Déjà, en mars 2023, Rabat envoyait du lourd contre la Macronie : « Les relations ne sont ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée ».
Six mois plus tard, en deux frappes, le conflit diplomatique plus très latent entre la France et le Maroc est entré dans une phase violente, mais par le biais d’articles de presse.
Le premier sang versé est à mettre sur le compte de L’Express, qui a sorti un dossier entier sur (et même contre) le roi. Première salve, le 14 septembre 2023, avec un papier intitulé « Mohammed VI, un roi sous influence : l’enquête qui a fait paniquer le pouvoir marocain ». Difficile de faire plus clair. Seconde salve le 18, avec un vipérin « Mohammed VI, sa vie cachée en France : dîners, balades avec des boxeurs, services secrets », suivi de trois petits points. Autant dire une déclaration de guerre.
L’Express appartient à Patrick Drahi, via la filiale (d’Altice) SFR, et Drahi est réputé proche de Macron (un ONLI sera bientôt diffusé dans le Financement associatif de la Rédaction sur ce sujet brûlant). On laisse de côté l’article du 22 septembre intitulé « Mohammed VI et Emmanuel Macron : roi mystère face à hyper président », avec le chapeau suivant : « Entre le roi du Maroc et le président français, l’incompréhension perdure ». Là, on est dans l’échange à fleurets mouchetés. Dans « M6, un roi sous influence », on bascule dans le sale.
Sont dévoilées les fréquentations dangereuses de M6 avec les frères Azaitar.
L’Express, qui se protège derrière un article de The Economist, balance la vie dissolue du monarque, qui commence au moment de ses études :
Ensuite, vient la rencontre avec les deux frères, migrants marocains d’un village près de Cologne (Allemagne). Ils font dans la délinquance et le sport (MMA), dépouillent des clients de boîte de nuit, écopent de prison ferme. Mais ils sont des célébrités, et finissent par fréquenter RedOne qui les introduit auprès du roi. Ensuite, c’est la belle vie : yacht, jet, fête, luxe, drogue, un comportement vulgaire qui fait tâche dans le royaume.
Le roi, lui, s’éloigne en même temps du pouvoir et du Maroc, il passe la plupart de son temps – hors voyages – dans son château de Betz (Oise), son hôtel particulier du VIIe [1], et dans le Marais, à Paris.
Le vrai pouvoir est incarné par Abdellatif Hammouchi, patron des services secrets et Makhzen, qui tient en respect les journalistes, pratiquant couramment le chantage sexuel. Ça calme les curiosités.
L’article meurtrier se termine sur une menace à peine voilée de printemps arabe :
La réponse de la bergère à la bergère
Voilà pour le premier sang. On imagine l’émoi à Rabat, après cette publication dans un grand hebdo français. La réponse ne va pas tarder, sous la forme d’un article bien vachard publié sur le site le360.ma, évidemment marocain.
On commence dans le dithyrambique, avec une petite montée de fiel :
Qu’on se l’avoue : la France n’aura jamais eu un président de la République aussi beau gosse, aussi jeune et dynamique, aussi dans l’air du temps. C’est celui que l’on « surprend », samedi 4 mars dernier, une bière à la main, en train de faire la fête à Kinshasa, assistant à un concert de la célébrité congolaise Fally Ipupa et prolongeant, décontracté, la soirée dans les rues de la ville… à quelques heures de la grève intersyndicale contre la réforme des retraites en France.
L’attaque qui suit est plus pointue :
Dès qu’un public se présente, Emmanuel peut être sérieux, stoïque, en rogne, drôle… C’est à la demande et en fonction, tiens, de l’air du temps. Le fond est bien souvent relégué au second plan. Mais à vouloir être la chose et son contraire, et le tout « en même temps », le chef d’État français s’y perd. Au risque de trahir certains penchants, notamment homosexuels ? S’il est libre de ses choix, c’est surtout le fait qu’Emmanuel Macron ne les assume pas qui interpelle. D’autant que l’État profond français et ses relais médiatiques ne cessent de servir des leçons de morale en matière de transparence.
Après, c’est la litanie de l’entourage homosexuel du Président, : Séjourné, Gallet, Benalla. Et à propos de Benalla, on sent comme un parallèle avec les Azaitar.
Dans son livre « Présumé coupable », Vincent Crase, un des protagonistes de l’affaire, affirme qu’Alexandre Benalla avait un accès privilégié à la vie privée du président de la République, dont il connaît bien des détails le concernant, ainsi que son épouse. Benalla « connaît les goûts, les manies, les habitudes, les horaires du président comme sa façon de fonctionner. (…) Lorsque le couple veut organiser une sortie au théâtre ou au restaurant, il est à la manœuvre, avec des consignes de discrétion maximales. » Des propos qui ont été confirmés par une source proche de Macron, selon laquelle « Benalla vivait dans l’intimité du couple présidentiel » et « a donc eu à connaître des choses qui font qu’il avait un statut réel auprès du Président, bien supérieur à son statut sur le papier ».
L’estocade, c’est le parallèle entre une prétendue homosexualité qui ne serait pas assumée et l’action politique :
Ce manque de courage à assumer une orientation sexuelle aurait été anecdotique s’il ne révélait pas un trait de caractère récurrent dans l’action politique de Macron : l’incapacité d’assumer ses actes, la peur de faire face, le calcul, la procrastination, le fait d’enjamber les institutions comme le Parlement à coups de lois passées sans débats, en activant le 49-3, sans le risque de mener une bataille pour convaincre du bien-fondé d’une réforme.
Bref, « le chef d’État français ne prend pas le taureau par les cornes ». C’est signé Tarik Qattab, et ça se finit sur les oreilles et la queue :
Être en même temps « un peu homme, un peu femme » dans la vie privée peut comporter des agréments, mais en tant que président d’un État, cela dénote d’un défaut de virilité politique… préjudiciable à la France.
Un partout, balle au centre.
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Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation