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par le professeur Chems Eddine Chitour
«Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, s’il attrape la souris, c’est un bon chat». (Deng Xiaoping en 1961)
«Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais aucune pour laquelle je suis prêt à tuer» (Gandhi)
Résumé
L’Inde est un grand pays technologique et spatial. Il existe cependant une face sombre de cette civilisation de la sagesse plusieurs fois millénaire concernant les minorités culturelles et religieuses. La réunion du G20 en Inde n’a donné lieu à aucune avancée concernant les grands problèmes notamment les changements climatiques. Par contre c’est une réussite pour le premier ministre Narendra Modi qui a bonifié cet évènement et ceci à l’approche des élections générales en Inde en 2024. L’absence des deux présidents de la Chine et la Russie est un signe de divergence aux seins des BRICS et naturellement les pays du G7 font tout pour entretenir la discorde entre la Chine et l’Inde en attirant l’Inde dans leur giron.
C’est un fait, l’ambigüité de l’Inde qui fait le grand écart entre la vision de l’Occident qu’il courtise et les BRICS risque de provoquer la fracturation des BRICS dont on s’aperçoit qu’il n’y a pas d’idéologie si ce n’est le doux commerce. L’Inde a plus d’ambition ; Elle veut être reconnue comme une grande nation qui a vocation à siéger au Conseil de Sécurité. Le premier ministre fait la paix avec tout le monde. Il a même l’ambition de diriger le Sud Global. Ceci ne va pas sans grincement avec les autres membres des BRICS
Quelques chiffres sur le potentiel de l’Inde
«L’Inde est le pays le plus peuplé du monde, avec plus de 1,425 milliard d’habitants. La population indienne est l’une des plus jeunes de la planète : 40% des Indiens ont moins de 25 ans. L’Inde 5ème économie mondiale affiche une santé économique 9,1% de croissance en 2021 mais son PIB est le plus bas des pays du G20, avec 2 388 dollars par mois, bien loin derrière la Chine et ses 12 720 dollars, Selon le dernier classement sur le développement humain (IDH) établi par l’ONU, l’Inde pointe à la 132ème place sur 191. Le taux de chômage en Inde a atteint 8,3% en décembre 2023. Moins de 20% des femmes occupent ou cherchent un emploi. Le secteur informel représente encore plus de 80% des emplois».
Il faut ajouter la pollution atmosphérique, l’insalubrité, la surconsommation électrique, menaces environnementales, explosion du prix des loyers… 75% de l’électricité vient du charbon. Le troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre espère ainsi atteindre la neutralité carbone en 2070. Pour y parvenir, l’Inde veut installer une capacité de 500 GW de renouvelables d’ici à 2030 et mise en particulier sur des méga-parcs solaires. Puissance démographique, économique, culturelle, l’Inde est également une puissance militaire. Selon le rapport publié par Global Firepower, l’Inde se classe à la quatrième place des armées les plus puissantes au monde. Le gouvernement a décidé d’accroître de 13% son budget défense à 73 milliards de dollars. Le pays fait partie des neuf pays à détenir l’arme nucléaire. Selon le Stockholm International Peace Research Institute, New Delhi possède 156 ogives nucléaires, contre 355 pour la Chine, 5800 pour les États-Unis et 6 255 pour la Russie».[1]
La «Shining India» et l’Inde profonde
L’inde est un pays qui fascine, c’est le pays de Gandhi apôtre de la non-violence, de l’empereur Ankora tolérant en ce qui concerne les religions mais c’est aussi un pays décidé à jouer un rôle important ; C’est dit on la plus grande démocratie du monde. C’est aussi le pays des paradoxes : «L’Inde écrit Rémy Herrera est un pays-continent de plus d’un milliard deux cents millions d’habitants aujourd’hui (soit près de seize fois la population française) et de 3,2 millions de km2 (presque six fois la superficie de la France). Depuis quelques années, l’Inde est présentée comme un pays «émergent», Les taux de croissance élevés de ces pays au cours des dernières décennies leur ont permis d’alourdir le poids de leurs économies dans le système mondial et de gagner des places dans la hiérarchie établie par les organisations internationales. Les dirigeants du pays se convertissaient peu à peu au dogme (…) Le lent rapprochement avec les États-Unis, qui aboutit en 2004 au programme conjoint NSSP (Next Steps in Strategic Partnership, étapes à venir du partenariat stratégique), rompait avec les années de non-alignement autrefois défendu par Nehru – et plus encore avec la doctrine de la non-violence (Panch Shila) du mahatma Gandhi. Il s’inscrit dans une logique nouvelle de revendication d’une place mieux taillée aux ambitions du grand pays au sein du concert des grandes nations. L’Inde réclame ainsi un siège de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies elle a officialisé ses essais à vocation militaire depuis 1998. La fusée PSLV continue ses lancements de satellites. L’Inde a aujourd’hui le statut d’observateur dans l’Organisation de coopération de Shanghai».
«Bangalore, dont le parc informatique est réputé être la «Silicon Valley» indienne, accueillant IBM, Microsoft, Google, Yahoo et de rares privilégiés locaux, tous issus de l’élite ultra-qualifiée, reste pour l’immense majorité de ses habitants la «ville des haricots bouillis». Les inégalités ont en conséquence considérablement augmenté sous la poussée des politiques néolibérales mises en place en Inde depuis le début des années 1990. (…) le nombre d’enfants travailleurs en Inde 44 millions. (…) Dans le même temps, le classement des grandes fortunes de la planète établi par le magazine Forbes révélait, pour l’année 2008 parmi les dix personnalités les plus riches au monde, quatre étaient de nationalité indienne. La société indienne, capitaliste, demeure profondément divisée en castes, mais aussi en classes. Les quelque 200 millions de hors castes, dont les «intouchables», au bas de l’échelle sociale, sont les laissés pour compte de la récente croissance, sans que les grandes figures. Le mythe de la «Shining India» ne dépasse pas les limites des beaux quartiers de Mumbai (…)».[2]
L’Inde puissance technologique et spatiale
On connait la puissance technologique de l’Inde à propos de ses dizaines de milliers d’ingénieurs informaticiens. Les exportations de logiciels ont atteint les 12 milliards de dollars en 2004 d’après la National Association of Software (Nasscom) L’Inde a les compétences scientifiques et technologiques pour rivaliser avec les États-Unis, la Russie et la chine pour la conquête de l’espace. Signe des temps, quinze jours avant l’exploit indien la fusée russe s’est écrasée à l’alunissage. L’inde a réussi ainsi à faire décoller la dernière mission de son ambitieux programme spatial pour un voyage vers le centre du système solaire, une semaine après avoir réussi à poser un véhicule sans équipage près du pôle Sud de la Lune. La sonde Aditya-L1, «Soleil», a été lancée et une retransmission télévisée en direct a montré des centaines de spectateurs applaudissant à tout rompre dans le bruit assourdissant de l’ascension de la fusée. «Félicitations à nos scientifiques et ingénieurs», a déclaré le Premier ministre Narendra Modi sur X «Nos efforts scientifiques inlassables se poursuivront afin de développer une meilleure compréhension de l’Univers». La mission transporte des instruments scientifiques pour observer les couches extérieures du Soleil au cours d’un voyage de quatre mois. Le satellite d’étude est transporté par la fusée PSLV XL de 320 tonnes, conçue par l’ISRO. En 2014, l’Inde a été la première nation asiatique à avoir placé un engin en orbite autour de Mars.
«L’Inde n’a cessé d’égaler les réalisations des puissances spatiales établies pour une fraction de leur coût. Selon les experts, l’Inde parvient à maintenir des coûts bas en reproduisant et en adaptant la technologie spatiale existante à ses propres fins, notamment grâce au nombre important d’ingénieurs hautement qualifiés bien moins payés que leurs confrères étrangers. L’alunissage réussi – un exploit réalisé auparavant uniquement par la Russie, les États-Unis et la Chine – a coûté moins de 75 millions de dollars (70 millions d’euros). Ils ont couté moins cher que les films américains Interstellar et Seul sur Mars à 100 millions de $ «Le rover lunaire indien vient de clôturer sa mission sur la surface lunaire moins de deux semaines. Cette mise en veille du rover était donc prévue. L’atterrisseur sera également mis en veille. Les responsables de mission espèrent qu’ils pourront se réveiller sans encombre à la fin du mois pour entamer une nouvelle série de missions».[3]
Le Premier ministre indien s’est félicité de la puissance et de l’ingéniosité de l’Inde, quatrième nation à réussir à poser un engin spatial sur la Lune : «L’Inde est sur la Lune. Nous avons placé notre fierté nationale sur la Lune. Nous sommes allés là où personne n’était allé. Nous avons fait ce que personne n’avait jamais fait auparavant. C’est l’Inde d’aujourd’hui, l’Inde intrépide, l’Inde combattante». L’Inde a réussi mercredi 23 août à poser un vaisseau spatial sur la surface de la Lune. Un exploit jusqu’ici réalisé seulement par les États-Unis, la Russie et la Chine.
Quelques atouts scientifiques comme référence
L’Inde c’est aussi la science pure et la culture. Nous citons les quelques personnalités qui ont marqué la science et la culture mais aussi l’éthique de la non-violence : L’empereur Indien, Ashoka Le Grand Bon, qui a régné sur la quasi-totalité du continent Indien (dit l’Empire Mauryan) de 268 à 232 avant J.-C. Considéré comme l’un des plus grands empereurs de l’Inde, on dit qu’il a étendu le royaume de l’actuel Afghanistan au Bangladesh. On retient aussi de ce dirigeant qu’il traitait égalitairement toutes les religions, faisait beaucoup de dons, interdisait les sacrifices et la torture. Ensuite «Mahatma Gandhi ! Il est Considéré comme le «père de la Nation», cet avocat, nationaliste, anticolonialiste, militant politique, a utilisé la résistance non violente pour mener une campagne réussie pour l’Indépendance de l’Inde. Son nom inspire encore aujourd’hui de nombreux mouvements pacifistes et de résistance non violente dans le monde entier».
Citons aussi sans être exhaustif : «Rabindranath Tagore, né à Kolkata en 1861. Cet écrivain est surtout connu pour sa poésie et ses romans, qui a reçu le prix Nobel de littérature en 1913. Avul Pakir Jainulabdeen Abdul Kalam, ce scientifique est connu pour avoir été le 11ème président de l’Inde, de 2002 à 2007 et pour ses contributions au développement des programmes de missiles spatiaux indiens. Srinivasa Ramanujan est né à Erode en 1887. Ce mathématicien autodidacte de génie est connu pour ses contributions à la théorie des nombres et aux séries infinies mort à 33 ans».[5]
Citons enfin Boose le mathématicien et Amartya Sen l’économiste indien bien connu dans le monde avec le prix Nobel d’économie. Ses notions élaborées d’IDH sont reprises dans les Rapports sur le Développement humain du PNUD et de la Banque mondiale.
La dérive autoritaire de l’Inde : Le sort des musulmans indiens
Il existe cependant une face sombre de cette civilisation de la sagesse plusieurs fois millénaire. Un pays continent avec des dizaines de langues et de religions est par la force des choses amené certaines fois à des dérives autoritaires. Dans l’Inde du premier ministre Modi «Le nationalisme en Inde écrit l’épitaphe de l’expérience du pays avec la démocratie laïque multiethnique», estime The Guardian dans un éditorial du 24 avril. «Le parti de M. Modi a fait plier les institutions du pays au service de son idéologie. Cela a transformé, de facto, les minorités en citoyens de seconde zone». La suppression des libertés civiles de la plus importante minorité du monde, quelque 200 millions de musulmans. Dans l’État de l’Uttar Pradesh, dirigé par le moine hindou Adityanath, les mesures antimusulmanes se multiplient, la répression contre l’opposition s’accentue».
«Depuis plusieurs années déjà, le Premier ministre Narendra Modi s’en prend ouvertement aux musulmans indiens dans ses discours aux relents populistes. Après les avoir exclus de la naturalisation, il cherche désormais à gommer leur histoire dans les manuels scolaires. S’il ne fallait retenir qu’une citation «Cela devient toxique quand l’enseignement officiel ne produit pas l’harmonie mais le conflit». Dans son éditorial, The Hindu rappelle l’importance de l’éducation dans la construction de la démocratie et de l’identité du pays. La censure appliquée par la commission des programmes scolaires reflète la volonté du parti nationaliste hindou au pouvoir (BJP) – de réécrire l’histoire pour à la fois minimiser le rôle de l’extrémisme hindou et faire disparaître des pans entiers de l’héritage musulman en Inde. Des pans entiers de l’histoire indienne ont disparu des programmes scolaires. La censure vise en priorité la composante musulmane du pays. Mais la réécriture des programmes va encore plus loin en faisant disparaître de l’enseignement, par exemple, Darwin et sa théorie de l’évolution».[6]
Nous sommes loin de la sagesse de Gandhi qui affirmait : «Il y a beaucoup de causes pour lesquelles je suis prêt à mourir, mais aucune pour laquelle je suis prêt à tuer». L’assassin de Gandhi appartient à un parti d’extrême droite.
En Inde le G20. Un coup de pub pour une future élection
Le G20 ce n’est pas seulement la dernière réunion du 8 et 9 septembre en Inde c’est aussi et surtout les réunions préparatoires. À la réunion du 23 février des ministres de l’Économie, une annotation y précise que seules la Chine et la Russie n’ont pas approuvé deux paragraphes à propos de l’Ukraine. L’année dernière déjà, lors des trois réunions du G20 Finances, aucun communiqué commun n’avait là non plus été rédigé. Il en est de même dans la réunion de juillet sur l’énergie, pas d’accord sur les changements climatiques.
Carole Dieterich décrit les conditions du déroulement du G20 et les attendus de la part du premier ministre Modi : «Le Premier ministre indien profite du sommet de New Delhi pour faire sa promotion avant les élections de 2024. Même le logo du G20, inspiré du lotus, la fleur sacrée de l’hindouisme, qui est le symbole du Bharatiya Janata Party (BJP) (…) Le Premier ministre indien a multiplié les déplacements à l’étranger. Partout il a été accueilli en majesté, malgré sa dérive autoritaire, malgré les atteintes de son régime aux libertés civiles et politiques, et les violences à l’encontre des minorités religieuses et des dalits, les anciens intouchables. Cette frénésie diplomatique n’est pas dénuée d’arrière-pensées politiques. Il a fait le pari de l’international pour conquérir un troisième mandat en 2024».
«Le message que le gouvernement veut envoyer est que l’Inde est arrivée sur la scène mondiale. L’Inde étant l’un des pôles économiques les plus brillants au monde, elle estime également qu’elle a le poids et les moyens d’y parvenir. Mais tenter de devenir un pont potentiel entre le monde développé et le monde en développement ne sera pas facile pour le gouvernement de Delhi, qui reste dans une position géopolitique délicate. Ensuite, il y a des questions autour des droits de l’homme. Les partis d’opposition et les militants affirment qu’il y a eu une recrudescence des crimes haineux contre les musulmans depuis 2014, lorsque M. Modi est arrivé au pouvoir».[7]
«Pékin écrit Zoya Maaten s’irrite de l’appartenance de l’Inde au Quad, un partenariat de sécurité avec l’Australie, le Japon et les États-Unis que la Chine considère comme un effort pour contrer son influence. La Chine a également un différend frontalier de longue date avec l’Inde. Un affrontement meurtrier dans l’Himalaya en 2020 avait déclenché une grave crise diplomatique entre les deux pays. L’Inde organise cette semaine des exercices militaires près de la frontière chinoise, qui se poursuivront pendant le sommet. (…) L’absence du président chinois devrait peser sur les efforts déployés par Washington pour que le G20 reste le principal forum de coopération économique mondiale. Le Premier ministre indien présente son pays comme le leader autoproclamé du «Sud global».
Déclaration du G20. Rien de nouveau sous le soleil
C’est un coup d’épée dans l’eau, l’aspect économique a été évacué, le seul résultat tangible est l’admission de l’Afrique au G20. Au chapitre du changement climatique, le G20 échoue à appeler à la sortie des énergies fossiles. Ils ont appelé à accélérer les efforts vers la réduction de la production d’électricité à partir de charbon, non accompagnée de dispositifs de captage ou de stockage de carbone. Cela exclut de facto le gaz et le pétrole. C’est un terrible message envoyé au monde, en particulier aux pays les plus pauvres et les plus vulnérables, qui souffrent le plus du changement climatique, a déploré Friederike Roder, vice-présidente de l’ONG Global Citizen. Le G20 poursuivra et encouragera les efforts visant à tripler les capacités en matière d’énergies renouvelables : «Nous nous engageons à accélérer d’urgence nos actions pour faire face aux crises et aux défis environnementaux, y compris le changement climatique».
«En juillet, les ministres de l’Énergie du G20 n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur une feuille de route visant à réduire l’utilisation des énergies fossiles. L’Inde et la Chine affirment que les pays occidentaux, qui ont commencé à polluer pendant leur Révolution industrielle il y a deux siècles, doivent assumer une responsabilité historique beaucoup plus grande dans la crise climatique».[9]
Tout a été fait pour diaboliser la Russie en vain. : «Le sommet du G20 a démontré le manque de consensus mondial en faveur de Kiev dans son conflit avec Moscou», écrit le Financial Times. La déclaration finale du sommet du G20 a été «un coup dur» pour les pays occidentaux en raison de l’absence de consensus quant à la situation en Ukraine.
L’Inde à l’étroit dans les BRICS : l’ambition d’une place au Conseil de sécurité
Un observateur impartial ne peut pas ne pas noter le comportement ambivalent de l’Inde, qui continue à côtoyer l’ancien monde de l’Occident au point d’en épouser sa stratégie qui consiste à affaiblir la Chine et la Russie mais dans le «même temps» faire partie des BRICS de l’OCS pour en tirer un bénéfice économique. Cette position irrite les autres membres des BRICS. Dans une contribution récente M.K. Bhadrakumar décrit les acrobaties de la diplomatie indienne : «Les diplomates indiens de haut niveau avaient compris depuis longtemps déjà qu’un événement conçu dans le monde d’hier, avant que la nouvelle guerre froide n’éclate, n’aurait pas la même ampleur et la même signification aujourd’hui. (…) Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le point commun des décisions prises à Moscou et à Pékin est que leurs dirigeants ne sont pas du tout intéressés par une quelconque interaction avec le président américain Joe Biden, (…)».
On comprend pourquoi l’Inde semble être le cheval de Troie du camp occidental pour dévitaliser inexorablement la philosophie des BRICS et à terme sa disparition pour n’avoir en fait qu’un seul groupe un G21 avec l’essentiel des pays qui comptent. On remarquera que c’est à peu près la même position adoptée par l’Arabie saoudite. M. K. Bhadrakumar écrit : «L’Inde est devenue une lueur d’espoir pour les médias occidentaux pendant un court laps de temps à l’approche du sommet des BRICS à Johannesburg ; un dissident potentiel qui pourrait faire dérailler l’accélération du processus de «dédollarisation» du groupe. Ces dernières années ont été marquées par un renforcement constant du partenariat Russie-Chine, qui a atteint un caractère «sans limites», contrairement au calcul occidental selon lequel les contradictions historiques entre les deux géants voisins excluaient virtuellement une telle possibilité. En réalité, le partenariat Russie-Chine se profile comme quelque chose de plus grand qu’une alliance formelle dans sa tolérance sans faille de la poursuite optimale des intérêts nationaux de chaque protagoniste tout en soutenant simultanément les intérêts fondamentaux des deux parties».
Il vient que : «tout format dans lequel la Russie et la Chine jouent un rôle de premier plan, tel que les BRICS, est voué à être dans le collimateur des États-Unis». Il a souligné que le groupe était hétérogène et n’avait pas de ligne politique claire, «à l’exception du désir de changer le système financier et de gestion mondial actuel, en le rendant plus ouvert, plus diversifié et moins restrictif». Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a révélé aux médias qu’à huis clos, le Sommet de Johannesburg avait donné lieu à «une discussion assez animée» mais qu’il était parvenu à un consensus sur les «critères et procédures» de l’expansion des BRICS (…) L’auteur poursuit en décrivant la ligne de crête de l’Inde avec un grand écart : «On ne peut guère parler d’une orientation anti-occidentale – à l’exception de la Russie et maintenant, peut-être, de l’Iran, aucun des participants actuels et probablement futurs des [BRICS] ne souhaite ouvertement s’opposer à l’Occident. C’est la raison pour laquelle l’Inde, qui protège soigneusement sa ligne «multi-alignement» – c’est-à-dire la coopération avec tout le monde – est également satisfaite d’un BRICS large et hétérogène. Delhi est moins intéressé par le renforcement des sentiments antagonistes au sein de la communauté des BRICS».[12]
M.K. Bhadrakumar explique la position de l’Inde qui ne souhaite pas déclarer la guerre au dollar d’autant que cela risque de renforcer la Chine : «Fondamentalement, il s’agit aujourd’hui de s’attaquer au phénomène du pétrodollar, pilier du système bancaire occidental (…) En même temps, l’expansion des BRICS est perçue en Occident comme une victoire politique pour la Russie et la Chine. L’Inde se retrouvera dans un cul-de-sac en se dissociant de la question des monnaies locales, des instruments de paiement et des plateformes, simplement parce que la Chine pourrait être bénéficiaire d’un nouveau système commercial. L’Inde risque de s’aliéner les pays du Sud, qui sont les alliés naturels de la Chine, en tournant le dos à l’agenda central des BRICS, à savoir un ordre mondial multipolaire».[12]
Bruno Philip rappelle l’historique de l’Inde et la fierté actuelle au vue de son développement : «Leader des pays non alignés dans les années 1950, New Dehli profite du regain des tensions internationales, en Europe comme dans l’Indo-Pacifique, pour affirmer un rôle de pivot aux alliances multiples, que renforce son poids démographique et économique. «L’Inde est plus grande que le monde», fait dire JorgeLuis Borges, car l’Inde est peut-être «plus grande que le monde», au sens où, de par sa taille, sa diversité religieuse, linguistique, culturelle et ethnique, elle représente un univers en soi qui tend à refléter le reste de l’univers. En 2022, la cinquième économie mondiale, supplantait l’ancien colonisateur britannique. «Nous laissons derrière nous ceux qui nous ont dirigés pendant deux cent cinquante ans», s’est réjoui, sarcastique, le premier ministre, Narendra Modi».
Cette position ambivalente est-elle tenable pour l’avenir des BRICS ?
Les signes d’un tropisme de l’Inde vers l’Occident deviennent visibles. Rien ne distingue la stratégie de l’Inde de celle des États-Unis quand il s’agit de contrer la Chine : «L’Inde cherche à développer des liens plus étroits avec les pays occidentaux, et notamment avec les membres du Quad, alliance qui regroupe les États-Unis, le Japon et l’Australie et qui vise à contrer le poids de la Chine dans la région Asie-Pacifique. (…) New Delhi ne veut pas rompre ses liens avec Moscou, que Narendra Modi estime essentiels pour contrecarrer le positionnement toujours plus agressif de la Chine».
Changement de cap ! Modi gagne son pari : «Washington a annoncé vendredi 8 septembre avoir trouvé avec New Delhi un accord pour résoudre le dernier conflit commercial entre les deux pays. Après une nouvelle rencontre à la veille du sommet du G20 à New Delhi, Narendra Modi et Joe Biden ont vanté le «partenariat solide et durable» entre leurs deux pays. Le premier ministre indien s’est dit, dans le communiqué commun, «impatient» de recevoir à nouveau le président américain l’an prochain pour une réunion du Quad. Ce format diplomatique cher à la Maison Blanche, en pleine offensive en Asie pour tenir tête à la Chine, rassemble l’Inde, les États-Unis, l’Australie et le Japon autour de questions de sécurité. Les deux dirigeants ont estimé que le sommet du G20 allait faire avancer les objectifs communs en réformant profondément les banques de développement multilatérales».
Conclusion
Stéphane Aubouard a listé plusieurs critères qui risquent de fracturer les BRICS avec un objectif affaiblir la Chine avec laquelle l’Inde est en conflit frontalier. : «Avant même, écrit-il, leur élargissement à six pays supplémentaires, les BRICS étaient loin d’être une mécanique bien huilée. Une guerre commerciale sans merci sévit depuis près de cinq ans entre la Chine et les États-Unis. Washington essaie de miser sur un cheval de Troie régional : l’Inde de Narendra Modi. Pour nourrir la bête, le rapprochement récent de Dehli et du Quad, n’est pas innocent. Ce groupe a clairement été créé pour contrecarrer l’influence militaire et commerciale chinoise dans la zone Asie-Pacifique. Dans le même temps, l’Europe commence elle aussi à vouloir se départir de l’empire du Milieu. Notamment dans les secteurs de l’informatique et des biens industriels, ainsi que dans le domaine pharmaceutique, marchés clés pour la coopération avec l’Inde».
En définitive, il y a fort à parier que l’Inde serait prête à quitter les BRICS si elle arrive à décrocher une place au Conseil de sécurité. L’Inde a les compétences et la politique de Modi au-delà de son ambition est de faire rentrer l’Inde dans la cour des Grands. L’Occident mise sur l’Inde pour garder le leadership. Il est à prévoir que les stratèges des trois membres occidentaux du Conseil de Sécurité penseront à proposer l’admission de l’Inde au Conseil de sécurité ! Nous verrons s’il y a un veto de ses partenaires du BRICS ! On l’aura compris, c’est le plus sûr moyen de fracturer les BRICS puisque l’Inde est invité au G7 au G20 et surtout à l’alliance AUKUS et Quad mal vues par la Chine.
S’agissant de l’Algérie, peut être que son ajournement au sein des BRICS est un mal pour un bien. L’Algérie devrait continuer à développer une coopération win win avec tous les partenaires de l’Est et de l’Ouest. C’est le plus sûr moyen de ne pas être prisonnière de ces choix car la situation mondiale est loin d’être limpide, L’Occident est décidé à garder le magister du monde et les BRICS curieusement sont amoindris, car l’Arabie saoudite et les Émirats «font comme l’Inde», ils ont deux fers au feu… et dépendent des États-Unis pour leur armement. Il sera difficile de parler de dédollarisation, cheval de Troie de la Chine et de la Russie, mais pas de l’Inde. Wait and see !!!
Professeur émérite Chems Eddine Chitour
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