Et qui fut trahie par son parti
Décédée le 29 novembre des suites d’une crise cardiaque, la femme qui tenait tête aux lobbies est un exemple de résistance constructive.
Le 29 novembre 2023 la députée européenne Michèle Rivasi s’est éteinte des suites d’une crise cardiaque. Une partie de la presse et de la classe politique française et européenne a salué le courage de cette femme hors du commun. Cette infatigable ennemie des lobbies s’opposait aux géants du nucléaire et aux industries pharmaceutiques et agrochimiques. Elle ne manquait pas non plus de dénoncer la corruption et le manque de transparence au sein même des institutions politiques. Mais ce sont sans nul doute les questions autour de la vaccination qui lui valurent les moments les plus difficiles de sa carrière. Hommage à une femme qui resta debout contre vents et marées.
Dérangeante, mais admirée
La députée écologiste Michèle Rivasi était sans doute une des voix les plus critiques au sein du Parlement européen. Femme de cœur et d’action, elle était redoutée pour ses interventions embarrassantes, mais aussi admirée par ses collègues moins téméraires. David Cormand, eurodéputé du même groupe:
Nous étions toutes et tous profondément attachés à Michèle et, pour beaucoup d’entre nous, plus encore depuis que nous la côtoyions au Parlement européen. On ne peut en vérité qu’être amoureux de Michèle car tout en elle inspire la convivialité, l’accessibilité, l’authenticité. Même dans ses coups de gueule, sa franchise intransigeante et bienveillante l’emportait sur tout le reste.
Le magazine européen Politico rappelle sa vaillance au sein de l’arène parlementaire :
La législatrice européenne était une présence combative au Parlement, elle pouvait être féroce pour ceux qui subissaient le poids de ses contre-interrogatoires, par exemple lors des sessions de la commission du contrôle budgétaire à laquelle elle siégeait.
Même ton pour Euractiv, un autre site de référence sur la politique européenne : c’est “la législatrice à la tête du Pfizergate” qui s’en est allée, titre le magazine en ligne, en se référant à son combat contre les privilèges léonins accordés au fabricant des vaccins Covid.
Biologiste de formation, cette élue de la Drôme était une véritable militante de l’écologie, une femme de terrain, mais aussi d’idéal. Elle s’était battue aux côté de Greenpeace à l’époque du Rainbow Warrior et avait créé une commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité suite à la catastrophe de Tchernobyl en 1986.
Après son élection au Parlement européen en 2009, elle avait mené le combat contre le traité Mercosur entre l’UE et les pays d’Amérique du Sud et avait entamé une lutte féroce contre l’utilisation des pesticides et des produits toxiques dans l’environnement et la santé. Lors de mandats suivants, elle avait par exemple invité Robert F. Kennedy Jr, actuel candidat à la présidence américaine, à dénoncer les méfaits du glyphosate devant une commission du parlement, suite à sa victoire retentissante dans le procès contre Monsanto.
Seule contre tous
Habituée à lutter contre Big Pharma, notamment sur la question du prix des médicaments, Michèle Rivasi ne pouvait imaginer l’enfer qui l’attendait en abordant le sujet de la sûreté des vaccins. En février 2017, en pleine campagne présidentielle, avec un gouvernement qui serait appelé à trancher la question de l’extension des obligations vaccinales en France, Michèle Rivasi eut l’audace d’organiser un débat sur la sûreté des vaccins au Parlement européen.
Avec près de 40% des français qui hésitaient à se faire vacciner et 2 millions de personnes ayant signé des pétitions contre les obligations vaccinales et les adjuvants à l’aluminium, l’événement promettait de bousculer. D’autant que les intervenants comptaient des poids lourds comme le professeur Luc Montagnier et le Dr Andy Wakefield qui exposaient des fraudes scientifiques majeures, et le duo Antonietta Gatti et Stefano Montanari, experts en nanoparticules auprès de la Commission européenne. Mais surtout, il était prévu de projeter la première européenne du film “Vaxxed: de la dissimulation à la catastrophe” devant les eurodéputés. En somme, il y avait de quoi ébranler tout l’édifice de la vaccination et faire trembler le parlement.
Résultat: ce fut un véritable ouragan qui se déchaîna contre la députée pour l’empêcher de tenir ce débat. Sous la pression du président du Parlement, de ministres de la santé européens et des lobbys pharmaceutiques, son propre groupe politique se retourna contre elle et lui intima d’annuler l’événement. Mais, bien que la salle lui fut retirée de force, elle refusa de plier. Le débat dont l’organisation fut épique, eut finalement lieu dans une salle privée à Bruxelles, car les coorganisateurs avaient prévu de projeter le film en soirée pour le grand public.
La vaillante Rivasi garda le cap contre vents et marées, mais elle en paya le prix fort. La ministre de la santé Agnès Buzyn l’accusa de “diffuser le maximum de fake news en Europe sur les vaccins” et mit une pression constante sur sa personne et son parti qui s’en tira en jouant double jeu. Il profita de la popularité de Rivasi auprès des critiques de la vaccination, mais poursuivit en réalité une politique ultra-vaccinaliste sous la conduite de Yannick Jadot. Selon des proches, on obligea également Rivasi à fortement modérer son discours sur la vaccination lors des élections suivantes.
Elle dut tempérer le ton à cette occasion mais ne baissa pas les bras par la suite. Durant toute la crise Covid, Michèle Rivasi fut une des rares eurodéputées de gauche à lourdement critiquer la gestion de la crise sanitaire. Qu’il s’agisse de la suppression de la loi sur les OGM pour les vaccins, de la violation des libertés citoyennes avec le passe sanitaire ou des abus liés aux contrats vaccins, la député s’avéra le fer de lance dans la bataille contre les dérives de la Commission.
Un tweet qu’elle avait partagé le 3 octobre 2023, rappelle un de ses fameux “coups de gueule en plénière”.
Une source d’inspiration
Michèle Rivasi restera dans les mémoires comme une héroïne dans la lutte pour le maintien de la démocratie. Ces dernières années, elle est apparue dans plusieurs documentaires indépendants, notamment “La loi, la liberté” qui donnait la parole à cette “rare députée européenne gardant son franc-parler”.
Consciente du manque d’éthique de la classe politique, elle aimait aussi évoquer les exemples vertueux et les solutions d’avenir, car elle gardait l’espoir de renouer le lien entre les citoyens et le politique.
Comme l’a déclaré son équipe dans le communiqué de presse annonçant son décès :
La disparition de Michele Rivasi est une perte immense pour l’écologie politique, la démocratie européenne, et pour toutes celles et ceux qui ont eu le privilège de la connaître et de travailler à ses côtés. Ses collègues et son équipe saluent son courage, son intégrité et sa proximité avec les gens. Ses qualités de cœur, jusqu’au bout.
Au-delà des éloges, son exemple servira-t-il à inspirer l’action de ses admirateurs? Sa ténacité manquera dans les combats démocratiques à mener d’urgence à l’OMS et dans les institutions européennes. Mais, en attendant des temps propices, c’est un climat empli de sympathie, d’émotion et de nostalgie qui marque déjà le départ de cette grande dame.
Source : La Lettre de Senta
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