“ Un autre regard sur les femmes iraniennes ” aurait pu être un autre titre de l’article proposé par Isabel Florella.
De passage en Iran pour assister au Festival international des médias de Khorsheed, elle nous livre un témoignage sur les femmes iraniennes différents de celui auquel les médias grand public nous ont habitués. Témoignage qui rompt également avec le discours d’une certaine gauche qui croit avoir l’autorité de donner des leçons aux pays en mode résistance.
Organisé à Machhad dans le nord-est de l’Iran, le Festival a réuni une centaine de femmes journalistes de plus de 40 pays qui ont partagé leurs réflexions et leurs expériences sur des sujets rarement couverts par les grands médias. Invitée à ce forum, Isabel Florella, journaliste et analyste politique étasunienne indépendante, a publié cet article sur Tweeter, que j’ai traduit pour le partager avec les lecteurs de LGS.
Adnane Daoudi
Festival international des médias de Khorsheed et les femmes d’Iran
Le peuple iranien a été très accueillant envers moi et envers tous les invités du festival. Jusqu’à présent, j’ai vu un tas de choses sauf des femmes opprimées.
J’ »ai été tout simplement en contact avec une culture différente. Je ne suis pas religieuse. On peut être en désaccord avec les croyances des autres mais cela ne doit pas nous donner l’autorité de dicter à des pays souverains comment gérer leurs affaires, comme l’Occident le fait. C’est à la fois condescendant et cela relève d’une posture arrogante et impérialiste.
Les femmes en Iran sont parmi les femmes les plus franches, les plus perspicaces, les plus intelligentes et les plus heureuses que j’ai eu le plaisir de rencontrer. Dans les deux villes que j’ai visitées, je n’ai vu aucune femme persécutée ou subir des abus à cause du type d’habit qu’elle porte. Si les Iraniennes étaient traitées injustement, croyez-moi, elles ne se laisseraient pas faire.
Le Festival international des médias de Khorsheed était spécialement consacré aux femmes dans les médias. Pendant longtemps, trop de mes collègues féminines ont été exclues du dialogue, et l’Iran le reconnaît, pas dans le sens libéral occidental d’un “ féminisme ” superficiel mais dans le sens réel qui consiste à donner aux femmes le pouvoir au-delà de la sexualité, de l’apparence, et davantage axé sur l’économie, la connaissance, le leadership et la croissance dans la mesure où l’on considère les femmes comme les piliers de la société. Elles sont différentes des hommes, mais les différences sont considérées comme une force
Se concentrer sur le port du hijab est l’excuse utilisée par l’Occident pour se présenter comme le sauveur des “ femmes ”, alors qu’il n’est un secret pour personne que la guerre, les sanctions et leurs politiques interventionnistes font plus de mal aux femmes qu’aux autres franges de la société. Et si l’Occident voulait vraiment aider les femmes, il pourrait commencer par balayer devant sa porte.
Sur certains aspects, la situation des femmes en Iran est plus avancée. Les jeunes iraniennes, par exemple, sont très bien représentées dans l’enseignement supérieur. C’est indéniable. J’ai fait le même constat au Nicaragua, une autre « dictature brutale ».
Je n’ai pas encore eu l’occasion d’assister à un festival médiatique sur les femmes dans la sphère journalistique aux États-Unis. Dans ce pays, les voix des femmes semblent complètement inaudibles, même dans les médias indépendants et alternatifs.
Par ailleurs, la configuration d’un monde multipolaire était bien présente en Iran lors ce festival. De nombreuses voix d’Asie de l’Ouest, d’Asie du Sud-est et du Sud global se sont conjuguées pour échanger sur leurs expériences et partager leurs connaissances.
Pour ma part, j’ai prononcé un discours sur les thèmes des sanctions, sur mon expérience en Iran, sur les femmes dans les médias et sur l’histoire des opérations de changement de régime (« regime change ») orchestrées par les États-Unis. J’ai parlé de mon expérience dans divers pays que j’ai eu l’occasion de visiter et qui ont fait justement l’objet d’opération de « Regime change », notamment Cuba, le Venezuela, le Nicaragua, l’Iran et la Russie. Tous ces pays ont été dénigrés par les États-Unis et qualifiés de régimes brutaux. C’est bien sûr faux. L’Iran, entre autres, subit non seulement une menace militaire de l’Occident, des attaques brutales d’Israël et des sanctions invalidantes, mais fait l’objet également d’une guerre de propagande. La guerre hybride a causé d’immenses préjudices à l’Iran, mais elle a aussi eu comme effet de rendre les Iraniens plus déterminés et plus forts. Les femmes iraniennes jouent un rôle crucial pour contrecarrer cette propagande.
Alors, si j’ai un conseil à donner à mes amis de l’Ouest, je dirais « n’écoutez pas ceux qui disent que vous ne devriez pas vous rendre en Iran ou dans un pays X sous prétexte que c’est dangereux ou parce que le pays est dirigé par une dictature ». C’est tout simplement faux. C’est de la pure propagande pour nous enfumer et nous amener à soutenir les interventions impérialistes de l’Occident dans des pays dont nous devons haïr les dirigeants pour le bien de la “ démocratie ”.
Et comme je l’ai conseillé à propos de la Russie, j’encourage les gens à aller en Iran et se faire leur opinion par eux-mêmes.
Je vais dans les pays sur lesquels j’écris, et c’est pour une bonne raison : rien ne surpasse le reportage de terrain.
Florella Isabel, journaliste étasunienne indépendante
30 septembre 2023
Traduit de l’Anglais par Adnane Daoudi
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir