Laïcité : Le Conseil de la magistrature du Québec, ou l’art de faire dévier le débat

Laïcité : Le Conseil de la magistrature du Québec, ou l’art de faire dévier le débat

C’est aujourd’hui et demain que se tiennent au Palais de Justice de Montréal des audiences au cours desquelles le Conseil de la magistrature du Québec (CMQ) tentera de faire avorter les procédures entamées par Droits collectifs Québec (DCQ) pour s’assurer que la magistrature québécoise respecte les nouveaux principes édictés par la Loi sur la laïcité de l’État (LLE). En effet, refusant de discuter du fond de l’affaire, le CMQ préfère utiliser l’argent des contribuables québécois afin de contester plusieurs aspects de la démarche entamée par DCQ et à laquelle s’est joint le Mouvement laïque québécois, tels l’intérêt à agir des demandeurs et la procédure retenue (pourvoi en contrôle judiciaire). 

Du non respect de la Loi sur la laïcité de l’État

Il aura fallu plus d’un an de démarches menées par DCQ auprès du CMQ afin que ce dernier accepte de transmettre l’information pertinente à propos des travaux qu’il a mené depuis l’adoption de la LLE, dont l’article 5 stipule qu’il « appartient au Conseil de la magistrature, à l’égard des juges de la Cour du Québec, du Tribunal des droits de la personne, du Tribunal des professions et des cours municipales ainsi qu’à l’égard des juges de paix magistrats, d’établir des règles traduisant les exigences de la laïcité de l’État et d’assurer leur mise en oeuvre ». Or, en rendant public le document intitulé « Les exigences de la laïcité au Québec », le CMQ a conclu « que les normes déontologiques actuelles encadrent de façon suffisante la conduite attendue des juges, y compris au regard des exigences relatives à la laïcité (…) », et qu’ « (…) il n’est pas utile d’amender le Code de déontologie de la magistrature applicable aux juges de la Cour du Québec (…) puisque les objectifs sous-jacents aux exigences de la laïcité, soit la neutralité et l’impartialité, constituent déjà des devoirs déontologiques inclus dans ces codes de conduite ».
 
DCQ fut évidemment très surpris et déçu par cette décision, avec laquelle il ne peut qu’être en désaccord. Mais la surprise et la déception furent d’autant plus grandes en constatant que le CMQ ne s’est pas appuyé sur le moindre avis juridique formel afin de rendre cette décision, se contentant de solliciter l’avis d’un adversaire déclaré de la LLE (Jocelyn Maclure) de même que celle d’une professeure de Droit de l’Université Laval, qui fut condamnée pour exercice illégal de la profession d’avocat dans ce dossier.
 
De la nécessité que les pouvoirs publics agissent de bonne foi

Ainsi, depuis le début de ce dossier, le CMQ semble agir moins en fonction de l’intérêt supérieur des citoyennes et des citoyens québécois (droit d’accès à l’information, droit de bénéficier d’institutions publiques entièrement laïques, confiance du public envers les tribunaux) qu’en fonction de ses intérêts organisationnels. En témoigne bien sûr la résistance de l’organisme à la simple idée de collaborer avec DCQ dès le début de l’année 2022. Mais, surtout, au lieu de s’inspirer du Conseil canadien de la magistrature, qui recommande à ses membres de ne porter aucun insigne, le CMQ dilapide plutôt les impôts des contribuables québécois en tentant de faire avorter la procédure sur des questions de forme, refusant de débattre du fond des choses. D’ou la contestation, par le CMQ, de l’intérêt à agir des des organismes citoyens et de la nature de la procédure retenue (pourvoi en contrôle judiciaire), puis l’évocation d’un potentiel délai de prescription.
 
« Depuis le début de ce dossier, le CMQ se comporte en véritable monarque, qui n’a pas de compte à rendre à qui que ce soit. Il aurait été si simple pour cet organisme relevant de l’Administration publique de faire amende honorable, reconnaître qu’il a erré en ignorant l’évolution du cadre législatif québécois en matière de neutralité religieuse de l’État, particulièrement au sein des professions dites en état d’autorité dont font évidemment partie les juges, pour enfin assumer ses responsabilités en modifiant le code de déontologie des juges » a déclaré le directeur général de DCQ, Etienne-Alexis Boucher.

Quant au président de l’organisme, Daniel Turp, il conclu ainsi : « Que le CMQ s’entête à poursuivre dans cette voie ne peut en rien contribuer à maintenir, voire renforcer la confiance du public envers les tribunaux, aggravant ainsi le sentiment voulant que les juges veulent échapper à la loi, y compris à l’importante loi fondamentale et d’intérêt général qu’est la Loi sur la laïcité de l’État ».

À propos de Droits collectifs Québec
 
Droits collectifs Québec est un organisme à but non lucratif fondé en 2019 et issu de la société civile québécoise. Sa mission est de contribuer à la défense des droits collectifs sur le territoire québécois, eût égard notamment aux droits linguistiques et constitutionnels des citoyennes et des citoyens. Basée sur une approche non-partisane, l’action de l’organisme comporte de nombreux champs d’intervention, dont l’éducation populaire, la mobilisation sociale, la représentation politique et l’action judiciaire.

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À propos de l'auteur L'aut'journal

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