Ça y est, la Guerre contre le Populisme est enfin terminée. Essayez de deviner qui sont les vainqueurs.
Je vais vous donner un indice : ce ne sont pas les Russes, ni les suprématistes blancs, ni les Gilets jaunes, ni la Secte nazie mortifère de Jeremy Corbyn, ni le misogyne Bernie Sanders, ni les terroristes portant des casquettes MAGA, ni aucune des autres forces « populistes » réelles ou imaginées contre lesquelles GloboCap, le capitalisme mondial, menait une guerre depuis quatre ans.
Quoi ? Vous ignoriez que le capitalisme mondial menait une Guerre contre le populisme ? Ce n’est pas grave, la plupart des gens n’étaient pas au courant. Ce n’est pas comme si cette guerre avait été officiellement déclarée. Elle fut lancée à l’été 2016, juste au moment où la Guerre contre le terrorisme se terminait. C’était un peu comme une suite de la Guerre contre le terrorisme, ou bien une continuation de la Guerre contre le terrorisme, ou encore une variation de la Guerre contre le terrorisme, ou… peu importe, cela n’a plus vraiment d’importance, parce que maintenant, nous menons la Guerre contre la mort, ou (selon votre âge et votre état de santé général), la guerre contre des symptômes mineurs de type rhume.
Eh oui, les amis, une fois de plus, le capitalisme mondial (c-à-d « le monde ») est attaqué par un ennemi diabolique. Pas de répit pour GloboCap. À peine venait-il de vaincre le communisme, s’établissant ainsi en suprême leader idéologique mondial, que les ennemis diaboliques se sont mis à déferler les uns après les autres.
À peine venait-il de remporter la Guerre froide, de célébrer sa victoire et de commencer à tout restructurer et à tout privatiser à tout va qu’il fut sauvagement attaqué par des « terroristes islamiques » et fut donc contraint d’envahir l’Irak et l’Afghanistan, de tuer et de torturer tout un tas de gens, de déstabiliser l’ensemble du Moyen-Orient et de surveiller illégalement tout le monde, et … enfin bref, vous vous souvenez de la Guerre contre le terrorisme.
C’est alors que, au moment où la Guerre contre le terrorisme montrait enfin des signes d’essoufflement, qu’il ne restait plus que des terroristes « auto-radicalisés » (dont beaucoup n’étaient même pas de vrais terroristes), et qu’il semblait que GloboCap allait enfin pouvoir finir en paix son entreprise de privatisation et d’asservissement du monde entier par la dette, figurez-vous que nous fûmes de nouveau attaqués, cette fois par la conspiration mondiale des « populistes » néo-fascistes soutenus par les Russes, celle-là même qui a causé le Brexit et a fait élire Trump, qui a essayé de faire élire Corbyn et Bernie Sanders, qui a lâché les Gilets jaunes sur la France, et qui a menacé les « fondements de la démocratie occidentale » à coup de mèmes contestataires postés sur Facebook.
Malheureusement, contrairement à la Guerre contre le terrorisme, la Guerre contre le populisme n’a pas trop bien marché. Au bout de quatre années de combats, GloboCap (c-à-d. la Résistance néolibérale) a fini par… D’accord, ils avaient liquidé Corbyn et Sanders, mais ils avaient aussi complètement foiré l’opération psychologique du Russiagate, et ils se préparaient à subir Trump pendant 4 ans de plus, et Boris Johnson pour on ne sait combien d’années encore au Royaume-Uni (qui avait en fait quitté l’Union européenne), et puis les Gilets jaunes ne partaient pas, et, en gros, le « populisme » montait en puissance (du moins dans les cœurs et les esprits, si ce n’était dans les faits).
Et donc, de la même façon que la Guerre contre le populisme avait remplacé (ou redéfini) la Guerre contre le terrorisme, la Guerre contre la mort a été officiellement lancée pour remplacer (ou redéfinir) la Guerre contre le populisme… ce qui signifie (vous l’avez deviné), une fois de plus, qu’il est temps de déployer un « new normal » (une nouvelle « normalité », ou un « Meilleur des mondes 2.0 » – NdT)
La nature de cette « nouvelle normalité » est, à ce stade, parfaitement transparente – tellement transparente que la plupart des gens sont incapables de la voir, parce que leur esprit n’est pas prêt à l’accepter, donc ils ne la reconnaissent pas, bien qu’ils la regardent droit dans les yeux. Comme Dolorès dans la série Westworld, « ça ne ressemble à rien » pour eux. Pour le reste d’entre nous, ça ressemble furieusement au totalitarisme.
En l’espace d’une centaine de jours, l’empire capitaliste mondial tout entier s’est transformé en État policier de facto. Les droits constitutionnels ont été suspendus. La plupart d’entre nous sont assignés à résidence. La police rafle tous ceux qui ne se conforment pas aux nouvelles mesures d’urgence. Ils expulsent des passagers des transports publics, arrêtent les personnes dont les attestations ne sont pas en règle, harcèlent, tabassent, intimident et détiennent arbitrairement tous ceux qu’ils estiment être « un danger pour la santé publique ».
Les autorités menacent ouvertement d’expulser les gens de chez eux par la force et de les mettre en quarantaine. Les flics traquent les grands-mères fugueuses. Ils font des descentes dans les églises et les synagogues. Les citoyens sont obligés de porter des bracelets électroniques. Les familles qui sortent faire une promenade sont menacées par des robots et des drones orwelliens.
Des troupes antiterroristes ont été déployées pour gérer les « récalcitrants » qui ne respectent pas les règles. Toute personne dont les autorités américaines considèrent qu’elles ont « propagé intentionnellement le coronavirus » peut être arrêtée et inculpée pour « terrorisme Covid ». Les sociétés de renseignement spécialisées dans l’intelligence artificielle travaillent avec les gouvernements pour mettre en place des systèmes permettant d’enregistrer et de suivre nos contacts et nos déplacements. Comme l’indique un récent article de Foreign Policy :
« L’analogie avec l’antiterrorisme est utile car elle montre l’orientation des politiques en matière de pandémie. Imaginez qu’un nouveau patient atteint du coronavirus soit détecté. Une fois qu’il a été testé positif, le gouvernement pourrait utiliser les données des téléphones portables pour retrouver toutes les personnes avec qui il est entré en contact, en se concentrant peut-être sur celles qui ont été en contact avec lui pendant plus de quelques minutes. Le signal de votre téléphone portable pourrait alors être utilisé pour faire appliquer les mesures de quarantaine. Si vous quittez votre appartement, les autorités le sauront. Si vous mettez votre téléphone de côté, ils vous appelleront. Si vous déchargez la batterie, une voiture de police sera à votre porte en quelques minutes… »
Je pourrais continuer, mais je pense que vous avez saisi. Bon, soit vous saisissez, soit vous ne saisissez pas.
Et c’est bien là le côté proprement terrifiant de la Guerre contre la mort et de notre « nouvelle normalité »… ce n’est pas tant le totalitarisme. (Tous ceux qui sont un tant soit peu attentifs ne sont pas spécialement choqués par la décision de GloboCap de mettre en place un État policier mondial. Le simulacre de la démocratie, c’est très bien, jusqu’à ce que le bas peuple commence à s’agiter et ait besoin qu’on lui rappelle qui est le chef, traitement auquel nous avons droit actuellement).
Non, ce qui est terrifiant, c’est de voir que des millions de personnes ont immédiatement mis leur sens critique en veille, sont rentrées dans le rang et ont commencé à marcher au pas, à régurgiter la propagande hystérique et à dénoncer leurs voisins à la police parce qu’ils étaient sortis faire une promenade ou du jogging (pour ensuite, les injurier sadiquement, comme la gamine qui hurle « Adieu les juifs ! » dans La liste de Schindler tandis que des juifs sont jetés à terre et arrêtés).
Ils sont là en ce moment même, des millions de fascistes bien intentionnés qui patrouillent sur Internet, en quête du moindre signe de déviation par rapport au récit officiel sur le coronavirus, bombardant tout le monde de graphiques dénués de sens, de statistiques de décès décontextualisées, de radiographies de fibroses pulmonaires, de photos de camions frigorifiques, de fosses communes et autres horreurs sensationnalistes destinées à court-circuiter la pensée critique et à faire taire toute forme de dissidence.
Bien qu’indéniablement lâche et répugnant, ce genre de comportement n’est pas non plus spécialement choquant. Malheureusement, lorsque vous terrorisez suffisamment les gens, la majorité d’entre eux régressent au stade animal. Ce n’est pas une question d’éthique, ni de politique. C’est une simple question d’instinct de survie. Quand vous éradiquez la structure normale de la société et que vous placez tout le monde en « état d’urgence »… eh bien, c’est comme ce qui se passe au sein d’un groupe de chimpanzés quand le mâle alpha meurt ou est tué par un adversaire. Les autres chimpanzés se mettent à courir dans tous les sens, en hurlant et en grimaçant, jusqu’à l’émergence d’un nouveau primate dominant, suite à quoi ils se couchent pour montrer leur soumission.
Les totalitaristes comprennent cela. Les sadiques et les gourous de secte comprennent cela. Lorsque les gens que vous dominez deviennent indisciplinés et commencent à remettre en question votre droit de les dominer, vous devez orchestrer un « état d’urgence » et faire en sorte que tout le monde ait très peur, afin qu’ils se tournent (ou reviennent) vers vous pour que vous les protégiez de tout ennemi malfaisant qui menace la secte, la Patrie ou que sais-je. Ensuite, une fois qu’ils sont retournés au bercail et qu’ils ont cessé de remettre en question votre droit de les dominer, vous pouvez introduire un nouvel ensemble de règles que tout le monde devra suivre pour empêcher que ce genre de choses ne se reproduise.
C’est manifestement ce qui est en train de passer. Mais ce que vous voulez probablement savoir, c’est… pourquoi ? Et pourquoi à ce moment précis ?
Vous avez de la chance, j’ai une théorie.
Non, elle n’implique pas Bill Gates, Jared Kushner, l’OMS ou une conspiration mondiale de juifs chinois souillant nos précieux fluides corporels avec leur technologie 5G satanico-alien. C’est un peu moins excitant et plus abstrait que cela (bien que certains de ces personnages soient probablement dans le coup… d’accord, sans doute pas les juifs chinois, ni les Illuminati satanico-aliens).
Vous voyez, j’essaie de me concentrer davantage sur les systèmes (comme le capitalisme mondial) que sur les individus. Et sur les modèles de pouvoir plutôt que sur tel ou tel individu spécifique en position de pouvoir à tel moment donné. Quand on regarde les choses sous cet angle, ce confinement mondial et notre « nouvelle normalité » huxleyienne prennent tout leur sens. Restez avec moi, ça risque de vous donner le vertige.
Ce que nous vivons actuellement est une nouvelle évolution du modèle de pouvoir post-idéologique qui a vu le jour lorsque le capitalisme mondial est devenu un système hégémonique mondial après l’effondrement de l’Union soviétique. Dans un tel système hégémonique mondial, l’idéologie est rendue obsolète. Le système n’a pas d’ennemis extérieurs, et donc pas d’adversaires idéologiques. Par définition, les ennemis d’un système hégémonique mondial ne peuvent être qu’intérieurs. Chaque guerre devient une insurrection, une rébellion qui éclate à l’intérieur même du système, car il n’y a plus d’extérieur.
Comme il n’y a plus d’extérieur (et donc plus d’adversaire idéologique extérieur), le système hégémonique mondial peut se dispenser de toute idéologie. Son idéologie devient la « normalité ». Toute remise en cause de la « normalité » est désormais considérée comme une « anomalie », une « déviation de la norme », et perd automatiquement toute légitimité. Le système n’a pas besoin de contester des déviations ou des anomalies (comme il fut, dans le passé, forcé de contester des idéologies opposées afin de s’offrir une légitimité). Il doit simplement les éliminer. Les idéologies opposées, contestataires, deviennent des pathologies, des menaces existentielles pour la santé du système.
En d’autres termes, le système hégémonique mondial (c’est-à-dire le capitalisme mondial) devient un corps, l’unique corps, sans opposition extérieure, mais attaqué de l’intérieur par divers opposants : terroristes, extrémistes, populistes, peu importe. Ces opposants internes attaquent le corps hégémonique mondial comme une maladie, un cancer, une infection ou un virus. Et le corps hégémonique mondial réagit comme le ferait n’importe quel autre corps.
Ce modèle vous paraît-il désormais familier ?
Je l’espère, parce que c’est ce qui se passe en ce moment-même. Le système (c’est-à-dire le capitalisme mondial, et non pas une bande de gus qui complotent dans un coin pour vendre des vaccins) est en train de réagir, de manière prévisible, à ces quatre dernières années de révolte populiste. GloboCap est en train de s’attaquer au virus qui a attaqué son corps hégémonique. Non, ce n’est pas le coronavirus. C’est un virus beaucoup plus destructeur et qui se multiplie : la résistance à l’hégémonie du capitalisme mondial et à son idéologie post-idéologique.
S’il n’est pas encore évident pour vous que ce coronavirus ne justifie en aucun cas les mesures d’urgence totalitaires qui ont été imposées à la plus grande partie de l’humanité, ça le deviendra dans les mois à venir. Malgré les efforts des « autorités sanitaires » pour faire passer à peu près n’importe quoi comme « un décès Covid-19 », les chiffres vont raconter une autre histoire. Les « experts » sont déjà en train d’enterrer, de recalibrer ou de contextualiser leurs projections apocalyptiques initiales. Les médias baissent d’un cran dans l’hystérie. Le spectacle n’est pas encore totalement terminé, mais on sent qu’il touche progressivement à sa fin.
Quoi qu’il en soit, quand cela se produira – dans quelques jours, semaines ou mois – GloboCap mettra fin au totalitarisme et nous laissera sortir de chez nous, afin que nous puissions retourner travailler dans ce qui reste de l’économie mondiale – et nous en serons tous tellement reconnaissants ! Il y aura des célébrations massives dans les rues, des ténors italiens qui chanteront sur les balcons, des infirmières qui danseront et chanteront en chœur ! Les Gilets jaunes jetteront l’éponge, les poutino-nazis arrêteront avec leurs mèmes et les Américains éliront Joe Biden président !
Bon, peut-être pas cette dernière partie. Mais le fait est que ce sera le Meilleur des mondes, le « new normal » ! Les gens oublieront toutes ces foutaises populistes et seront simplement reconnaissants pour tous les McJobs qu’ils pourront décrocher pour pouvoir payer les intérêts de leurs dettes parce que, hé, le capitalisme mondial, c’est pas si mal, comparé au fait de vivre en résidence surveillée !
Et si ce n’est pas le cas, pas de problème pour GloboCap. Ils n’auront qu’à nous confiner à nouveau, encore et encore, indéfiniment, jusqu’à ce que nous ayons retrouvé nos esprits. Je veux dire, ce n’est pas comme si nous allions y faire quoi que ce soit, n’est-ce pas ? Ne venons-nous pas de le démontrer ? Bien sûr, nous râlerons, nous geindrons, mais ils n’auront qu’à ressortir ces photos de charniers et de camions de la mort, tous leurs graphiques, toutes ces projections effrayantes, et les hotlines-Blockleiter seront rouvertes, et…
À propos de l’auteur
Basé à Berlin, C. J. Hopkins est un dramaturge, romancier et satiriste politique américain maintes fois primé. Ses pièces ont été publiées par Bloomsbury Publishing et Broadway Play Publishing, Inc. Son roman dystopien, Zone 23, a été publié par Snoggsworthy, Swaine & Cormorant. Le tome I de ses Consent Factory Essays a été publié par Consent Factory Publishing, une filiale à part entière de Amalgamated Content, Inc. On peut le contacter à cjhopkins.com ou consentfactory.org.
Source: Lire l'article complet de Signes des Temps (SOTT)