C’est l’histoire d’un chanteur que l’on dit en quête de notoriété devenu prophète autoproclamé. Claude Vorilhon, surnommé le « petit Jacques Brel », passionné de voitures de courses, prétend avoir fait une rencontre du troisième type. Le 13 décembre 1973, les « Elohim », ces extraterrestres venus à lui, lui confient un message : ils sont à l’origine de la vie sur Terre.
« C’est un mouvement qui se caractérise vraiment par sa capacité à faire parler de lui, à utiliser les médias, note Rudy Reichstadt. Le mouvement revendique 100 000 adhérents et serait présent dans 120 pays. La personnalité de Claude Vorilhon est centrale selon lui : « Claude Vorilhon est né le 30 septembre 1946 à Vichy, il est à la fois prophète et Messie, il exige qu’on l’appelle ‘Mon prophète Bien-Aimé’ ou bien ‘Sa Sainteté Raël’. Sa mère aurait été ‘abductée’, inséminée artificiellement par les extraterrestres puis renvoyée sur Terre. »
Ce mouvement est identifié comme secte en France depuis 1995, et « prône un ‘gouvernement mondial’ organisé autour d’un nouveau système qu’il appelle la ‘géniocratie’, un système politique qui doit se substituer à la démocratie », explique Rudy Reichstadt. Raël « dit qu’il faut supprimer les élections et les votes et réserver le droit de vote à l’élite intellectuelle », qui serait désignée par des tests de quotient intellectuel. Cette mouvance prône aussi « la médiation sexuelle », note Tristan Mendès France.
Le mouvement sectaire organise ce qu’il appelle des « stages d’éveil ». Etienne Jacob, journaliste au Figaro, auteur du livre Enquête sur La Famille, une mystérieuse communauté religieuse (éditions Rocher), a enquêté sur la secte Raël. En 2022, il a infiltré sous une fausse identité l’un de ces stages pendant une semaine. « L’idée de ce stage était l’éveil de la conscience à travers des méditations, explique-t-il, avec des cours théoriques enseignés par divers enseignants qui sont finalement des adeptes un peu chevronnés. » Le journaliste se souvient de l’un des premiers cours qui consistait à « nous éduquer à comment déceler une information objective. Et en fait, c’était plutôt un cours à la désinformation en nous donnant des sources à croire et plutôt à se méfier de tout. Se méfier de tout, avoir un esprit critique, pourquoi pas, mais les sources qui étaient données par les raéliens n’étaient pas forcément les bonnes. »
« L’un des points d’orgue du stage était une visioconférence avec Claude Vorilhon, actuellement au Japon, où il nous a déroulé un discours conspirationniste hyper prononcé, avec cette idée qu’aujourd’hui dans notre société, on nous fait trop penser. Et ça, c’est quand même le début justement d’ouvrir son cerveau à l’emprise, à la manipulation dont on va être victime. »
Etienne Jacob, journaliste au Figaro
« Dans ce genre de mouvement, on retrouve énormément de personnes qui gravitent dans cet écosystème conspirationniste, poursuit le journaliste. Et c’est vrai que tous ne touchent pas uniquement au mouvement raélien. J’ai été dans un bungalow avec un groupe de crudivores qui était sous la coupe d’Irène Grosjean, la papesse du « manger cru » et dont la Miviludes a, à plusieurs reprises, constaté les dérives sectaires (…) Et cet écosystème là, il fait un petit peu peur parce qu’on a l’impression que les personnes sont enfermées dans cette boucle-là. »
« L’idée, ce n’est pas seulement de travailler la pensée, c’est aussi de travailler les corps, note Tristan Mendès France. Il y a peu de surprises que ces passerelles se tissent dans tout l’univers du bien-être, des santés alternatives. »
« Les dérives sectaires et complotistes du mouvement raëlien », c’est le 58e épisode de Complorama avec Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, et Tristan Mendès France, maître de conférence et membre de l’observatoire du conspirationnisme, spécialiste des cultures numériques. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l’application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.