7 juillet 2023, et la routine de la récupération historique par des présidences monarchiques
par Annie Lacroix-Riz
Merci à Jacques-Marie Bourget pour la communication de l’article «Sommet de l’OTAN à Vilnius : Un complot de guerre sur le lieu d’un crime historique». Référence historique : la survivante Masha Greenbaum, «The Jews of Lithuania : A History of a Remarkable Community, 1316-1945», Jerusalem, New York, Gefen Publishing House, 1995. Le choix du lieu dudit sommet illustre l’hypocrisie occidentale en matière de défense des juifs contre l’antisémitisme. L’article est particulièrement clair. Le prochain coup, il faudrait organiser ça en Lettonie, copie conforme du cas lituanien, avec la quasi-totalité de la destruction des juifs depuis l’été 1941…
Les références historiques fournies dans un vieux courriel (2005, notamment un ouvrage non traduit de Dov Levin) permettent de comprendre que, pour les juifs d’alors, l’annexion soviétique, en juin 1940, des Pays Baltes (provinces baltes intégrées à l’Empire russe du XVIIIe siècle à 1918), ait constitué une véritable bouée de sauvetage contre les «nationalistes», uniates nazifiés sur le modèle de ceux de Lvov. Cet échange avec le journaliste belge Jean-Marie Chauvier, vieux de près de 20 ans, montre que la phase actuelle a été soigneusement préparée bien avant la guerre en Ukraine. La très «européiste» Simone Veil, présumée championne de la «Mémoire de la Shoah», faisait piètre cas de l’histoire (la sienne comprise), à l’époque où elle célébrait de fait la récente entrée des «Pays Baltes» dans l’Union européenne et dans l’OTAN : au prix de sévères contorsions, elle imputait la responsabilité de l’ignorance du génocide des juifs lettons aux… Soviétiques, par ailleurs classés bourreaux des malheureux Lettons, et elle imputait le sauvetage d’une poignée de juifs lettons aux bontés des victimes lettones non juives des Soviétiques. Le mari de Mme Veil, également panthéonisé, avait côtoyé René Bousquet pendant huit ans au conseil d’administration d’UTA, la société de transport aérien qu’il présidait et où le secrétaire à la police de Laval, Bousquet, massacreur de communistes et de juifs d’avril 1942 à la fin de 1943, représentait… la Banque d’Indochine. Sur les autres fréquentations de Mme Veil, la couverture de l’édition de poche de «La Non-épuration en France de 1943 aux années 1950» atteste que «la Mémoire» de l’Occupation avait été chez ces éminences panthéonisées sérieusement émoussée. Je rappelle que la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, que Mme Veil avait «l’honneur de présider», a financé, en 2017, l’invitation à Paris de singuliers historiens et archivistes, nazis ukrainiens, que les universitaires français, même «spécialistes de la Shoah», n’ont pas trouvé le courage de condamner par peur de passer pour «bolcheviques» auprès des Ukrainiens alors conviés pour communier contre les crimes soviétiques. Je dis bien 2017, et non 2022.
Et comment ne pas dénoncer le scandale des tentatives renouvelées de récupération par nos monarques d’une histoire qui ne leur appartient pas ? En 2007, ce fut l’exploitation du jeune héros communiste Guy Môquet par Nicolas Sarkozy. Sous l’actuel président de la République, de Maurice Audin, en 2018, avec les espérances suscitées dans la famille par l’apparente reconnaissance des responsabilités françaises dans l’assassinat du jeune mathématicien communiste, combattant de l’indépendance de l’Algérie, espérances promptement déçues ; et, sous l’actuel quinquennat, en cette riche année 2023, de Jean Moulin, prétendu symbole de la France «unie» ‑ en réalité livré à Barbie en juin 1943, via René Hardy, par les chefs de Combat Henri Frenay et Bénouville, sous la férule de leur bailleur de fonds, aussi antigaulliste et anticommuniste qu’eux, le chef de l’OSS (puis de la CIA) Allen Dulles. La campagne de 2023 s’est accompagnée d’une glose permanente sur l’insondable «mystère Moulin» (définitivement éclairci par «La Non-épuration en France», même édition, p. 475-509) ; et, depuis juin 2023, l’annonce de la panthéonisation, en février 2024, pour les 80 ans de son exécution par l’occupant allemand, de Missak Manouchian. Délibérément privé, le plus souvent, de l’essentiel de ses attributs, il est célébré exclusivement comme «résistant arménien», au service de la France, de même que «ses compagnons d’armes étrangers, Espagnols, Italiens ou juifs d’Europe centrale». La campagne en cours cache presque systématiquement qu’ils étaient tous communistes, lui-même, sa femme et leurs compagnons, héros des FTP-MOI (Francs-tireurs partisans de la Main-d’œuvre immigrée, organisation du PCF). Ils se proclamèrent tels jusqu’au seuil de leur exécution.
Les déclarations solennelles du 18 juin 2023, invoquant Aragon et son poème sur les 23 héros de février 1944, pourchassés par la police et la magistrature de Vichy avant d’être livrés aux balles allemandes, sonnent faux, à l’heure où «modérés», droite dite républicaine et extrême droite convergent, comme, ouvertement, depuis 2005, contre la jeunesse dite «immigrée», le plus souvent née de parents français, exigent une répression «exemplaire» contre les «émeutes», et menacent de priver de toute allocation les mères aux journées de travail interminables. Par ailleurs, ces célébrations auront-elles lieu sans que soit officiellement convié le communiste français d’origine italienne Léon Landini, autre héros des FTP-MOI, résistant à 16 ans ? Le président du PRCF est un des désormais rarissimes survivants de ces étrangers d’origine qui ont rendu son honneur à la France dont les élites de toutes catégories avaient délibérément et de longue date choisi la Défaite face au Reich allemand.
Bien cordialement,
Annie Lacroix-Riz
envoyé par Marie-Ange Patrizio
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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