Par Ramzy Baroud et Romana Rubeo – Le 20 novembre 2023 – Source Antiwar
Le samedi 11 novembre, le porte-parole militaire israélien Daniel Hagari a affirmé lors d’une conférence de presse qu’Israël avait tué un “terroriste” qui avait empêché un millier de civils de s’échapper de l’hôpital Shifa.
Ces allégations n’ont guère de sens. Même selon les critères de la propagande israélienne, la falsification d’un tel élément d’information, sans contexte ni preuve, contribue à la détérioration de la crédibilité d’Israël dans les médias internationaux et de son image dans le monde.
La veille, un fonctionnaire américain anonyme a été cité par CNN comme ayant déclaré, dans un câble diplomatique, que “nous sommes en train de perdre gravement dans l’espace de bataille médiatique“.
Le diplomate faisait référence à la réputation américaine au Moyen-Orient – en fait, dans le monde entier – qui est aujourd’hui en lambeaux en raison du soutien aveugle des États-Unis à Israël.
Ce déficit de crédibilité peut être constaté en Israël même. Non seulement le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu perd de sa crédibilité auprès des Israéliens, selon divers sondages d’opinion, mais l’ensemble de l’establishment politique israélien semble également perdre la confiance des Israéliens ordinaires.
Une plaisanterie courante parmi les Palestiniens ces jours-ci est que les dirigeants israéliens imitent les dirigeants arabes des précédentes guerres israélo-arabes, en termes de langage, de victoires factices et de gains non fondés sur le front militaire.
Par exemple, alors qu’Israël repoussait rapidement les armées arabes sur tous les fronts en juin 1967, avec le soutien total des États-Unis et de l’Occident, les dirigeants des armées arabes déclaraient à la radio qu’ils étaient arrivés aux “portes de Tel-Aviv“.
Les rôles semblent s’être inversés. Abu Obeida et Abu Hamza, porte-parole militaires des Brigades Al-Qassam et des Brigades Al-Quds respectivement, fournissent des comptes rendus très précis de la nature de la bataille et des pertes subies par les forces militaires israéliennes dans leurs déclarations régulières et très attendues.
L’armée israélienne, quant à elle, parle de victoires imminentes, de l’assassinat de “terroristes” anonymes et de la destruction d’innombrables tunnels, tout en fournissant rarement des preuves. La seule “preuve” fournie est le ciblage intentionnel d’hôpitaux, d’écoles et d’habitations civiles.
Et si les déclarations d’Abu Obeida sont presque toujours suivies de vidéos bien produites, attestant de la destruction systématique de chars israéliens, aucun document de ce type ne vient étayer les affirmations de l’armée israélienne.
Mais la question de la crédibilité israélienne, ou plutôt du manque de crédibilité, ne se pose pas seulement sur le champ de bataille.
Dès le premier jour de la guerre, des médecins palestiniens, des membres de la défense civile, des journalistes, des blogueurs et même des gens ordinaires ont filmé ou enregistré chaque crime de guerre israélien partout dans la bande de Gaza assiégée. Et malgré la coupure continue de l’internet et de l’électricité à Gaza par l’armée israélienne, les Palestiniens ont réussi à suivre tous les aspects du génocide israélien en cours.
La précision du récit palestinien a même contraint les responsables américains, qui doutaient initialement des chiffres palestiniens, à admettre finalement que les Palestiniens disaient la vérité.
Barbara Leaf, secrétaire d’État adjointe aux affaires du Proche-Orient, a déclaré le 9 novembre à un groupe d’experts de la Chambre des représentants des États-Unis que le nombre de personnes tuées par Israël au cours de la guerre était probablement “plus élevé que ce qui est cité“.
En effet, chaque jour, Israël perd de sa crédibilité au point que les premiers mensonges israéliens sur ce qui s’est passé le 7 octobre se sont finalement révélés désastreux pour l’image globale et la crédibilité d’Israël sur la scène internationale.
Dans l’euphorie de la diabolisation de la Résistance palestinienne – pour justifier le génocide israélien à venir à Gaza – le gouvernement et l’armée israéliens, puis les journalistes et même les gens ordinaires, ont tous été recrutés dans une campagne de hasbara sans précédent visant à dépeindre les Palestiniens comme des “animaux humains” – selon les mots du ministre israélien de la Défense Yoav Gallant.
Dans les heures qui ont suivi les événements et avant toute enquête, Netanyahou a parlé de “bébés décapités“, prétendument mutilés par la Résistance ; Gallant a affirmé que “des jeunes filles ont été violées violemment” ; même l’ancien grand rabbin de l’armée, Israel Weiss, a déclaré avoir “vu une femme enceinte dont le ventre avait été déchiré et le bébé découpé“.
Même le président israélien Isaac Herzog, prétendument “modéré“, a fait des déclarations ridicules sur la BBC le 12 novembre. Interrogé sur les frappes aériennes israéliennes à Gaza, il a affirmé que le livre Mein Kampf, écrit par Adolf Hitler en 1925, avait été trouvé “dans la chambre d’un enfant” dans le nord de Gaza.
Et, bien sûr, il y a eu les références répétées aux drapeaux d’ISIS qui, pour une raison quelconque, auraient été portés par les combattants du Hamas lorsqu’ils sont entrés dans le sud d’Israël le 7 octobre, parmi d’autres contes de fées.
Le fait qu’ISIS soit un ennemi juré du Hamas et que le Mouvement palestinien ait fait tout ce qui était en son pouvoir pour éradiquer toute possibilité pour qu’ISIS d’étendre ses racines dans la bande de Gaza assiégée semble sans importance pour la propagande désordonnée d’Israël.
Comme on pouvait s’y attendre, les médias israéliens, américains et européens ont répété l’affirmation du lien entre le Hamas et ISIS, sans discussion rationnelle ni vérification minimale des faits.
Mais avec le temps, les mensonges israéliens n’ont plus résisté à la pression de la vérité émanant de Gaza, documentant chaque atrocité et chaque bataille, et obscurcissant toutes les allégations israéliennes montées en épingle.
L’attaque de l’hôpital baptiste Al-Ahli, dans la ville de Gaza, le 17 octobre, a peut-être marqué un tournant dans la série ininterrompue de mensonges israéliens. Bien que de nombreuses personnes aient adopté, et défendent encore malheureusement, le mensonge israélien selon lequel une roquette de la Résistance est tombée sur l’hôpital, le caractère sanglant de ce massacre, qui a fait des centaines de morts, a été, pour beaucoup, un signal d’alarme.
L’une des nombreuses questions soulevées à la suite du massacre de l’hôpital baptiste est la suivante : Si Israël était effectivement honnête dans sa version des faits concernant ce qui s’est passé à l’hôpital, pourquoi a-t-il bombardé tous les autres hôpitaux de Gaza et continue-t-il à le faire depuis des semaines ?
Il y a des raisons pour lesquelles la propagande israélienne n’est plus en mesure d’influencer efficacement l’opinion publique, même si les médias grand public continuent de se ranger du côté d’Israël, même lorsque ce dernier commet un génocide.
Tout d’abord, les Palestiniens et leurs sympathisants ont réussi à “annuler” Israël en utilisant les médias sociaux, ce qui, pour la première fois, a eu raison des campagnes de propagande organisées, souvent conçues pour le compte d’Israël, dans les médias d’entreprise.
Une analyse du contenu en ligne sur les plateformes de médias sociaux les plus populaires a été menée par la plateforme israélienne de marketing d’influence, Humanz. L’étude, publiée en novembre, admet que “si 7,39 milliards de posts avec des tags pro-israéliens ont été publiés sur Instagram et TikTok le mois dernier, au cours de la même période, 109,61 milliards de posts avec des tags pro-palestiniens ont été publiés sur les plateformes.” Cela signifie, selon l’entreprise, que les points de vue pro-palestiniens sont 15 fois plus populaires que les points de vue pro-israéliens.
Deuxièmement, les médias indépendants, palestiniens et autres, ont offert des alternatives à ceux qui cherchaient une version des événements différente de celle qui se déroule à Gaza.
Un seul journaliste palestinien indépendant à Gaza, Motaz Azaiza, a réussi à acquérir plus de 14 millions de followers sur Instagram en l’espace d’un mois grâce à ses reportages sur le terrain.
Troisièmement, l’”attaque surprise” du 7 octobre a privé Israël de l’initiative, non seulement en ce qui concerne la guerre elle-même, mais aussi la justification de la guerre. En effet, leur guerre génocidaire contre Gaza n’a pas d’objectifs spécifiques, mais n’a pas non plus de campagne médiatique précise pour défendre ou rationaliser ces objectifs non spécifiés. Par conséquent, le récit médiatique israélien semble déconnecté, désordonné et, parfois, autodestructeur.
Enfin, la brutalité même du génocide israélien à Gaza. Si l’on juxtapose les mensonges des médias israéliens aux horribles crimes israéliens commis à Gaza, on ne trouvera aucune logique plausible qui puisse justifier de manière convaincante le meurtre de masse, le déplacement, la famine et le génocide d’une population sans défense.
Jamais la propagande israélienne n’a échoué de manière aussi stupéfiante et jamais les grands médias n’ont réussi à protéger Israël de la colère mondiale – en fait, de la haine bouillonnante – à l’égard de l’horrible régime d’apartheid d’Israël. Les répercussions de tout cela auront très certainement un impact sur la façon dont l’histoire se souviendra de la guerre israélienne contre Gaza, qui a, jusqu’à présent, tué et blessé des dizaines de milliers de civils innocents.
Une génération entière, si ce n’est plus, a déjà construit une perception d’Israël comme étant un régime génocidaire et aucun mensonge futur, film hollywoodien ou article du magazine Maxim ne pourra jamais l’atténuer.
Plus important encore, cette nouvelle perception devrait obliger les gens à réexaminer non seulement leur vision du présent et de l’avenir d’Israël, mais aussi celle du passé – le fondement même du régime sioniste, lui-même fondé sur rien d’autre que des mensonges.
Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef de The Palestine Chronicle.
Romana Rubeo est une écrivaine italienne et la rédactrice en chef de The Palestine Chronicle.
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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