insupportables du monde actuel qui orientent le jugement vers le constat de l’existence du Mal sans en donner la moindre explication, justification, description, logique, etc.
Même l’Ukraine a joué un rôle très concret à cet égard, en relativisant complètement la symbolique jusqu’alors triomphante du ‘Mal’ [Hitler et le nazisme], tant utilisée et brandie avec une sorte de soulagement puisque cantonnée à une idéologie contraire au catéchisme progressiste. On n’a pas encore mesuré la catastrophe symbolique et communicationnelle qu’a constitué ce sacrilège du Camp du Bien vis-à-vis du Camp du Bien ; ce sacrilège, celui de retrouver dans les quartiers de Mister Z, personnage extraordinairement vulgaire et médiocre devenu iconique de Camp du Bien, nombre d’orientations et d’échappées vers le nazisme qui perdurent officiellement, à ciel ouvert, sans aucune difficulté, sous les applaudissements des multitudes antirusses de nos élites.
Tout cela, qui traduit une inconscience et un désordre extraordinaire de cette raison-subvertie qui prétend régenter le monde en le régulant, explique que des conceptions jusqu’alors mises à l’index par le mépris et le sarcasme retrouvent la possibilité d’une exposition richement documentée. Ainsi en est-il du travail, d’une haute tenue intellectuelle, de ce philosophe singulier dans sa fièvre apprivoisée qu’est Alexander Douguine. Avec lui, le diable n’est plus seulement “dans les détails” ; il est bel et bien Satan, au centre d’un monde perverti, d’une civilisation aux abois et sombrant sous le poids de son infamie. Cela est remarquablement exposé par un esprit vigoureux et fiévreux, armé d’une culture dévastatrice pour le troupeau des nains qui prétendent nous mener, avec le pouvoir magique et presque poétique de transformer l’histoire courante en ce qu’elle est aujourd’hui, – et aujourd’hui seulement : immédiatement métaphysique historique, nous passons de l’évènement à la métahistoire sans escale intermédiaire nécessaire… Nous sommes “à l’ombre de Satan” et de la GrandeCrise.
(Notez que l’intervention de Douguine qui nous fournit l’essentiel de l’argument sur la perception transformatrice de la guerre date du mois d’août 2023, soit 18 mois après le début de la guerre, ce qui nous donne un laps de temps acceptable pour accepter l’intégration de cet évènement dans notre propos.)
Nous donnons ici le texte complet des réponses
de Douguine aux trois premières questions qui lui sont posées Par Peter Vlasov, concernant la caractère satanique de l’adversaire auquel se confrontent les forces traditionnelles sur lesquelles il s’appuie. Le mot d’ordre du philosophe, pour fixer l’intensité du combat spirituel ainsi en cours, est celui-ci : « Il faut laisser la guerre entrer en nous ». Cela veut dire qu’il importe d’ouvrir notre âme à tous les domaines transcendants jusque-là interdits d’accès par le gardien vigilant et impitoyable que constitue la raison-subvertie qui fait feu sans l’aumône de la moindre sommation.
Peter Vlasov : « Alexandre Douguine, nous entendons de plus en plus souvent les dirigeants du pays définir la civilisation occidentale moderne par le mot “satanisme”. Qu'entendez-vous par là, quel est votre avis ? »
Alexander Douguine : « Le président a déclaré que l'Occident était une "civilisation satanique" dans le discours qu'il a prononcé lors de l'admission de nouveaux sujets au sein de la Fédération de Russie. Nous devrions prendre cela au sérieux et essayer de comprendre ce qui se cache derrière cette formulation, d'autant plus qu'elle a été répétée par la suite par de nombreuses personnalités politiques et publiques de haut rang. Il me semble qu'il s'agit d'une déclaration très sérieuse et profonde.
Après le début de l'Opération militaire spéciale, nous avons commencé à nous rendre compte de plus en plus clairement que quelque chose ne tournait pas rond en Occident. La civilisation occidentale moderne s'est soit égarée, soit détournée de la voie qu'elle suivait lorsque nous l'avons acceptée, accueillie, imitée, soit, ce qui est encore plus probable, quelque chose ne va pas depuis longtemps. Une civilisation que nous admirons, à laquelle nous cherchons à nous intégrer, dont nous partageons les valeurs et les règles et que nous embrassons de toute notre âme, ne peut-elle pas se révéler soudainement satanique ? Parallèlement à cela, nous voyons la question des valeurs se poser à différents niveaux dans notre Etat. Nous commençons à le répéter : nous défendons nos valeurs. Il y a un an, le Président a adopté un décret sur la défense des valeurs traditionnelles, parmi lesquelles la supériorité de l'esprit sur la matière. C'est une chose absolument étonnante ! Les valeurs traditionnelles de la Russie sont reconnues comme étant, si vous voulez, l'idéalisme, la religiosité, la domination de l'esprit. Et bien sûr, si nous commençons à nous considérer – pas encore avec confiance, mais de plus en plus – comme des porteurs de valeurs traditionnelles, c'est précisément face à ces valeurs traditionnelles, que nous découvrons tout juste en nous-mêmes, que nous commençons tout juste à comprendre, à appréhender et à défendre, face à ces valeurs, bien sûr, les valeurs occidentales ressemblent à du satanisme pur et simple. Elles sont tout le contraire des nôtres. Elles reposent sur l'idée que la matière est primordiale par rapport à l'esprit, que l'homme n'est qu'un être biosocial qui est un reflet cognitif du monde extérieur. L'Occident perçoit l'homme comme un animal évolué, qui a atteint son stade final pour passer l'initiative à une espèce posthumaine, aux constructions transhumanistes, aux cyborgs, à l'intelligence artificielle. Et la préparation, l'échauffement, c'est la politique du genre, où l'on change de sexe au gré de ses envies – voire de ses caprices – et bientôt d'espèce, où l'on choisit d'appartenir au sexe homme, à une catégories de machines ou à une espèce animale, ce qui fait déjà l'objet de discussions sérieuses au plus haut niveau des personnalités occidentales.
Ayant découvert que l'Occident est monstrueux et se sépare sous nos yeux de l'espèce humaine, la Russie s'en est éloignée. Un problème local, le conflit avec l'Ukraine, nous a soudain conduits à des conclusions fondamentales : l'Occident fait fausse route, il entraîne l'humanité dans l'abîme et nous devons l'affronter. C'est la nouvelle la plus importante, quelque chose d'absolument incroyable, car auparavant nous nous étions modestement limités à la lutte pour la souveraineté.
Et c'est ici que le concept de "satanisme" acquiert pour la première fois une signification très sérieuse. Il ne s'agit pas seulement d'un mouvement occulte marginal, le satanisme existe en Occident, il y a l'Église de Satan d'Anton LaVey, il y a même le satanisme direct de l'écrivain ultra-capitaliste Ayn Rand (Alice Rosenbaum) – qui était d'ailleurs populaire parmi les oligarques et les libéraux russes dans les années quatre-vingt-dix. Mais il s'agit dans l'ensemble de phénomènes marginaux, de sectes occultes et de productions théâtrales. Par "le satanisme de la civilisation occidentale", Poutine entendait quelque chose d'autre, de beaucoup plus profond. Le satanisme, c'est la primauté de la matière sur l'esprit, le relativisme postmoderne, c'est-à-dire la relativité de toutes les valeurs, y compris celles de l'être humain et de l'esprit. Et c'est la voie que l'Occident a empruntée, non pas hier, mais il y a environ 500 ans, avec le début du New Age.
Qui est Satan ? Il n'y a pas de Satan quand il n'y a pas de Dieu, pas de foi, pas de religion. Ce terme reste dans le vide, si pour nous les termes "Dieu", "foi", "éternité", "immortalité", "résurrection des morts", "jugement dernier", "salut de l'âme"… sont tout aussi vides. Si nous suivons l'image scientifique occidentale moderne du monde, il est bien sûr ridicule de parler de satanisme, car il n'y a ni Dieu, ni diable, ni foi, ni âme immortelle, ni vie post-mortelle, mais seulement un flottement d'unités biologiques, d'atomes, qui se collent les uns aux autres, se séparent, puis disparaissent dans l'abîme de l'espace noir et mort. C'est à peu près cette image du monde qui s'est imposée en Occident il y a 500 ans, et que l'on appelle généralement "l'image scientifique du monde". Elle s'est accompagnée d'une déchristianisation progressive et complète de la culture occidentale. Ainsi, Satan en tant que phénomène a disparu de la "représentation scientifique du monde" en même temps que Dieu. Lorsque nous affirmons sérieusement que la civilisation occidentale est satanique, nous attirons l'attention sur le fait qu'il s'agit d'une conclusion hâtive, incorrecte, prématurée et, en fait, profondément erronée. C'est à tort que l'on s'est éloigné de la tradition, de l'esprit, de Dieu, de la religion, et c'est là que l'âge moderne de l'Europe occidentale a commencé. Nous l'avons perçue sans esprit critique dès le XVIIIe siècle, lorsque nous avons été emportés par les Lumières européennes. Mais jusqu'en 1917, nous avons maintenu d'une certaine manière le caractère religieux de notre société. Puis nous avons plongé dans l'abîme du matérialisme, et après l'effondrement de l'URSS, nous sommes descendus encore plus profondément dans cet abîme – dans un matérialisme capitaliste libéral encore plus débridé et flagrant. Et finalement, nous nous sommes retrouvés à la périphérie de la civilisation satanique occidentale, en tant que sa province.
En d'autres termes, le concept de Satan prend aujourd'hui, dans le cadre de la guerre contre l'Occident, une toute autre signification dans notre société que le concept de Dieu. S'il y a Dieu, s'il y a la foi et l'Église, la Tradition et les valeurs traditionnelles, cela signifie qu'il y a aussi l'antithèse de Dieu, celui qui s'est rebellé contre Dieu. C'est alors que l'histoire de l'Occident, l'histoire du soi-disant progrès, l'époque de la modernité des 500 dernières années s'ouvre sous un jour complètement nouveau. Il s'avère que l'Occident a rejeté Dieu, a dit : il n'y a ni Dieu ni diable, et le diable, comme après un certain temps, a objecté : il n'y a pas de Dieu, mais c'est moi, parce que c'est moi qui vous ai dit qu'il n'y avait pas de Dieu. »
Peter Vlasov : « Ce que vous appelez le satanisme peut-il être considéré comme une construction idéologique, ou s'agit-il simplement d'un principe de négation, de destruction ? »
Alexander Douguine : « Nous ne devrions pas commencer par le satanisme, mais par Satan, par la figure que l'on appelle par ce nom, si nous sommes des croyants, c'est pour nous un fait ontologique. Pour les non-croyants, le satanisme n'a pas de sens.
Qui est Satan, qui est Lucifer ? C'est un ange, c'est-à-dire l'esprit céleste éternel. C'est la première création suprême de Dieu qui s'est rebellée contre Dieu. C'est l'origine de toutes les attaques contre Dieu, du matérialisme, de l'athéisme, de toutes les notions selon lesquelles des personnes sans Dieu peuvent construire un monde meilleur. Nous retrouvons ce principe dans l'humanisme, dans le développement de la science moderne et dans la doctrine sociale du progrès. Satan n'est pas seulement la destruction ou l'entropie, mais une volonté consciente de détruire. C'est la rébellion, la destruction de l'unité au nom du triomphe de la multiplicité. Ce n'est pas seulement un affaiblissement de l'ordre divin, c'est la volonté de le briser. Quand le corps est affaibli, c'est une chose, mais quand il y a une force, comme le cancer ou une autre maladie naturelle, qui pousse le corps à la décomposition, c'en est une autre. Satan est l'esprit, la volonté de se décomposer, pas seulement la décomposition elle-même, qui est déjà une conséquence. En un sens, il s'agit d'une croyance, d'une religion, d'une anti-église. C'est l'"église noire" qui s'incarne dans la culture occidentale moderne, la science, l'éducation, la politique. Nous voyons ici non seulement la décadence, mais aussi le refus de construire l'ordre, la hiérarchie, d'élever les principes de la science, de l'esprit, de la pensée, de la culture à l'unité la plus élevée, comme dans la civilisation traditionnelle, au début de la hiérarchie, – parce que la hiérarchie terrestre imite le rang angélique. À ce refus de faire le bien s'ajoute la volonté de faire quelque chose de directement opposé, de faire le mal. Quand on regarde les Ukrainiens, Biden, Soros, Macron, on voit une volonté de destruction active, agressive. Le satanisme présuppose nécessairement une stratégie consciente et une impulsion volontaire qui génère un mouvement puissant des masses humaines. Les masses peuvent détruire la culture traditionnelle par leur stupidité, leur passivité, leur inertie – c'est la propriété de la masse en tant que telle, mais quelqu'un pousse cette masse dans une direction destructrice, quelqu'un la dirige, l'oriente. C'est là qu'apparaît le principe du sujet opposé à Dieu (ainsi qu'à l'homme dans son sens le plus élevé). On le retrouve dans toutes les religions : il s'agit de cette volonté consciente du sujet de construire une civilisation anti-Dieu, inversée. Il ne s'agit pas seulement de détruire l'existant, mais de créer quelque chose de dégoûtant, de pervers, comme les femmes LGBT barbues de l'Occident. »
Peter Vlasov : « Y a-t-il là une image de l'avenir ? »
Alexander Douguine : « René Guénon, philosophe, partisan d'une société spirituelle traditionnelle, l'a appelée la Grande Parodie. C'est à cela que conduit la civilisation satanique. Si, au premier stade du matérialisme, il s'agissait de nier toute spiritualité, c'est-à-dire d'affirmer qu'il n'y a pas d'esprit, mais seulement la matière, l'homme, le monde terrestre, progressivement, au fur et à mesure que cette Grande Parodie prend forme, un nouveau projet émerge : non seulement le rejet de l'Église, mais la construction d'une anti-Église, non seulement l'oubli de l'esprit, mais la création d'une nouvelle spiritualité, inversée. Nous commençons par la destruction de l'église, nous comparons tout à la terre, il ne reste que l'homme, mais après cela, nous commençons à construire un temple souterrain vers le bas, dans la direction opposée, nous faisons un trou dans la matière. L'écrivain français Raymond Abellio a écrit un roman intitulé “La fosse de Babylone”, qui traite de la construction de la civilisation dans le sens souterrain. Cette hiérarchie inversée, ce pouvoir inversé, cette spiritualité inversée, voilà ce qu'est le satanisme occidental. »
Ainsi en est-il de la “guerre en Ukraine”
pour notre propos qui est celui de la déconstructuration, de l’eschatologie, de la métahistoire, et qui nourrit l’explication qui nous fait lier cet événement directement à celui de la déconstructuration wokeniste bien que les deux événements ne soient pas du tout de la même facture ni du même domaine, – en apparence, certes. Mais on l’a vu, on l’a intuitivement ressenti je pense, – “ni de la même facture ni du même domaine” mais de la même essence satanique, de la même GrandeCrise, et là directement liés. La proximité est telle que l’on pourrait finalement concevoir, notamment en les prenant du point de vue si essentiel de la communication, de ne pas faire de réelle différence entre eux.
C’est cela que j’ai à l’esprit en anticipant peut-être une attente ou une question que certains de ces lecteurs parmi les hommes de ces temps-devenus-fous, comprenant notre démarche devant ce qu’ils jugent être un passage en revue des diverses ‘subcrises’ de la GrandeCrise, – mais la comprenant je crois en partie d’une façon erronée, assez dans tous les cas pour nous objecter : “Comment ? Après tout ce brouhaha sur l’Ukraine, rien sur Israël (et sur Gaza certes…) ?” La réponse se dit d’elle-même à partir d’un texte que nous écrivions le 11 octobre 2023, et qui constituait un résumé de l’argument :
« • Le drame du week-end en Israël doit désormais se poursuivre avec l’action de riposte que préparent les Israéliens, et qui peut être terrible. • En soi, la crise entre Israël et les Palestiniens répond toujours aux mêmes paramètres et blocages [que l’on connaît depuis soixante-dix ans], et en cela l’attaque de dimanche ne change rien. • Ce qui peut amener un changement politique de nature, non pas de la crise elle-même, mais de l’importance de la crise, c’est justement la nature et, au-delà, la puissance de la riposte israélienne. • Dans ce cas, cette très vieille crise s’inscrirait dans la GrandeCrise. »
“Dans ce cas, cette très vieille crise” prendrait une allure tout à fait nouvelle, inédite, en s’inscrivant dans une continuité qui lui paraît pourtant si étrangère : les élections américanistes, le Covid, le wokenisme, ‘Ukrisis’… Car nous y sommes, et c’est effectivement bien le cas : cette crise qui, en elle-même, utilise des événements d’un autre temps pour les poursuivre, en les poursuivant dans des conditions si particulières principalement au niveau de la perception et donc de la communication, entre effectivement dans La GrandeCrise, et elle y entre comme continuation d’’Ukrisis’, comme une perle est enfilée à la suite de la précédente pour participer à la manufacture du collier à la sublime perfection.
A cet égard et pour ce qui la concerne, tout est dit. Nous voulons signifier par là que nous avons suffisamment suivi le chemin des fracas de l’accumulation des tourbillons crisiques accouchant de subcrises successives (élections américanistes, Covid, wokenisme, ‘Ukrisis’) pour conclure que nous sommes au cœur de la GrandeCrise, qu’il est inutile de poursuivre cette sorte de chronique événementielle, que désormais tout ce qui se passe dans le fracas continu des catastrophes crisiques entrent dans l’empire de la GrandeCrise de l’effondrement du Système, dans le trou noir du naufrage civilisationnel, dans l’hallali du ‘Kali Yuga’, l’Âge de Fer et des Ténèbres de la Fin des Temps du cycle accompli jusqu’à son terme.
Ainsi est-il temps de discourir du survol de ce champ dévasté de la Terre martyrisée pour y apercevoir l’annonce des temps nouveaux qui suivent nécessairement la Fin des Temps.
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org