Auteur(s) Lauriane Bernard, France-Soir Publié le 15 décembre 2023 – 13:29
Andreas Pfeiffer et l’un de ses avocats, Me Nancy Risacher.
L.B
FAITS DIVERS – Andreas Pfeiffer, professeur d’allemand, a refusé d’imposer le port du masque à ses élèves pendant l’épidémie de Covid, par souci de santé. Son engagement sur les questions sanitaires continue de lui coûter cher et de déclencher une série de mesures disciplinaires à son encontre. Retour sur le parcours de cet enseignant depuis décembre 2021.
D’origine allemande, Andreas Pfeiffer enseigne sa langue maternelle au sein de l’Education nationale française depuis plus de 30 ans. Il a été professeur au lycée Claude-Gellée à Épinal, dans les Vosges, pendant dix ans. De 2021 à 2023, cet enseignant a subi une succession de mesures disciplinaires, allant de la mise à pied à la mutation.
Le 6 décembre 2021, sa direction l’interpelle et exige son départ sur-le-champ. Il est mis à pied pour ses positions sur le port du masque et pour avoir discuté de la vaccination en classe. Car, en lisant les travaux des époux Nicole et Gérard Délépine, le professeur d’allemand dit avoir eu un “déclic”.
Un courrier adressé au recteur de l’académie
Peu avant la rentrée scolaire de l’année 2021, Andreas Pfeiffer écrit un courrier au recteur de l’académie de Nancy-Metz. Il le prévient qu’il n’exécutera aucun ordre du protocole sanitaire instauré dans les écoles. Et précise que si les établissements scolaires « se transforment en vaccinodrome », il n’hésitera pas à porter plainte et à se mettre en lien avec la presse.
Sans attendre, le rectorat le convoque pour tenter de le faire rentrer dans le droit chemin. L’enseignant essaye d’engager un dialogue. Peine perdue. Il ne change pas d’attitude pour autant, ce qui n’est pas du goût de trois parents d’élèves et d’une de ses collègues, qui se plaignent auprès du directeur du lycée. Il est mis à pied par sa hiérarchie en décembre 2021, avant de se présenter devant le conseil de discipline le 14 mars 2022.
Andreas Pfeiffer se défend pourtant d’avoir organisé tout débat au sein de ses classes. “Les élèves de lycée posent simplement des questions”, explique-t-il. Au sujet du port du masque, il leur a laissé le choix de le porter ou pas. “Ceux qui voulaient le garder le pouvaient, et même en ajouter un de plus !”, ironise-il avant d’ajouter : “Je les ai seulement invités à se documenter à propos de la vaccination. En revanche, je leur ai clairement dit ne pas vouloir participer à leur maltraitance”.
3 mois d’exclusion sans salaire, dont 2 mois avec sursis
Andreas Pfeiffer revient au lycée Claude-Gellée en avril 2022, avant que le verdict du conseil disciplinaire ne soit tombé. C’est pour lui le début d’un harcèlement qu’il décrit comme “permanent”. À sa grande surprise, il découvre qu’il est constamment surveillé par un inspecteur. Il peut voir un bandeau lumineux qui affiche : “Vous êtes en cours d’inspection”, lorsqu’il allume son ordinateur. Puis, en mai, on lui supprime l’ensemble de ses projets pédagogiques : sport ou classes de section européenne. “Cela m’a beaucoup atteint, tout le monde savait à quel point je suis attaché à ces projets”, avoue-t-il. Il finit par porter plainte pour harcèlement moral contre sa direction en juin 2022.
Mais ses ennuis ne s’arrêtent pas. Pendant l’été, le couperet tombe : le rectorat le condamne à trois mois d’exclusion sans salaire, dont deux avec sursis. Il ne sera pas présent à la rentrée des classes. “Cette succession de mesures est anti-pédagogique. Les élèves ne peuvent pas bénéficier de continuité dans l’enseignement. Ils ont besoin de se sentir en confiance avec leur enseignant pour apprendre correctement”, nous confie-t-il, attristé.
Devant le conseil de discipline à nouveau
Le professeur d’allemand connaît ensuite quelques mois de répit, mais très vite, en avril 2023, il reçoit un nouveau courrier du rectorat. Il est convoqué à un second conseil de discipline. Durant une audience de cinq heures, on lui reproche cette fois d’avoir eu un impact négatif sur le bon fonctionnement de l’établissement, en manquant notamment à son obligation de réserve.
Il est accusé, entre autres, d’avoir manifesté publiquement son opposition aux règles sanitaires. On lui reproche également d’avoir glissé des documents de propagande anti-masques dans les casiers de deux collègues. Le document en question est en fait un mémoire qu’a déposé Maître Claire Murillo auprès de la Cour européenne des droits de l’homme en novembre 2021. Le texte de cet avocat conteste la légalité de l’obligation du port du masque pour les enfants en argumentant qu’il est dangereux pour leur santé. “Je voulais engager le dialogue avec mes collègues en leur transmettant ce document”, explique M. Pfeiffer.
Une mutation à 80 km de son domicile
En juillet 2023, il apprend qu’il est muté dans un collège situé à Bénaménil, en Meurthe-et-Moselle, à 80 kilomètres de chez lui. “Pour un professeur, passer d’un lycée à un collège s’apparente à une rétrogradation. Et puis, avec des élèves plus jeunes, on ne débat pas”, dit-t-il. Cependant, il salue le bon accueil que lui ont réservé ses nouveaux collègues, qu’il n’a néanmoins pas eu l’occasion de fréquenter bien longtemps.
Car dès le 4 octobre 2023, alors qu’Andreas Pfeiffer vient à peine de prendre ses nouvelles fonctions, le rectorat décide d’annuler son sursis. En clair, il est à nouveau exclu sans salaire jusqu’au 4 décembre. Une mesure incompréhensible, d’autant plus que la rentrée scolaire s’est effectuée dans un contexte de pénurie d’enseignants. C’en est trop pour lui. Avec ses deux avocats, Me Nancy Risacher et Me David Guyon, il saisit en référé le tribunal administratif de Nancy contre cette nouvelle sanction disciplinaire. La juridiction administrative ne lui donne pas gain de cause le 10 novembre dernier. Par ailleurs, il a entamé un recours contre sa mutation en Meurthe-et-Moselle. Il continue cependant à se montrer optimiste et confiant.
L’apprentissage des élèves n’est pas respecté
Reste que son plus grand regret dans toute cette série de sanctions, c’est le manque de considération et respect à l’égard de ses élèves qu’il déplore le plus. “J’ai toujours essayé, lors de mes différentes convocations au rectorat, de parler du bien-être, de l’épanouissement et de la sécurité des enfants”, explique-t-il. Pour Andreas Pfeiffer, ce n’est pas le cas de l’Education nationale, qui a décidé de tout pendant la crise Covid, sans jamais donner la parole aux adolescents.
Le professeur d’allemand a repris le chemin de l’école le 4 décembre, auprès d’élèves qui ne le connaissent pas. Ses cours ont depuis la rentrée été dispensés par un autre enseignant, et le risque que le rectorat le suspende à nouveau n’est pas exclu. D’après M. Pfeiffer, “les collégiens de Bénaménil ne comprennent pas trop qu’on puisse changer de professeur comme on change de pneus de voiture entre l’été et l’hiver”.
Les élèves du lycée Claude-Gellée ont exprimé leur gratitude à leur ancien enseignant pour son engagement, et manifesté leur profond attachement. Nous avons laissé la syntaxe et l’orthographe (parfois approximatives !) d’origine de ces petites lettres de soutien…
Bonjour Monsieur,
Je souhaitais vous dire que ces trois années où vous avez été mon professeur d’allemand m’a permis de renouer avec la langue allemande et de prendre plaisir à l’étudier. Je voulais vous remerciez pour vos cours qui étaient toujours intéressants et votre bonne humeur va nous manquer à tous. Votre départ inattendu m’attriste énormément. Merci d’avoir été le meilleur professeur d’allemand que j’ai eu et je vous souhaite une bonne chance et bonne continuation.Mit meinen besten Wünschen !
C.Bonjour monsieur, on espère que vous allez bien.
on se demande si vous reviendrez un jour une fois que l’on aurait plus l’obligation de porter les masques car vous nous manquez beaucoup.
J.Bonjour monsieur, je vous envoie ce message pour vous montrer tout mon soutien. Vous êtes un professeur incroyable et j’ai adoré vous avoir pendant ces années de lycée. Je me demandais si votre suspension était définitive ? Je ne l’espère pas, je ne me verrais pas faire allemand avec un autre professeur que vous. Je vous apprécie énormément et vous êtes l’un des meilleurs professeurs que je n’ai jamais eus. Bon courage, vous allez beaucoup me manquer. J’espère à bientôt.
Cordialement, W.
Bonjour monsieur,
J’ai appris la nouvelle. Je tenais à vous remercier pour ces 3 magnifiques années passées ensemble, vous avez su nous donner envie d’étudier l’allemand. Vos cours nous on permis d’apprendre l’allemand sans en avoir l’impression grâce a votre envie de nous enseigner l’allemand toujours dans la bonne humeur. Grâce à vous j’ai passé la certification allemande, ce qui est quelque chose que je ne pensais jamais pouvoir réussir mais vous m’avez encourager dans cette étape. Je voulais aussi vous remercier pour votre implication, vous nous avez toujours proposé des conférences, des spectacles qui nous on permis de nous ouvrir à différents sujets.
Ich wünsche dir alles Gute für die Zukunft.
M.
Source : France Soir
Note de la Rédaction de Profession-Gendarme :
Mentionnons que le 20 décembre 2021 nous avons déjà publié : Interview d’Andreas Pfeiffer : suspendu pour avoir laissé le choix à ses élèves / SPMF
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