par Pierre Duval
Les partisans de l’indépendance de la Polynésie française ont remporté une victoire triomphale aux élections législatives locales dimanche 30 avril. Au second tour des élections, le parti indépendantiste Tāvini huira’atira « Servir le peuple » dirigé par l’ancien president, Oscar Temaru, a obtenu 44,3% des suffrages. Le parti Tapura Ouiraatira, dirigé par le président régional sortant Edouard Fritsch, est arrivé en deuxième position avec 38,5% des suffrages. Pour la première fois de leur histoire, les indépendantistes polynésiens vont disposer d’une majorité stable pour gouverner leur pays.
Les séparatistes ont obtenu la majorité absolue de 38 sièges sur 57 à l’assemblée territoriale. De quoi leur permettre de gérer pendant cinq ans une communauté située au cœur du Pacifique Sud, à 17 000 km de Paris. Cette victoire donne au parti d’Oscar Temaru l’opportunité de négocier la décolonisation et un référendum d’autodétermination en position de force.
L’Élysée en est bien conscient, mais il essaie de minimiser l’importance du triomphe des séparatistes. La Polynésie française jouit déjà d’une certaine autonomie et élabore sa propre politique dans les domaines de la santé, de l’enseignement primaire et secondaire et de l’environnement. À cet égard, elle est plus proche des territoires d’outre-mer britanniques et néerlandais que d’autres possessions françaises telles que la Réunion ou la Guadeloupe. Paris garde la pleine maîtrise de l’enseignement supérieur et de la politique de défense. La Polynésie française a reçu l’autonomie interne en 1984 après des années de négociations avec la France.
La Polynésie française comprend 121 îles avec une population de 280 000 personnes. Les îles possèdent d’importants gisements de gaz et de métaux des terres rares. Oscar Temaru a déjà été cinq fois président de ce territoire, mais à chaque fois il a été démis de ses fonctions à la suite d’intrigues organisées par les services secrets de la métropole.
Selon Libération, il compte cette fois lancer dans la course son gendre, Moetai Brotherson, qu’il doit présenter le 10 mai à la présidence du futur gouvernement.
Tout le monde dans les îles comprend que la métropole tentera par tous les moyens de maintenir la Polynésie française dans son empire colonial. Il est intéressant de remarquer que, peut-être, les partisans les plus réussis de l’indépendance étaient les descendants du général Maxim Leontiev, qui a combattu dans le cadre du corps expéditionnaire russe sur le front occidental pendant la Première Guerre mondiale. Celui-ci s’était installé à Tahiti en 1936.
Les descendants du général formaient l’un des clans les plus influents de Polynésie. Le petit-fils du général, Igor Leontiev, était un multiple « Monsieur Polynésie ». Son frère Alexandre est devenu le représentant de la Polynésie au Parlement français et a obtenu l’autonomie gouvernementale de la Polynésie, puis est devenu le premier chef de son gouvernement. Les Polynésiens honorent particulièrement Boris Leontiev, le fondateur du parti Fetia Api (Nouvelle Étoile), qui s’est battu pour les droits de la population indigène tahitienne.
En 1987, Alexandre Leontiev est devenu Premier ministre de la Polynésie française. En 1991, il quitte ce poste. En 1996, son frère Boris Leontiev, a donc, fondé Fetia Api et a parlé haut et fort du colonialisme français. Il a, notamment, protesté contre le fonctionnement du site d’essais nucléaires sur les îles. La popularité de Boris Leontiev parmi les Polynésiens était incroyablement élevée, ce qui a conduit à sa mort.
Sous la pression du parti de Boris Leontiev, la France a fermé le site d’essais nucléaires et Fetia Api est arrivée aux élections législatives de 2002 avec un sérieux bagage de confiance de la part des insulaires. Le fait était que Boris Leontiev deviendrait Premier ministre de la Polynésie française et qu’il formerait son propre gouvernement et déclarerait sa patrie indépendante.
Un mois avant l’élection, un petit avion avec Boris Leontiev et d’autres dirigeants de son parti à bord a décollé pour rencontrer des électeurs et a disparu. Les autorités ont annoncé que l’avion s’est écrasé au-dessus de l’océan et que personne n’a survécu. Boris Leontiev avait quarante-sept ans.
À Paris et à Washington, ils vont tenter d’interférer sur le référendum concernant l’indépendance de la Polynésie. Cependant, ils n’ont rien à opposer à l’influence chinoise. On peut s’attendre à ce que dans un avenir prévisible, en réponse à l’émergence de nouvelles bases militaires américaines aux Philippines, la Chine établisse ses installations militaires en Polynésie, à proximité immédiate d’Hawaï. Enlisés dans un conflit militaire en Ukraine, les États-Unis et leurs alliés sont en train de perdre la planète entière.
En Corse, le président de l’Exécutif Gilles Simeoni a salué le résultat du scrutin. Il a félicité les vainqueurs des élections et a laissé entendre en toute transparence que « Le message des urnes doit, en Polynésie comme en Corse, être respecté par Paris ». Dans la patrie de Napoléon, ils suivent avec beaucoup d’intérêt ce qui se passe à Tahiti – et si la Polynésie parvient encore à faire sécession, nul doute que la Corse la suivra immédiatement.
source : Observateur Continental
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