Donbass : la terre et les morts

Donbass : la terre et les morts

Il a été au Donbass, il a vu, il revient et raconte.

La Rédaction d’E&R


 

Partie 1 : Le Donbass, la guerre et les médias

Je rentre d’un pays qui n’existe pas, du moins pour les médias occidentaux.
C’est que son martyre – vieux de plus de dix ans aujourd’hui – contredit à angle droit le storytelling d’une « agression russe non provoquée » contre un voisin pacifique.

Ce pays, je l’ai découvert en compagnie de journalistes occidentaux parfois persécutés dans leur propre pays pour leurs prises de position.

Héros du temps présent, ils sont accusés d’être pro-russes, ce qui est vrai dans l’exacte mesure où « la liberté d’expression sous toutes ses formes est désormais considérée comme de la propagande russe » (Alexandre Douguine).

Pourtant, pour la première fois dans l’histoire contemporaine, une classe moyenne venait de faire « ce qu’une classe moyenne ne doit jamais faire » (Zakhar Prilepine, Ceux du Donbass).

Elle avait sacrifié son intérêt à court terme – un bon salaire contre sa docilité – à l’idée qu’elle se faisait de sa dignité et de son identité ; ou, si l’on préfère, elle a fait le choix de son être au détriment de son avoir. L’Occident aurait-il peur de la contagion ?

Les insurgés du Donbass, prolétaires imprégnés de valeurs aristocratiques, incarnent la « décence commune » chère à Orwell. Aux premiers jours de l’insurrection, la bourgeoisie de Donetsk (managers, haute fonction publique) prenait la poudre d’escampette, ne doutant pas que le bon peuple, livré à lui-même, implorerait sans tarder son retour. Mais rien n’est venu : les fils et filles des Cosaques et des mineurs de fond ont pris les armes pour défendre leur langue, leur culture et leur liberté.

Ceux du Donbass, on peut les tuer, on ne peut pas les vaincre

Quant à nous, nous sommes allés là où aucun journaliste occidental ne se donne la peine d’aller. Ainsi Severodonetsk, ville dévastée par les combats, prise par les troupes russes en juin 2022.

Nous y avons vu les infrastructures détruites, les immeubles éventrés par une armée ukrainienne pratiquant une politique de la terre brûlée. Ce dont les habitants ont témoigné devant nous.

Nous avons vu les fragments d’Himars et d’autres armes occidentales utilisées contre les civils par les bataillons de représailles ukrainiens.

Aucun média occidental n’a visité le comité militaire d’investigation de la République de Lugansk qui a pourtant documenté l’utilisation de matériel occidental dans le ciblage de populations civiles. L’OSCE elle-même s’est abstenue de travailler avec eux. L’omerta règne.

On ne militarise pas un pays pour provoquer son voisin. On ne bombarde pas des populations civiles. Qu’est-ce que nos médias ne comprennent pas ? Nous avons rencontré des témoins que nul perroquet médiatique n’est jamais allé interviewer.

Ainsi Yuri Mezinov, un volontaire présent dans le Donbass depuis 2014. Il gère l’aide à destination du Donbass et a créé un algorithme permettant de rationnaliser et d’individualiser la distribution de l’aide humanitaire. Il a recueilli et supporté psychologiquement et administrativement les réfugiés de Bakhmout.

Il témoigne devant nous que Croix rouge, volontaires de l’aide et transports d’enfants sont régulièrement pris pour cibles par l’armée ukrainienne. Il nous raconte enfin ce qui s’est produit à Metelkino, une localité proche de Lugansk : à deux reprises, les Ukrainiens y ont brûlé un centre d’hippothérapie pour autistes. Un crime de guerre sans ambiguïté.

Les exactions ont été telles dans ce secteur qu’à l’arrivée des troupes russes, les locaux ont refusé d’enterrer les cadavres de soldats ukrainiens. À l’évidence, les « orques » Russes sont plus populaires ici que les chevaliers blancs de la dignité !
N’en déplaise à nos médias, le Donbass existe donc. Loin d’être un pays fantôme, il abrite un peuple au courage unique au monde.

Mais notre presse, quand elle n’est pas occupée à traquer et dénoncer les déviants, se doit de propager les narratifs de cabinets de conseil grassement rémunérés. Peut-on encore parler de journalisme en occident ?

Dans la République de Lougansk, l’âge moyen des journalistes est de 22 ans. Dans leur vie de jeunes adultes, ils n’ont connu que la guerre. Leur jeune âge et un certain conditionnement au « modèle » occidental [1] les poussent à croire que les médias de l’ouest informent honnêtement les citoyens d’Europe.

Au cours de la conférence qui a clôturé notre périple, ils étaient encore curieux de savoir quelle idée les Occidentaux se font des évènements en cours dans le Donbass. Comment leur dire que, pour un téléspectateur occidental, cette guerre cruelle faite à leur pays n’existe tout simplement pas ?

Partie 2 : Donbass –la terre et les morts

Les « valeurs » de l’Occident sont à géométrie variable. La provocation à la haine, prétexte à toutes les persécutions politiques à l’intérieur, est un article d’exportation bienvenu dès lors qu’il sert les intérêts américains.

Ainsi, Bernard-Henri Lévy – oiseau de malheur promenant son ombre maléfique partout où il flaire la charogne – qui viendra chuinter sur le Maïdan les délices de la dégénérescence occidentale avant de demander de la poudre et des balles pour tuer des Russes.

Ainsi Petro Porochenko qui promet aux enfants du Donbass un avenir dans des caves.

La provocation à la haine anti-russe ira crescendo fin 2013 ; elle prit corps sur un terreau préparé de longue main puisque, comme leur voisin canadien, les États-Unis disposent dès la fin de la Seconde Guerre mondiale d’une importante communauté ukrainienne exilée pour cause de collaboration. Les services américains vont donc s’appuyer sur une diaspora nourrie au lait de la russophobie et sur des relais locaux issus des franges extrémistes et/ou criminelles – les compatibles avec les intérêts américains. Aux premières heures de la « révolution » du Maïdan, des groupes de tueurs coordonnés s’illustreront dans les massacres de Russes ethniques à Odessa, Kharkov et Mariupol.

Les habitants du Donbass ont immédiatement compris que les « démocrates » du Maïdan en voulaient à leur peau.


Vladislav Deinego, ancien ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Lougansk, raconte les premières heures de ce cauchemar :

Fin novembre 2013, l’arbre de Noël vient d’être installé sur la place Maïdan. À la grande surprise des quelques officiers de police présents sur une place totalement vide, le grand chapiteau du cirque médiatique (camions-régie des chaînes de TV et radios) est déployé.

Ce sont les journalistes qui apprendront aux berkouts le programme de leur soirée !
Puis, arrivèrent les troupes de choc, jeunes gens athlétiques en survêtements. Nul étudiant, aucun enfant à cet instant, juste des cogneurs à l’allure sportive qui cherchaient l’affrontement avec les forces de l’ordre.

On connaît l’enchaînement qui suivit l’émeute : renversement de Ianoukovitch, interdiction de la langue russe par décision du nouveau pouvoir pro-occidental, referendum puis insurrection du Donbass.

Le 2 juin 2014, le bâtiment de l’administration de Lougansk était bombardé par l’artillerie ukrainienne. Les Ukrainiens étaient prêts à tuer : la guerre venait de commencer.


Qui aurait encore besoin des États-Unis si Europe et Russie joignaient leurs forces ?
Les Américains ont un besoin quasi-existentiel de bêtes à sang qui entretiennent la permanence d’une situation de conflit entre Russes et Européens. Les Ukrainiens sont dans le rôle d’autant plus facilement que « l’Ukraine n’a pas de tradition étatique et ne peut donc être gouvernée que de l’extérieur » (Xavier Moreau).

Vladislav Deinego :

« Les États-Unis voulaient rattacher l’Ukraine à leur sphère d’influence. L’objectif final étant la destruction de la Fédération de Russie au moyen d’un combat entre peuples slaves. Les Américains se sont mis au travail dès l’effondrement de l’Union soviétique. 

En 2004, la “révolution orange” sera la première éruption de nationalisme agressivement antirusse de la période post-soviétique. Des changements constitutionnels sont venus et dès 2008, la constitution faisait de l’adhésion à l’OTAN un impératif national.

Ianoukovitch était intéressé uniquement par les affaires économiques et financières ; sous sa présidence même, il délaissait volontiers les affaires étrangères qui furent alors prises en mains par des responsables originaires d’Ukraine occidentale. »

Toutefois, au moment de l’insurrection du Donbass, l’armée régulière ukrainienne est peu motivée par la mission de répression « anti-terroriste » qui lui est confiée.
Le gouvernement de Porochenko doit alors recourir à des bataillons de représailles issus essentiellement des rangs bandéristes.

Nés de la fausse « révolution de la dignité » – qui est un vrai coup d’État américain -ils commencèrent, dès 2014, à intimider, torturer, tuer les insurgés du Donbass. Ces bataillons (Donbass, Azov, Aidar, Dniepr-1, Dniepr-2, etc.) seront rapidement versés dans la Garde nationale (en mars 2014) et en constitueront les troupes de choc. L’internationale de la terreur qui sévit encore aujourd’hui en Ukraine a le goût et l’odeur des réseaux Stay behind mis en place dans l’Europe d’après-guerre par les Anglo-Saxons.

De cette matrice sont issus les criminels de guerre à l’œuvre non seulement les bataillons de représailles mais aussi les groupes terroristes chargés de l’élimination d’opposants politiques et de journalistes.


Inauguré à Lougansk fin 2023, un monument mémorial a été bâti sur le lieu de sépulture des habitants et des combattants qui ont défendu le Donbass au cours de l’année 2014.


Le cimetière commémoratif qui l’enserre aurait pu être une simple fosse commune, mais ceux du Donbass en ont décidé autrement. Les centaines de mort qui s’entassaient dans des morgues dépourvues d’électricité morts ont été identifiés quand c’était possible, distingués par prélèvement ADN sinon. Ils seront enterrés individuellement dans une sépulture digne après le rattachement à la Russie.
Nombreuses pierres tombales anonymes et, parmi ceux qui ont été identifiés, un grand nombre de personnes âgées et d’enfants.

Mais il nous faut revenir au présent : c’est le 24 février 2022 que l’axe du monde bascule.

L’intervention russe, baptisée opération militaire spéciale (une formulation qui n’insulte pas l’avenir des relations russo-ukrainiennes) fait sortir de leur chapeau les milliers de nouvelles sanctions occidentales déjà prêtes à l’emploi.

La question d’une intervention militaire directe des puissances occidentales se pose rapidement. La présence de troupes françaises en particulier a fait l’objet de spéculations notamment au moment du siège de Marioupol et plus récemment à l’occasion d’une frappe de missile russe à Kharkov. Une prétendue liste de victimes françaises de la frappe de Kharkov a rapidement été diffusée sur les réseaux sociaux par des militants à la tête molle manipulés par une opération de cyber-brouillage.

Il n’en reste pas moins que la présence de mercenaires occidentaux sur le théâtre ukrainien est documenté depuis 2014 (voir le travail du Donbass Insider sur cette question)… et que des rumeurs circulent avec insistance sur la présence de militaires français (plus précisément de légionnaires) sur le théâtre d’opérations ukrainien.

Non loin de Lugansk, nous avons pu rencontrer des soldats de la force Akhmat. Ils témoignent de la présence de légionnaires français qui serviraient des pièces d’artillerie. Pourrait-il s’agir d’une brigade d’instructeurs pour les canons Caesar livrés à l’Ukraine ?

Voici leur témoignage filmé par le journaliste Patrick Lancaster, membre de notre expédition :

Au polygone d’entraînement Akhmat, nous avons également rencontré des prisonniers de guerre ukrainiens. Des hommes fatigués et détruits, précipités dans une guerre qui n’est pas la leur. Nous y reviendrons.


La question ukrainienne nous concerne tous parce qu’elle montre ce qu’il en coûte de vivre sous tutelle américaine.

Les Ukrainiens, de l’est comme de l’ouest, ne sont pas nos ennemis. Ceux qui divisent l’Europe contre elle-même, manipulent les peuples et provoquent les guerres le sont sans aucune équivoque.

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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation

À propos de l'auteur Égalité et Réconciliation

« Association trans-courants gauche du travail et droite des valeurs, contre la gauche bobo-libertaire et la droite libérale. »Égalité et Réconciliation (E&R) est une association politique « trans-courants » créée en juin 2007 par Alain Soral. Son objectif est de rassembler les citoyens qui font de la Nation le cadre déterminant de l’action politique et de la politique sociale un fondement de la Fraternité, composante essentielle de l’unité nationale.Nous nous réclamons de « la gauche du travail et de la droite des valeurs » contre le système composé de la gauche bobo-libertaire et de la droite libérale.

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