L’auteur est membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l’environnement maskoutain)
« Il faut changer d’attitude » proclame M. Legault face aux groupes qui exigent un BAPE pour examiner les avantages et les inconvénients de l’usine Northvolt. Il regrette que certaines personnes critiquent « sans nuance les projets de développement économique au Québec.» [1]. Dans le Journal de Montréal du 11 février 2024, il y a tout un dossier sur les difficultés des médias d’obtenir de l’information, même en utilisant la loi d’accès à l’information. [2] Cette difficulté peut donner l’impression qu’on nous cache des choses dans de nombreux domaines incluant le dossier Northvolt. Le chroniqueur Richard Martineau affirme que les « élus doivent nous rendre des comptes » et il rappelle aux gouvernements de ne pas oublier la réalité : « Ce n’est pas vous, notre boss. C’est nous, votre boss! » [3]
La démocratie, ce n’est pas une dictature de quatre ans entre deux échéances électorales. C’est la participation active de l’ensemble de la population à l’élaboration de notre société face aux changements climatiques! On s’entend avec M. Legault pour dire que les choix que nous faisons présentement doivent être pour le mieux-être de la population tout au long du 21e siècle. Dans ce contexte, est-ce que le projet Northvolt est le coup de génie du siècle? Ou est-ce une autre mésaventure dispendieuse moussée par la partisanerie politique et de puissants intérêts privés? Pour en comprendre les tenants et aboutissants, la population a besoin d’un BAPE, outil essentiel de la démocratie participative.
Les modes, la politique partisane ainsi que des projets que des compagnies privées peuvent tenter d’imposer à l’aide de campagnes de relations publiques sophistiquées ne correspondent pas nécessairement aux besoins présents et futurs de notre société. Suite à des expériences malheureuses, peut-être sommes-nous, comme dans le proverbe, des « chats échaudés qui craignent l’eau froide ». Comme exemple d’une erreur à ne pas répéter, examinons le projet du Suroît. [4] À l’aube du 21e siècle, le gouvernement et Hydro-Québec annonçaient avec tambours et trompettes ce projet d’une dizaine de centrales électriques alimentées au gaz naturel. Une seule a été construite; elle a fonctionné pendant quelques mois, mais elle était tellement inutile qu’on l’a mise dans les boules à mites. Cependant, l’arrêt de production oblige Hydro-Québec (et indirectement les Québécois) à payer environ 140 millions par année à son propriétaire privé pour qu’elle NE PRODUISE PAS d’électricité.
L’arrivée du dossier des gaz de schiste sur la place publique en 2010 est un autre exemple où le gouvernement et le puissant lobby représenté par l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), avec la complicité de certains médias, ont présenté le forage et la fracturation de 20 000 puits dans la vallée du Saint-Laurent comme étant la 8e merveille du monde pour faire avancer le « développement économique » du Québec; bien sûr, les promoteurs du « Drill, Baby, drill » ont balayé tous les problèmes environnementaux sous le tapis. Il a fallu les BAPE # 273 et # 307 pour déboulonner ces mythes et faire la lumière malgré les embûches d’accès à l’information.
Autre questionnement. Les gouvernements, tant au niveau provincial que fédéral, ont annoncé qu’ils investissaient des milliards dans Northvolt. Nous essayons de comprendre, mais il nous manque trop de données pour être en mesure de porter un jugement sur la viabilité économique à long terme de Northvolt. Dans le passé, parmi des investissements et subventions qui se sont avérés discutables, on peut penser, entres autres, aux millions engloutis dans la papeterie Gaspésia [5] et la cimenterie McInnis. [6] Et au niveau fédéral, on peut se demander si les quelque 35 milliards de deniers publics investis dans l’oléoduc TransMountain serviront à assurer la carboneutralité promise pour 2050!!![7]
Nous savons que les batteries seront une composante clé des systèmes énergétiques du 21e siècle. Mais tout grand projet a des aspects positifs ET des aspects négatifs. Le « changement d’attitude » réclamé par M. Legault doit venir du gouvernement ET d’une population informée. Tout comme M. Daniel Breton, environnementaliste et ancien ministre de l’environnement, nous sommes persuadés que le gouvernement commet une erreur stratégique en faisant des passe-droits pour permettre à Northvolt d’échapper au processus du BAPE. [8] En permettant de comprendre tous les aspects du projet, l’ensemble de la population pourra s’approprier le dossier, sans avoir l’impression que les gouvernants nous « cachent des choses »; cette transparence est un élément-clé en vue d’obtenir une éventuelle acceptabilité sociale.
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