Les récents sondages en faveur du Parti québécois font renaître un doux espoir dans le coeur des souverainistes. Il est bon de rappeler quelques faits pour éviter des déceptions amères.
L’illusion référendaire depuis 1980
Rappelons que le PQ jase fort quand il a 3 députés, mais ne fait pas grand chose quand il est pouvoir et ce, depuis la première défaite référendaire de 1980 qui a fait reculer la cause nationale en facilitant le rapatriement constitutionnel de 1982.
Le référendum de 1980 était une grave erreur. Il a mené au rapatriement de 1982 qui a signé la négation de notre nation historique, sans reconnaissance statutaire du Québec dans le nouveau Canada. De plus, Lévesque savait très bien que le référendum serait perdant et il l’a tenu quand même, par « honnêteté démocratique » sans se soucier des conséquences dramatiques de la défaite.
Lévesque était – à l’image des Québécois – un « perdant sympathique ». C’est bien beau, mais ce n’est pas ce qu’il faut pour avoir un pays souverain avec armée, monnaie et frontières nationales.
Le référendum de 1995 était également une grave erreur puisqu’il a gaspillé inutilement l’effervescence nationaliste de l’échec de Meech et Charlottetown dans une défaite annoncée. De plus, il était évident qu’Ottawa n’allait pas reconnaître un OUI gagnant. Les mémoires de Jean Chrétien nous indiquent quel était le plan d’Ottawa : faire un second référendum au Québec sur la question pour valider une nouvelle entente, puis en cas improbable de victoire, faire un référendum pan-canadien sur la sécession du Québec, pour soumettre le tout à la Cour suprême qui aurait évidemment invalidé la sécession.
En droit canadien et québécois, un référendum n’a aucune portée légale. C’est simplement un processus consultatif. Le référendum de Parizeau n’avait aucune effectivité réelle et Ottawa n’aurait pas accepté la partition de 20% de son territoire national et 25% de sa population pour quelques bouts de papiers.
Jamais le PQ n’est allé voir Ottawa pour lui demander quelle serait sa réponse à une victoire du OUI. Au lieu de faire comme le SNP écossais qui s’était assuré de la reconnaissance de Londres, le PQ a tenté de forcer une consultation populaire qui n’aurait eu aucune portée légale en droit québécois ni canadien.
Il faut bien comprendre qu’un référendum gagnant ne mènerait aucunement à la reconnaissance statutaire d’un État québécois pleinement souverain.
Rappelons que si Paris avait vaguement donné son soutien à la reconnaissance, il n’en était rien de notre plus important partenaire économique et de la grande puissance géopolitique continentale, les États-Unis : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/657990/reaction-washington-victoire-oui-referendum-1995
De plus cette erreur stratégique du 2e référendum par Parizeau a occasionné la « paix linguistique » décrétée par Bouchard sous les auspices de l’ineffable Jean-François Lisée pour ensuite mener au recul national sous Charest et Couillard qui n’avaient qu’à dire « référendum » pour emporter les élections.
Ainsi, l’on peut même affirmer que la CAQ fait davantage entre 2018 et 2023 pour la nation que le PQ des années 1980-1985 (2e gouv. Lévesque), 1994-2003 (Bouchard-Landry) et 2012-2014 (Marois).
Le PQ a certes agi lorsqu’il était au pouvoir, mais plutôt par la mise en place de mesures plus ou moins sociale-démocrates comme aurait pu le faire un NPD provincial. Son action n’était pas -stricto sensu – nationaliste.
Remarquons toutefois que le PQ d’aujourd’hui – celui mené par PSPP – est utile comme lobby nationaliste à l’Assemblée nationale pour faire avancer la défense du français et dénoncer l’immigration massive, mais il faut distinguer le discours péquiste plutôt radical quand il est dans l’opposition de son action réelle mollassonne quand il est au pouvoir.
Notons aussi qu’une victoire de ce parti menant à un 3e référendum – évidemment perdant en plus de n’avoir aucune effectivité et aucune reconnaissance statutaire – serait catastrophique pour l’avenir national.
L’étapisme furtif comme voie de sortie
Dans ce contexte, quel choix reste-t-il aux séparatistes ?
Probablement que « l’étapisme furtif » est le meilleur moyen de faire avancer la cause nationale. Il faut privilégier la méthode des petits pas tout en préparant l’avenir : refuser le changement de peuple en investissant dans la formation spécialisée, la robotisation et l’IA, renforcer la laïcité et la défense de la langue, adopter une constitution du Québec, etc.
Le paradoxe de cette stratégie, c’est que l’étapisme ne peut fonctionner qu’en cachant son objectif final. Il faut laisser croire que le Québec est de bonne foi envers le fédéralisme canadien pour que le grignotage des pouvoirs d’Ottawa se fasse sans trop susciter la méfiance du fédéral, de ses agences de renseignements et des médias.
La « gouvernance souverainiste » des années Marois ne pouvait fonctionner précisément pour cela : en étant identifié comme cherchant volontairement la confrontation avec le fédéral pour mousser son prochain référendum, le PQ était de facto décrédibilisé dans sa recherche de faire avancer l’autonomie provinciale.
Ce fardeau séparatiste n’est pas porté par la CAQ qui adhère officiellement au fédéralisme canadien, même si Legault est suspecté d’être un crypto-souverainiste attendant l’occasion idéale pour révéler son jeu. On ne peut pas savoir exactement ce que planifie la CAQ et quelle tendance – rouge représenté par Dubé et Guilbault ou bleue représenté par S.-J. Barrette et Drainville – contrôle réellement le parti, mais nous pouvons la juger à ses actes.
Le bilan nationaliste de la CAQ se présente comme suit :
1. La CAQ a investi massivement dans la robotisation pour pallier le vieillissement de la population et la pénurie de main-d’oeuvre. https://ledevoir.com/economie/773777/le-quebec-est-de-plus-en-plus-robotise…
2. La CAQ résiste au lobby patronal, médiatique et fédéral en n’augmentant pas l’immigration permanente. https://journaldemontreal.com/2022/05/14/penurie-de-main-duvre-fitzgibbon-veut-plus-de-formation-et-non-plus-dimmigration…
3. La CAQ affronte le fédéral sur sa doctrine multiculturaliste par la laïcité de l’État. https://quebec.ca/gouvernement/politiques-orientations/laicite-etat/a-propos-loi-laicite#:~:text=Interdiction%20du%20port%20de%20signes,l’exercice%20de%20leurs%20fonctions….
4. La CAQ renforce la loi 101 et l’impose de facto aux entreprises à charte fédérale, notamment le CN et Air Canada qui ne voulaient rien savoir il y a quelques années. https://journaldemontreal.com/2023/03/20/air-canada-va-se-soumettre-a-la-loi-96…
5. La CAQ prépare une constitution du Québec. Probablement que celle-ci pourrait être annoncée comme réaction à la possible invalidation de la loi 21 et/ou 96 par la Cour Suprême. https://lapresse.ca/actualites/analyse/2022-02-26/jolin-barrette-planche-sur-une-constitution-du-quebec.php…
Faire la souveraineté sans le demander aux Québécois
Même si le référendum sur la souveraineté est largement rejetée comme option à privilégier, remarquons toutefois que dans tous les sondages d’opinion, les Québécois se disent largement favorables au rapatriement de tous les pouvoirs gouvernementaux à Québec. https://journaldequebec.com/2022/08/27/sondage-irai-leger-sur-les-pouvoirs-dont-devrait-disposer-letat-du-quebec-un-independantisme-qui-ne-dit-pas-son-nom…
Seulement, ils ne veulent pas l’hystérie d’une confrontation politique directe avec Ottawa.
En fait, les Québécois veulent que les souverainistes fassent la souveraineté sans leur demander leur avis.
C’est exactement ce qu’il faut faire.
Bâtir les conditions de la souveraineté par l’autonomisation de l’État québécois plutôt que de sonner le tocsin référendaire en donnant la chance à Ottawa de bien se préparer pour nous infliger une défaite prévisible et nuisible.
Il faut agir au lieu de parlotter.
Et pour agir, il faut prendre le pouvoir.
Et pour prendre le pouvoir, il faut mettre fin au culte référendaire qui rebute l’électorat en plus d’être une stratégie perdante et inutile.
Le Québec ne deviendra pas souverain par la prise des armes comme le fantasmaient les indépendantistes romantico-marxistes des années 1970.
Il ne deviendra pas non plus souverain par un référendum qui ne serait jamais reconnu par Ottawa comme la culmination du « Grand soir » péquiste des années 1980-90.
Si un jour le Québec parvient à la souveraineté, ce sera paradoxalement probablement sur le modèle du Canada face à l’Empire britannique ; c’est-à-dire par un long processus de grignotage des champs de compétences qui mènera de facto à l’établissement d’un État indépendant.
Au lieu de vivre dans des fantasmes référendaires, les séparatistes québécois doivent prendre acte des rapports de force réels et agir sur ceux ci au lieu d’être des éternels passagers déçus de l’histoire.
Source: Lire l'article complet de Vigile.Québec