par Mohamed Taleb
Sous la pression perçante des États-Unis et des sionistes envers les pays réticents ou réfractaires et avec l’engagement et le soutien démesurés de l’Union soviétique à la création de l’État d’Israël, les Nations unies (avec un peu plus de 50 États adhérents à cette époque) ont voté, le 29 novembre 1947, la Résolution 181, une proposition de la Commission spéciale portant sur la partition de la Palestine après le dépôt de mandat des Britanniques. Ces derniers étant en difficulté en raison du processus de décolonisation de l’Inde et en passe d’être détrônés par les États-Unis devenus première puissance mondiale.
Les Nations unies, nouvellement instituées après le choc de la Seconde Guerre mondiale et celui de l’Holocauste nazi à peine achevé (mais dont l’exploitation jusqu’à nos jours et sans limite se décline dans la fabrication d’un rapport de force ouvertement pro-sioniste, dans la visibilité au plan médiatique du futur État d’Israël et dans la diabolisation de l’Arabe et du Palestinien), sont officiellement le piédestal sur lequel s’érige le nouvel ordre international, dominé par les grandes puissances, surtout occidentales.
La partition de la Palestine prend en considération trois zones distinctes. Une partie attribuée aux juifs, équivalant à 54% de la Palestine historique (avec les meilleures terres agricoles), 43% à la population arabe qui formait les deux-tiers de la population globale et enfin 3% pour une zone internationale qui comprenait la ville de Jérusalem et les Lieux-Saints.
Ce plan de partition qui n’a été toutefois qu’une recommandation des Nations unies à la puissance mandataire (Empire britannique), a été rejeté par les Palestiniens et par les États arabes.
Les sionistes, qui, déjà lors de leur congrès en 1942 à l’hôtel Biltmore à New York, avaient mis au point une feuille de route pour l’occupation de toute la Palestine historique, considéraient ce plan comme un point de départ, ad hoc, pour atteindre les objectifs fixés en 1942 et ont ainsi accepté les décisions des Nations unies.
Le plan, n’ayant été accepté que par les sionistes, ne peut cependant avoir force de loi. L’application d’un accord quelconque se prévaut logiquement de son acceptation préalable par toutes les parties concernées. En fait, l’Assemblée générale n’avait aucun pouvoir en la matière. Le Conseil de sécurité, selon Jeremy R. Hammond, interpellé pour débattre de la question, n’a pu trancher sur la mise en application du plan de partage, car dépourvu de tout pouvoir. Ceci permet d’affirmer que la Résolution 181 des Nations unies ne constitue aucune autorité légale pour le fondement juridique du futur État d’Israël et aucun droit à l’expropriation des terres palestiniennes par les juifs, comme le soulignent, bis repetita placent, la rhétorique sioniste et la propagande occidentale, affirmant que ce sont les Nations unies qui ont octroyé le droit de créer un État. La décision de l’Assemblée générale, incompétente sur le partage, ne possédant aucune souveraineté sur la Palestine et privant le peuple Palestinien de son droit à l’indépendance sur toute sa patrie, est en violation de :
- L’article 22 de la Convention de la SDN qui a reconnu provisoirement l’indépendance du peuple palestinien et envisagea un mandat temporaire sur la Palestine en vue d’acheminer ses habitants à une totale indépendance…
- La Charte des Nations unies et du principe de l’autodétermination du peuple de Palestine…
- Violation des principes les plus élémentaires de la démocratie en ignorant de façon flagrante la volonté de la majorité des habitants d’origine qui s’opposèrent à la partition de la Palestine…
Dès le lendemain du vote de la résolution 181, les sionistes entament systématiquement une vague d’épuration et de nettoyage ethniques des Palestiniens. Destruction de villages palestiniens (plus de 500), pillages, dépossessions, expulsion et massacres des populations arabes (le village de Deir Yassine avec plus de 250 victimes de la part des terroristes sionistes de l’Irgoun et du Lehi), chrétienne et musulmane. À ce sujet une lettre de la part de Albert Einstein cosignée par des personnalités juives intellectuelles (Hannah Arendt et d’autres) est adressée au New York Times en décembre 1948 dans laquelle il déclarait : « Parmi les phénomènes politiques les plus inquiétants de notre époque, il y a dans l’État nouvellement créé d’Israël l’apparition du « Parti de la Liberté » (Tnuat Haherut), un parti politique étroitement apparenté dans son organisation, ses méthodes, sa philosophie politique et son appel social aux partis Nazi et fascistes. »
Avant la tant décriée déclaration d’indépendance du sioniste Ben Gourion du 14 mai 1948, se développait la tragédie du peuple palestinien. Une tragédie aux proportions gigantesques avec 800 000 réfugiés qui sont contraints de quitter leur maison ou leur terre pour aller vivre dans des camps.
Les pays arabes venus en aide aux Palestiniens et intervenant dans un conflit armé contre les sionistes ne pourront renverser la situation en raison de leur faiblesse au plan de la préparation militaire (alignement de quelques 20 000 soldats arabes face aux 90 000 soldats israéliens), de l’organisation politico-militaire mais aussi en raison du rapport collusif (et anti-palestinien) entre les sionistes et le Roi Abdallah de Transjordanie. Le mythe du petit David juif, Israël, devant affronter le géant arabe Goliath, est très bien entretenu par la propagande sioniste. Le tout adoubé par la mise en scène de « l’Exodus » juste avant le vote de l’ONU, un rafiot récupéré par les sionistes et transportant près de 4500 juifs qui fuyaient l’Europe pour rejoindre la Palestine, « terre des ancêtres ».
Le conflit armé s’est conclu, d’une part, par la défaite arabe devant les sionistes (formés par les Britanniques et armés par l’URSS via la Tchécoslovaquie) et d’autre part, par la perte de territoires palestiniens. La Ligne verte (Protocole de Rhodes de 1949) délimitera un territoire palestinien de moins de 22% de la Palestine historique, qui sera occupé (de concert avec les sionistes) par la Jordanie jusqu’en 1967.
Le droit au retour aux réfugiés palestiniens et à leurs descendants (en Palestine ou dans d’autres pays arabes) sera institué par la résolution 194 de l’Assemblée générale des Nations unies adoptée le 11 décembre 1948. Une résolution jusqu’ici totalement ignorée par Israël. Ce dernier exprime publiquement son racisme en permettant à n’importe quel juif de par le monde à venir s’installer en Israël et refuser ce droit au réfugié palestinien.
Mais la Nakba palestinienne a commencé bien avant la partition de 1947 et avant même la Déclaration Balfour de 1917, et ce par la négation même de l’existence du peuple palestinien, de son histoire et de son identité.
Le slogan, « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », a été semé aux quatre vents depuis la moitié du XIXe siècle (1854) par le sioniste-chrétien Lord Shaftesbury et à partir de 1890 par le sioniste politique Israël Zangwill (1864-1926), contemporain et coreligionnaire de Théodore Herzl (1860-1904), fondateur, à l’issue du congrès de Bâle (Suisse) de 1897, de l’Organisation sioniste mondiale et père du projet « Foyer national juif » en Palestine. Le récipiendaire de cette terre vide serait le peuple juif, contraint à l’exil depuis l’époque romaine, jusque-là victime, des siècles durant, de l’antijudaïsme chrétien (Europe Est et Ouest) et devenu proie à un antisémitisme naissant des plus agressif.
L’historien Shlomo Sand de l’Université de Tel Aviv, a, dans son ouvrage « Comment le peuple juif fut inventé », démonté le mythe entretenu par la hasbara (propagande) sioniste sur l’exil massif des juifs à l’époque romaine et leur dispersion le long des siècles à travers le monde. Pour Shlomo Sand, aussi bien les Ashkénazes (Khazars du Nord du Caucase) que les Sépharades (autour de la Méditerranée) ne sont en aucune manière de descendance juive mais des populations converties au judaïsme.
Le socle de l’idéologie sioniste selon laquelle les juifs seraient les descendants de Moise, de David et de Salomon est réduit en poussière par Shlomo Sand. Il fait en outre référence à Flavius Josèphe, l’historiographe juif contemporain de l’empereur Titus, qui affirmait à la fin du Ier siècle après J.C qu’il n’y a pas eu d’exil des juifs après la révolte juive de 70 après J.C. contre l’Empire romain. Seules quelques familles de notables avaient quitté la Palestine.
Avant 1880, la population de confession juive (le Yichouve) en Palestine, était de l’ordre de 5% de la population globale (musulmans, chrétiens et autres). En 1872 elle était de 4% ce qui correspondait à environ 16 000 juifs.
En 1870 une école d’agriculture, Mikveh-Israël (Espoir–Israël) fut fondée par Charles Netter, membre de l’Alliance israélite universelle (créée en 1860 avec Adolphe Crémieux et implantée en 1864 en Turquie) qui soutiendra plus tard le projet de Foyer national juif en Palestine. Une parcelle de terrain de 300 hectares (légalement acquise) est mise à disposition de la future école dont le rapport à la terre représente symboliquement le « Retour » à Sion, terre des ancêtres ou moins celui des juifs français.
Ce sont les prémices d’une colonisation de peuplement, teintée initialement de nationalisme.
Les « Capitulations », une série d’accords existant depuis longtemps entre les puissances européennes (qui en tirent d’énormes bénéfices) et l’Empire ottoman constituent une base de départ et un cadre idéal pour entamer de nouveaux échanges avec l’Empire ottoman, orientés beaucoup plus vers la diplomatie foncière et la convoitise des terres palestiniennes. La colonie juive de Petah Tikya voit le jour en 1878.
L’année 1882 marque le début de l’émigration massive juive vers la Palestine après les pogroms de Pologne, de Russie et l’assassinant du Tzar Alexandre II.
Le baron Edmond de Rothschild (Bouclier Rouge) assume un rôle central dans le financement des premières implantations agricoles en Palestine, tel Rishon le Zion, fondée en 1882, qui est de nos jours la 4ème ville en Israël.
Le sionisme politique pré-herzlien a fait son apparition sous l’impulsion du socialiste Moise Hess (contemporain de Karl Marx) avec son ouvrage « Rome et Jérusalem, la dernière question nationale» (premier manifeste sioniste. Leipzig-1862) et plus tard de Léon Pinsker avec son livre « Auto-émancipation » (Berlin-1882).
Faisant référence directement aux expériences de l’Unité italienne sous Camille Cavour et allemande sous Otto Von Bismarck, deux pays se trouvant dans une période cruciale du développement du capitalisme, Moise Hess trace très tôt les premières lignes du nationalisme sioniste.
En 1884-85, la Conférence de Berlin, durant laquelle le partage de l’Afrique sera au centre de la discussion, regroupe les puissances européennes et la Russie. Empire britannique, France, Allemagne, Italie, Espagne etc. s’offrent une portion du « gâteau » africain alors que la Russie tzariste voudrait occuper le flanc occidental du détroit du Bosphore (accès à la Méditerranée à partir de la Mer Noire) et L’élite sioniste prend indubitablement conscience de ce « nouveau » paradigme et c’est avec Théodore Herzl, à partir de 1896, que les contours d’un projet colonialiste sioniste, animé officiellement par l’idée centrale du retour de l’exil des juifs et celle de construire « un rempart de la civilisation contre la barbarie » (à l’instar d’autres États colonialistes), se font de plus en plus explicites.
Avec la première Aliya (montée vers Sion), 35 000 juifs ashkénazes de Russie, de Pologne et de Roumanie s’installent en Palestine entre 1882 et 1904. En 1910 il y aura 80 000 juifs en Palestine. Une grande partie de cette émigration juive, d’obédience socialiste et jeune, est choisie pour la construction non plus d’écoles d’agriculture ou autre mais de Kibboutz.
La Déclaration Balfour du 2 novembre 1917, véritable vaisseau porteur du colonialisme sioniste et adressée officiellement au membre de la fédération sioniste britannique, Lord Rothschild, prévoit l’installation d’un Foyer national juif en Palestine. Après l’attribution du mandat pour la Palestine aux Britanniques en 1922, commencent les premières spoliations au détriment des Palestiniens, leur exclusion de la vie politique et économique.
La Nakba, en marche depuis 1882, culminera en 1948 avec l’expulsion de 800 000 Palestiniens. Mais elle demeure aujourd’hui pour tout le peuple palestinien.
La carte ci-dessous, datant de janvier 1971, est, on ne peut plus éloquente, sur la situation des réfugiés (1 880 393 réfugiés en 1971).
En 2017, les réfugiés palestiniens étaient près de 5,9 millions de personnes (2 286 643 en Jordanie, 1 476 616 à Gaza, 997 173 en Cisjordanie, 618 128 en Syrie et 532 173 au Liban).
Les sionistes s’apprêtent à commémorer le jour de la déclaration d’indépendance du 14 mai 1948, dans un climat de crise interne aigüe entre pouvoir exécutif (Gouvernement Netanyahou droite extrême et religieuse) et pouvoir judiciaire, le premier voulant limiter de manière drastique les prérogatives du second (réduction du contrôle de la Cour suprême pour avoir carte blanche dans la politique de colonisation). La population israélienne manifeste depuis près de 4 mois pour soi-disant sauver la démocratie. Lutter contre la Nakba des Palestiniens n’est pas encore à l’ordre du jour.
Devant cette crise, se dessine une nouvelle configuration au plan régional, le rapprochement Iran-Arabie saoudite, la réinsertion de la Syrie au sein de la ligue arabe (sous l’impulsion de l’Algérie) et au plan global, l’affirmation d’un nouvel ordre mondial, non plus dominé par les États-Unis, soutien indispensable à la survie du système d’apartheid sioniste.
L’isolement grandissant d’Israël se manifeste par la cruauté et la brutalité lors des récentes et actuelles répressions et agressions en Cisjordanie (Huwara) et à Ghaza.
envoyé par Amar Djerrad
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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