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par Panagiótis Grigoríou
Il était une fois quand je fréquentais l’école primaire, il y avait alors une matière que j’aimais particulièrement. La «Patridognosie», que l’on nommait également parfois «Patridographie». Au-delà de sa spécificité de cours-pivot et dont le but était d’entretenir chez les plus jeunes Grecs, la culture de la conscience collective nationale ; son cursus visait autant d’autres attentions pédagogiques comparables, toujours en rapport aux divers cours dispensés à l’époque.
Car, faisant suite à nos abécédaires, c’était la matière la plus importante et même là plus appréciée des élèves. Nous avions dès lors senti que c’était une leçon plus que familière, puisque ce qu’y était évoqué, d’ailleurs à travers une certaine forme du vécu et «d’observation» en quelque sorte «participante», c’était tout simplement notre patrie… de proximité.
Cette matière scolaire et autant démarche éducative, puise très tôt son origine dans les besoins et les priorités de l’État grec durant son premier siècle d’existence après la Guerre d’Indépendance de 1821-1829, ou Révolution grecque de 1821. Soulèvement, à l’issue duquel, les Hellènes réussirent à gagner leur indépendance après quatre longs et douloureux siècles vécus sous le joug de l’Empire ottoman.
De ce fait, il était aussitôt question de consolider la conscience nationale, vu que l’Éducation, en tout cas à l’époque, demeure un terrain privilégié pour sa promotion. La Patridognosie fut ainsi mentionnée pour la première fois parmi les matières enseignées, en 1913, tandis que sous sa forme initiale de Patridographie, elle existait il faut dire depuis déjà 1895.
D’emblée, cette leçon fournissait des connaissances de base en géographie, en premier lieu à destination des élèves du premier cycle éducatif. Le but de son enseignement faisait de ce cours, le fondement de toute autre connaissance et ainsi compréhension du monde qui entoure le jeune public et qui serait dispensée à l’avenir dans les classes post-primaires, notamment en «Naturographie», autrement-dit, la Géographie, suivie de l’Histoire.
Car Il s’agissait d’un cours que l’on nomme d’ailleurs un siècle plus tard «interdisciplinaire», puisqu’il comprenait des éléments, à la fois d’histoire naturelle, d’histoire, de géographie, de mythologie, d’environnement et de sciences naturelles de base. Et notamment, il est question de cette Patridographie… initiale de proximité, quand elle comportait bien de «substances» de la «patrie particulière», autrement dit, de la contrée et du terroir, autant tangibles que vécus par les élèves, matière laquelle il faut dire, a sitôt accru l’intérêt des enfants.
Avec toujours à la clef, l’élément de l’observation directe et active, «de perception sensuelle» comme on le disait à l’époque, et de la sorte, cet exercice quotidien de la faculté de lire et d’apprendre de façon agréable, pour un cours toutefois de base, dispensé durant les trois premières années de l’école primaire.
Quel joli mot sinon, que celui de «Patridognosie». Terme alors composé, car il comprend deux concepts importants. Patrie et érudition ! Et son cours, il était en quelque sorte, à la fois général que spécialisé. Nous y avons d’abord appris la division de la Grèce, ses régions, ses municipalités, ses préfectures liées aux départements ; notons seulement que ces derniers ont été administrativement supprimés en 2010, au profit des «grandes et puissantes Régions».
Nous avons alors appris la géographie des montagnes, des lacs, des forêts, des grottes et même des barrages. Nous avons été initiés à l’univers naturel des parcs nationaux, des zones humides, des refuges, voire, de la flore du pays. Nous y avons appris notre histoire via des références faites aux lieux de mémoire, considérés autant à travers leur acception géographique ; et par la suite, en se référant aux musées, aux fortifications, aux batailles de libération, y compris comme on dit actuellement, en passant par le «contexte local».
J’ai vraiment adoré ce cours. Comme d’ailleurs la plupart de mes camarades de classe. Cela nous a fait aimer la Grèce, nous greffer à notre patrie, sentir le pin, la mer, le romarin, l’origan, les roses, plonger dans la mer Égée et ses Cyclades, ou sinon «nous enfoncer» du côté des îles Ioniennes… Et c’est comme si déjà, nous avions visité tout notre pays… dans son intégralité.
Cependant au fil des années, la Patridognosie est entrée dans les archives de l’histoire scolaire. Elle a été remplacée par les études dites «environnementales», déjà dans les trois premières années de l’école primaire. La vérité est que ces connaissances désormais… novatrices, sont enseignées aux enfants de manière plus détaillée, peut-être même plus spécialisée, voilà en tout cas pour ce qui est énoncé à travers les instructions officielles du ministère.
Sauf qu’il y a un… «mais», et ce qui manque justement, c’est la patrie ! Sa connaissance. Sa compréhension. Ses traditions. Son histoire. En somme, toute cette dignité hellène tant froissée à travers les siècles d’histoire. De même que l’identité hellénique, nos chansons traditionnelles, au même titre que les textes de la littérature grecque byzantine ou moderne, voire, les textes d’Église.
J’avoue que je voulais que nos enfants puissent apprendre la Grèce comme mes propres maîtres me l’ont apprise. Pour qu’ils comprennent que dans notre… réalité moderne, ils ont quelque part une identité nationale et culturelle.
Patriotisme donc, au sens plein, et sans doute encyclopédique du terme. J’aurais voulu sinon, une nouvelle école libre… ou même discrète comme à l’époque des quatre longs et douloureux siècles sous le joug de l’Empire ottoman, car c’était tout ce qu’on pouvait faire pour survivre culturellement, côté grec.
Et puisqu’il n’y a pas si longtemps, en 29 mai dernier, date de triste anniversaire, commémorant la chute de Constantinople et de Byzance en 1453 par les Ottomans – et que nous entendrons peut-être encore quelque peu parler en Grèce de «Patries perdues», soulignons que la patrie que l’on dit perdue, n’est pas seulement un territoire qui nous appartenait autrefois et qui ne nous appartient plus.
La patrie perdue peut aussi être, cette patrie dans laquelle nous vivons, mais que nous l’ignorons.
Ou, comme le disait le poète et écrivain Yórgos Ioánnou, sur lequel nous reviendrons souvent à travers ce blog, grand auteur actuel… et déjà du passé : «Je suis ce contemporain de l’avant-dernière mode».
«Ubi bene, ibi patria» La patrie est où l’on est bien, ou… presque !
source : Greek City
- Photo de couverture : Classe de jadis, reconstituée. Thessalie occidentale, juillet 2018
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