En mars dernier, après sept ans de rupture, l’Iran et l’Arabie saoudite ont rétabli leurs relations, à l’issue d’une médiation chinoise. Pékin ne souhaite pas s’en tenir à ce succès, et poursuit son activisme diplomatique dans de nombreux autres dossiers. Au début de l’année, la RPC avait proposé « une position sur le règlement politique de la crise ukrainienne » et fait savoir qu’elle espérait y « jouer un rôle constructif dans la promotion des pourparlers ». Aujourd’hui, elle aspire à jouer un rôle de médiateur dans le conflit israélo-palestinien.
La RPC se présente plus que jamais comme une puissance soucieuse de restaurer la paix et maintenir la stabilité. Selon l’historien Alfred Mc Coy, cette approche – qui séduit de plus en plus les pays du Sud – révélerait la transformation profonde des rapports de force internationaux :
« Depuis plus de 200 ans, les conférences de paix ne se contentent pas de résoudre des conflits ; elles signalent régulièrement l’arrivée au centre de la scène d’une nouvelle puissance mondiale […]. De l’entente irano-saoudienne à la visite de Macron à Pékin, nous sommes peut-être en train d’observer les premiers signes de l’évolution de la politique internationale. »
En cherchant à relancer les pourparlers entre Israéliens et Palestiniens, la Chine entend occuper un vide et signaler la fin d’une ère occidentale dans laquelle les États-Unis jouaient un rôle majeur.
« Courtiers en tromperie » et « honnête courtier »
Si la Chine peut se positionner en tant que médiateur entre Israéliens et Palestiniens, c’est avant tout parce que ce rôle n’est plus vraiment assumé par les États-Unis. La plupart des analystes conviennent que Washington n’a pas été un « courtier honnête ». L’historien Rashid Khalidi, directeur du département du Moyen-Orient à l’université Columbia, estime que Washington n’avait jamais véritablement recherché une résolution pacifique au conflit. Selon lui, les Américains, qui n’ont cessé de donner des gages au pouvoir israélien et orienté les discussions à l’avantage de Tel-Aviv, ont hypothéqué toute perspective de règlement.
Ce point de vue est partagé par le chercheur américain Seth Anziska qui examine l’échec du processus de paix en retraçant, selon ses termes, « la généalogie d’un non-événement ». L’asymétrie profonde entre la partie israélienne et palestinienne, explique-t-il, a été entretenue par les administrations américaines successives. Il rappelle que Washington a apporté un soutien inconditionnel à son allié, allant jusqu’à considérer que la poursuite de la colonisation dans les territoires occupés ne constitue pas un obstacle à la conclusion d’un accord de paix.
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Les tentatives de relance des pourparlers se sont systématiquement soldées par un échec en raison de l’intransigeance de la partie israélienne, qui n’a jamais consenti au moindre compromis (refus de mettre un terme à la colonisation et de libérer les prisonniers palestiniens, rejet de la solution à deux États). En dépit de cette impasse structurelle, la Chine – qui cherche à remettre en cause la prééminence mondiale des États-Unis – espère ressusciter un processus au point mort depuis 2014.
La Palestine favorable à une médiation chinoise
Sur ce dossier, Pékin dispose de deux atouts majeurs. D’une part, une relance de l’initiative arabe de paix de 2002 serait vue d’un bon œil par les pays arabes engagés dans la voie de la normalisation avec Israël.
De l’autre, la proposition chinoise de médiation rencontre un écho positif auprès des Palestiniens. 80 % d’entre eux seraient favorables à une médiation chinoise qui faciliterait les pourparlers entre les deux parties (60 % des répondants estiment que les États-Unis ne constituent pas un médiateur crédible).
En juin dernier, le président de l’Autorité palestinienne, reçu à Pékin, a également appelé la Chine à faire pression sur Israël pour favoriser une solution au conflit israélo-palestinien. La RPC n’a toutefois pas de leviers pour amener les Israéliens à la table des négociations.
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Pour autant, Israël reste soucieux de sécuriser les intérêts américains. En 2021, la Chine a implanté dans le port de Haïfa un terminal automatisé de containers au grand dam de Washington – qui redoutait l’installation d’une technologie de surveillance chinoise susceptible d’espionner la Sixième Flotte américaine. En dépit des investissements colossaux chinois, c’est finalement l’Inde qui a pris le contrôle du plus grand port d’Israël.
Par ailleurs, en 2022, les agences de sécurité israéliennes ont également intensifié la lutte contre l’espionnage des entreprises chinoises qui tentent d’obtenir l’accès aux technologies militaires israéliennes.
Enfin, le secteur technologique israélien s’est développé en utilisant les territoires occupés comme laboratoire d’essai des nouveaux systèmes d’armes et outils de surveillance et de contrôle des populations. Le logiciel espion Pegasus exporté dans le monde en est un exemple édifiant.
Force est donc de constater que Pékin a peu de chance de modifier la ligne politique d’Israël. En avril dernier, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a, en outre, laissé entendre que pour Tel-Aviv, les États-Unis restent perçus comme le seul médiateur valable :
« Nous respectons la Chine, nous traitons beaucoup avec elle. Mais nous savons aussi que nous avons une alliance indispensable avec notre grand ami, les États-Unis. »
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