Cette lettre a été rédigée par l’ex-conseiller municipal et agriculteur de Sainte-Croix (MRC de Lotbinière), Jean-Pierre Ducruc de la Coalition Vent d’élus. Les autres signataires sont à la fin de l’article.
Aujourd’hui, les Québécois ne veulent pas seulement être consultés pour des projets prévus se développer dans leur milieu de vie : ils veulent avoir leur mot à dire avant d’accepter de tels projets qui risquent d’impacter leur qualité de vie surtout quand, dès le départ, ces projets soulèvent leur lot d’inquiétudes. C’est bien ce qui se passe actuellement avec le développement tous azimuts de la filière éolienne en milieu agricole dans lequel promoteurs et experts, sûrs de leur expertise, jugent que ces inquiétudes ne sont pas fondées. Cacher des informations avec l’appui tacite des élus locaux n’arrange en rien la situation. Pourtant, la Loi sur le développement durable du gouvernement du Québec adoptée en 2006 plaçait cette exigence au cœur de ses préoccupations.
La loi sur le développement durable
Adoptée en 2006, la Loi sur le développement durable place l’acceptabilité sociale au cœur du débat politique pour tout projet d’envergure au Québec, car sans consensus social, on ne saurait parler de développement durable. La stratégie gouvernementale de développement durable 2023-2028, adoptée le 2 juin 2023, confirme cette nécessité dans son orientation 3 : Favoriser la participation de tous au développement durable du Québec. Le développement durable renvoie à un ensemble de valeurs duquel découlent plusieurs principes : le gouvernement du Québec en reconnait 16. Ces principes sont des orientations fondamentales qui devraient guider toute action qui s’inscrit dans le développement durable. Voici les cinq incontournables :
• L’approche intégrée : prendre en compte l’ensemble des dimensions
L’approche intégrée consiste à considérer tous les aspects économiques, environnementaux et sociaux dans la prise de décision. Cela signifie qu’il est nécessaire d’analyser les impacts potentiels d’un projet ou d’une politique dans tous ces domaines.
• La participation citoyenne : impliquer les acteurs concernés
La participation citoyenne est essentielle pour garantir la prise en compte des besoins et des préoccupations de la société. Les citoyens, les organisations non gouvernementales, les entreprises et les gouvernements doivent travailler ensemble pour promouvoir une prise de décision démocratique.
• La responsabilité partagée : agir ensemble pour le bien commun
Le développement durable exige une responsabilité partagée entre gouvernements, entreprises, société civile et individus.
• La précaution : prévenir d’éventuels risques
Ce principe exige de prendre des mesures préventives surtout en absence de certitudes scientifiques. C’est une approche prudente pour protéger la santé des populations et de l’environnement.
• L’équité intergénérationnelle : préserver les opportunités pour les générations futures
Il est essentiel de prendre des décisions qui préservent l’environnement, font la promotion de l’équité sociale et économique tout en garantissant un avenir viable pour tous.
La politique énergétique (la transition énergétique)
La politique énergétique du Gouvernement du Québec vise à assurer la sécurité énergétique de la Province tout en maintenant une certaine efficience économique. Elle prend aussi en compte les contraintes environnementales (réchauffement climatique; perte de biodiversité). Elle exige donc :
• une consommation d’énergie économe qui passe par une réduction de la facture énergétique dans le respect des contraintes environnementales; et surtout
• quelle soit partagée et acceptée (supportée) par l’ensemble de la société (acceptabilité sociale), le seul garant de sa réussite.
En effet, l’énergie n’est pas une simple variable qui alimente un système technique, elle engage aussi des institutions (politiques, économiques, sociales) et des citoyens. C’est pourquoi le choix d’une source d’énergie est avant tout un choix de société. À ce titre, le cadre proposé et les objectifs poursuivis nous interpellent.
Le développement éolien au Québec
• Est-il un mode de développement économique respectueux de l’environnement? Est-il réellement efficace en consommation énergétique, en consommation de ressources, en regard des émissions de carbone. Est-il socialement inclusif?
• Serait-il plutôt un mode de développement qui, sous prétexte d’une économie verte, perpétue la croissance économique tout en considérant que l’environnement continuera de fournir les services écologiques sur lesquels repose notre bien-être?
Rappelons que le choix d’une source d’énergie est avant tout un choix de société! Force est de constater que la société québécoise fait les frais de la mise en place d’une énergie imposée le plus rapidement possible sans que nos dirigeants aient réellement étudié les rapports coûts/bénéfices ni mesuré, de manière indépendante, ses impacts cumulatifs sur notre santé, sur l’environnement, sur les valeurs du territoire. Pourtant ne risquons-nous pas, entre autres, de sacrifier un grand pan du territoire agricole, de perturber à long terme nos milieux de vie, de porter atteinte à la santé (la nôtre et celle des animaux) et à la biodiversité sous prétexte de les sauver?
L’acceptabilité sociale
Étant donné l’apparente unanimité des dirigeants (gouvernement du Québec, MRC, municipalités, Hydro-Québec) sur la nécessité de développer l’énergie éolienne au plus vite, il est difficile pour bien des citoyens, de s’y opposer ou même seulement de poser des questions sur sa pertinence, sur les coûts de son développement, sur la localisation des infrastructures ou sur les conséquences environnementales de son implantation. Tellement difficile que lorsque des questions viennent à être posées, elles le sont presque toujours du bout des lèvres!
Pourtant, Il n’y a pas que les citoyens touchés de près qui y perdent, mais bien l’ensemble des Québécois. Le territoire est maintenant occupé par des industriels qui ont acquis des droits pour des décennies afin d’y développer leur filière mais aussi afin de satisfaire l’appétit pécuniaire de leurs actionnaires. De plus, l’éolien va coûter cher aux citoyens du Québec car son développement est avant tout financé de plusieurs manières par l’État: par les actions accréditives et autres avantages fiscaux, par l’obligation de rachat de l’électricité à prix fixe (que l’éolien produise ou non) et par l’installation du système de raccordement de la production éolienne au réseau de distribution d’Hydro-Québec.
Mais, il y a plus! Le coût risque d’être encore plus important au niveau social car la mise en œuvre forcée du modèle de développement de cette filière oppose les citoyens entre-eux : d’un côté ceux qui veulent bénéficier des redevances et de l’autre ceux qui veulent protéger leur milieu de vie. Cela amènera des tensions dans les relations sociales pour de nombreuses années partout dans les territoires visés car, nulle part au Québec, personne n’aura plus la certitude que son droit à la qualité de vie sur ses terres sera respecté.
C’est pourquoi, l’acceptabilité sociale d’un tel projet est plus qu’une NÉCESSITÉ! Pour accepter un projet sur son territoire, la population s’attend à un jeu ouvert de la part des élus et des promoteurs : elle veut être respectée, elle veut être consultée, elle veut être écoutée, elle veut comprendre, elle veut conserver sa qualité de vie. Pour réussir, élus et promoteurs devront publier de l’information objective, organiser des séances d’information (pas des séances de promotion), rencontrer les résidents du secteur, écouter les commentaires, s’assurer que ces commentaires sont pris en compte, retourner consulter si nécessaire après que des modifications aient été apportées au projet initial, etc. Ce dialogue est incontournable à la compréhension des objections citoyennes et des contraintes mutuelles; le promoteur doit s’adapter au milieu et non l’inverse.
S’imaginer que l’acceptabilité sociale d’un projet puisse se résumer à une simple résolution d’appui d’une municipalité et d’une MRC, relève d’un affront à l’idée-même du développement durable. Hydro-Québec, le gouvernement, les MRC et les municipalités doivent retourner à la table à dessin s’ils souhaitent réellement partager les valeurs fondamentales d’une démocratie participative dans laquelle tout le monde aura la chance de partager ses réserves mais aussi ses convictions.
Jean-Pierre Ducruc, René St-Louis, Jules Bédard, Jean-Marie Fortin, Céline Dumas, Pierrette Lauzière, Diego Scalzo, Martin Vaudreuil, Pierre-Paul Leblanc, Pascale Boislard, Patrice Vaugeois, Sylvie Jean, Sylvain Pillenière, Rachel Fahlman, François Rousseau, Michel Veilleux, Marthe Tétreault, Dany Drolet, Myriam Normandin, Victor Laforce, Martine Bechtold, Denise Gendron, Stéphane Vincelette, Sylvain Laplante, Claude Charron, Yvon Bouvette, Christiane Bonneau, Normand Amesse
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