Par Grant Babcock − Source libertarianism.org
Les libertariens estiment qu’en politique, la liberté est la valeur la plus importante. Presque tout le monde souhaite la liberté pour soi, mais un libertarien cherche également à protéger et à étendre la liberté des autres.
Lorsque les gens sont libres, nous pouvons créer un monde plus juste, plus prospère, plus sûr et meilleur pour tous.
Un libertarien est attaché au principe selon lequel la liberté est la valeur politique la plus importante. La liberté signifie que vous êtes libre de faire vos propres choix concernant votre vie, que ce que vous faites de votre corps et de vos biens doit vous appartenir. Les autres ne doivent pas interférer de force avec votre liberté, et vous ne devez pas interférer de force avec la leur.
La liberté politique
De nombreuses valeurs autres que la liberté sont moralement importantes, et il existe de nombreuses formes de liberté en dehors de la liberté politique. Les gens parlent de la liberté d’être soi-même, sans être ostracisé par une société étroite d’esprit. Ils parlent de la liberté qui découle de l’indépendance financière. Et ils parlent de la liberté de ne pas être opprimé par des sources autres que l’État.
Certains libertariens considèrent que la lutte pour la liberté en politique fait partie intégrante d’un combat plus large ; d’autres ont une vision plus limitée. Ce qui les unit, c’est la conviction que la liberté est la valeur la plus importante en politique.
Les libertariens envisagent une société pluraliste et cosmopolite, unie par le commerce et les voyages, et non divisée par des antagonismes nationalistes. Ils envisagent un monde où les gens sont libres d’expérimenter différentes manières de vivre, libres d’essayer de nouvelles idées qui pourraient être assez folles pour fonctionner. Un monde animé par l’esprit d’entreprise, qui pose toujours des questions telles que « Comment cela pourrait-il être mieux ? » et « Puis-je créer quelque chose d’entièrement nouveau ? ». Une telle société peut présenter un certain désordre, mais elle serait également dynamique et humaine.
Parce que tous les individus sont égaux sur le plan moral, chacun possédant un large domaine d’autonomie légitime, les libertariens estiment que les revendications d’une autorité spéciale – comme celles des gouvernements à travers l’histoire – nécessitent une justification spéciale. En d’autres termes, les personnes qui revendiquent le droit d’empiéter sur notre liberté ont la charge d’expliquer pourquoi elles ont le droit de le faire.
En outre, les libertariens ont tendance à croire que la plupart (sinon la totalité) des revendications d’autorité spéciale formulées par les différents gouvernements du monde sont injustifiables. Les gouvernements revendiquent des pouvoirs étendus pour contrôler la conduite quotidienne des gens, s’emparer de leurs biens, et même les enrôler dans des guerres. S’ils offrent une justification pour ces pouvoirs, c’est seulement après coup.
Lorsque des gens ordinaires ne prennent pas soin de respecter la vie privée de leurs voisins, ou se permettent de donner des ordres à d’autres personnes ou d’interférer physiquement avec elles, ceux d’entre nous qui sont concernés par la justice et la civilité s’y opposent. Nous pourrions dire : « Arrêtez ça. Occupez-vous de vos affaires ». Mais les agents de l’État agissent comme si les mêmes règles ne s’appliquaient pas à eux. Une fois qu’ils ont décidé de faire quelque chose, ils ne s’arrêtent généralement pas pour se demander si cela les regarde, ou s’ils s’y prennent d’une manière qui ne respecte pas la dignité ou l’autonomie de leurs semblables. Les législateurs, les bureaucrates, la police et les autres agents qui font respecter les ordres de l’État traitent les autres personnes comme des pions sur un échiquier qu’il faut manœuvrer dans la configuration qu’ils jugent la meilleure. Trop nombreux sont ceux qui ne voient pas les gens comme des agents indépendants ayant leurs propres désirs et projets. C’est vrai même dans les sociétés relativement libres.
Les libertariens pensent que nous devons nous imposer, ainsi qu’à nos gouvernements, une norme plus élevée, à savoir qu’une société plus libre est possible et souhaitable. Lorsque les gens coopèrent pacifiquement les uns avec les autres, dans le respect des droits et des libertés de chacun, nous sommes capables de choses incroyables.
Les principes fondamentaux du libertarianisme
De nombreuses cultures dans le monde ont une tradition de liberté, façonnée par les circonstances particulières de chaque société et par les penseurs qui y ont vécu. À mesure que le monde devient plus interconnecté, ces différentes traditions sont de plus en plus en dialogue. Les libertariens se considèrent souvent comme les héritiers modernes de la tradition de liberté qui s’est développée en Europe et dans l’Amérique coloniale.
Le libertarianisme s’enracine, historiquement et philosophiquement, dans le libéralisme des Lumières. Mais bien qu’il s’inscrive dans une tradition intellectuelle vieille de plusieurs siècles, le libertarianisme embrasse une vision de la liberté politique qui est, aujourd’hui encore, révolutionnaire. Les libéraux du siècle des Lumières se sont opposés à l’idée, plus ancienne que la civilisation humaine, que certaines personnes devaient donner des ordres à d’autres, ce qui a ouvert la voie à un conflit qui se joue encore aujourd’hui dans la société. Malheureusement, les vieilles idées ont la vie dure.
Des libéraux comme John Locke ont soutenu que, parce que les gens sont des gens, il y a certaines choses que vous ne pouvez pas leur faire, non pas parce qu’ils sont des aristocrates héréditaires ou ont un autre type de statut spécial ou d’appartenance à un groupe, mais simplement parce qu’ils sont des gens qui partagent avec vous une humanité commune. Les choses que vous ne pouvez pas moralement faire à une personne constituent les droits de cette personne. Nous sommes tous nés avec ces droits – en ce sens, ce sont des droits naturels – et nous ne les devons pas à la générosité ou à l’autorité d’un tiers, qu’il s’agisse d’un individu ou d’un groupe, qu’il soit terrestre ou surnaturel. Nos droits délimitent nos sphères d’autonomie individuelle. Nous avons le droit à l’intégrité corporelle et à la propriété légitimement acquise. En d’autres termes, il serait immoral pour quelqu’un de nous agresser ou de nous tuer, ou de saisir ou d’endommager des biens que nous possédons.
Des libéraux comme Adam Smith ont expliqué les mécanismes par lesquels une économie libre peut changer et s’adapter pour produire au mieux les biens et services que les gens désirent sans aucun plan ou planificateur centralisé. Cette idée – que la production et la consommation économiques peuvent être et sont en grande partie menées dans un état d’ordre spontané – est l’un des principes fondamentaux de l’économie moderne et de la théorie libertarienne. Nous n’avons pas besoin d’un maestro pour indiquer aux marchandises où aller ; les gens échangent des biens et des services de manière indépendante en utilisant leurs propres jugements, et la somme de leurs choix produit un système qui aide à allouer les ressources aux fins les plus efficaces, nous rendant tous plus riches.
Les politiciens modernes, de gauche comme de droite, adhèrent parfois du bout des lèvres à ces idées, mais dans la pratique, ils les rejettent. La législation consiste à imposer un ordre d’en haut, plutôt que de laisser émerger un ordre d’en bas. En élaborant leurs projets, les politiciens négligent trop souvent de donner aux citoyens ce qui leur revient en tant que personnes, les traitant comme des pions et foulant aux pieds leurs droits de décider et de planifier par eux-mêmes.
La nature et l’origine de l’État
Un libertarien se méfie des revendications de légitimité et d’autorité des différents gouvernements du monde. De nombreuses justifications de l’autorité de l’État impliquent une version de l’histoire du « contrat social » – l’idée que les membres d’une société ont accepté d’être gouvernés afin d’atteindre un objectif qui ne peut être atteint que collectivement. Mais même lorsqu’une constitution écrite utilise le langage du contrat social, les justifications de ce type posent toujours de gros problèmes.
D’une part, nous savons que l’histoire a montré que l’État est né d’une institution où les habitants de telle ou telle société ne s’unissaient pas pour le bien commun, mais plutôt pour de la conquête, du pillage et du meurtre. Les chefs de guerre itinérants ont fait évoluer leurs stratégies, passant du vol violent à l’extorsion de tributs, ce qui était moins risqué et plus rémunérateur à long terme. Ils finissaient par s’établir en un seul lieu au lieu de vagabonder, s’imposant comme une classe aristocratique et protégeant leur territoire de leurs rivaux. En gardant cette histoire à l’esprit, les diverses justifications académiques de la légitimité de l’État commencent à ressembler à des histoires égocentriques qui passent sous silence l’origine historique sanglante et exploitante de l’État.
Même si une certaine version de l’histoire du contrat social fonctionne – et les plus sophistiquées tiennent compte de la réalité historique de l’origine de l’État – les libertariens reconnaissent que les habitants d’une société donnée ne peuvent déléguer à un État que des pouvoirs qu’ils possèdent déjà. S’il ne serait pas permis à une personne ou à un groupe de personnes ordinaires d’entreprendre une certaine action, il n’existe aucune propriété émergente des États qui leur permettrait d’entreprendre cette même action. Vous avez le droit de vous défendre contre les voleurs et les meurtriers, vous pouvez donc déléguer ce pouvoir à l’État. Vous n’avez pas le droit d’obliger votre voisin à ne pas boire de bière le dimanche, donc l’État ne pourrait jamais se voir confier légitimement un tel pouvoir.
Aujourd’hui, de nombreux États sont encore ouvertement dirigés pour qu’une classe dirigeante puisse extraire des ressources d’une classe soumise. Et même les démocraties qui fonctionnent bien et qui prétendent servir le bien public partagent les caractéristiques essentielles de leurs cousins plus brutaux et ouvertement exploitants :
- Un monopole sur l’utilisation de la force légitimée dans une zone géographique.
- Le pouvoir d’établir et de faire respecter des règles
- Le pouvoir de saisir de l’argent et d’autres biens et de contraindre à l’exécution d’un travail.
Ces caractéristiques rendent le contrôle de l’État extrêmement attrayant pour les personnes qui veulent utiliser son pouvoir pour leur propre bénéfice et celui des groupes qu’ils favorisent, au détriment des groupes qu’ils n’aiment pas ou de la société dans son ensemble. Certains d’entre eux sont simplement avides d’argent et de pouvoir. D’autres adhèrent à des idéologies selon lesquelles il est moralement bon d’utiliser l’État au profit d’un groupe favorisé. Les motifs mis à part, ces caractéristiques de l’État ont tendance à nous opposer les uns aux autres lorsque nous participons à la politique. La politique nous rend pires.
Conflit et coopération dans la société humaine
On peut diviser les méthodes utilisées par les humains pour acquérir des biens et des services et accumuler des richesses en deux grandes catégories. Le sociologue Franz Oppenheimer les appelle « les moyens économiques » et « les moyens politiques ». Les moyens économiques englobent la production et l’échange, c’est-à-dire le fait de fabriquer soi-même des objets à partir de ce que l’on possède déjà ou de ce que l’on peut récolter dans la nature, de commercer avec d’autres personnes ou de donner et recevoir des cadeaux. Les moyens politiques couvrent toutes les façons de s’approprier des biens appartenant à d’autres personnes par la force ou la fraude, y compris la force organisée de l’État. Il peut sembler étrange, au premier abord, de considérer le vol comme « politique », mais gardez à l’esprit l’origine des États. Lorsque Oppenheimer a qualifié la prise de biens par la force de « moyen politique » d’acquérir des richesses, il avait à l’esprit les origines historiques des États en tant qu’institutions extractives ayant pour but d’enrichir une classe conquérante aux dépens d’une classe conquise, de la manière la plus douce et la plus efficace possible.
Pour un libertarien, une société coopérative, et de surcroît morale, est une société dans laquelle les gens s’appuient sur les moyens économiques d’acquisition de la richesse. Dans le cadre du marché, nous sommes capables de nous réunir pour trouver d’autres personnes qui partagent nos intérêts et de coopérer avec elles pour obtenir des gains que nous ne pourrions pas obtenir seuls en entreprenant des entreprises ensemble ou en faisant du commerce. Parfois, bien sûr, notre prévoyance n’est pas parfaite et nous ne parvenons pas à réaliser ces gains, mais comme les interactions du marché peuvent créer de la richesse, plutôt que de simplement la déplacer, elles peuvent être à somme positive ; une partie gagnante n’implique pas qu’une autre partie perde. Cela nous encourage à considérer les autres comme des collaborateurs potentiels et nous récompense tous lorsque nous coopérons les uns avec les autres. En effet, la science économique nous apprend que plus l’éventail de nos partenaires commerciaux potentiels est large, plus nous serons riches.
La vie humaine – la civilisation – n’est pas seulement une question de richesse au sens strict, bien sûr. Les gens interagissent les uns avec les autres et s’organisent en toutes sortes de groupes à des fins très diverses. Ce qui est important pour un libertarien, c’est de faire en sorte que nos relations avec nos semblables soient pacifiques et consensuelles. C’est de cette manière que nous pouvons faire preuve du respect approprié pour l’autonomie et l’humanité de chacun.
Les interactions pacifiques et consensuelles, que ce soit sur le marché ou dans d’autres aspects de la vie humaine, sont essentiellement prosociales. La politique, selon les libertariens, est fondamentalement antisociale.
Toute loi – qu’elle soit juste ou injuste, connue ou obscure, ancienne ou nouvelle – est en fin de compte une menace proférée sous la menace d’une arme : Ne franchissez pas cette ligne, ou sinon. Lorsqu’il s’agit de lois contre la violation des droits des personnes, cette façon de faire peut être appropriée, mais un grand nombre de lois ne sont pas de ce type. Résoudre les problèmes politiquement signifie qu’un groupe de personnes utilise la violence – ou obtient que d’autres utilisent la violence en son nom – pour imposer sa volonté aux autres sans leur consentement. Pour cette raison, un libertarien a tendance à se méfier de la politique qui joue un rôle important dans les affaires humaines. La voie humaine et pacifique est la meilleure.
Le libertarisme et ses enjeux
Mencius/Mengzi était un philosophe qui a consacré sa vie à voyager dans la Chine ancienne, donnant aux dirigeants des conseils sur la manière de gouverner avec vertu. Bien qu’il ait écrit au IVe siècle avant Jésus-Christ, nombre de ses idées ont des thèmes qui reviennent souvent dans la pensée libertarien. Il pensait que la prospérité morale et matérielle était mieux assurée si l’État laissait les gens se développer librement. Selon Mencius, les personnes au pouvoir doivent être tenues de respecter des normes élevées. Ce n’est pas parce qu’une personne a le soutien de l’État qu’elle peut faire ce qu’elle veut.
Nous avons vu que lorsqu’il s’agit de grandes questions sur la nature de la politique et de l’État, ou sur ce qui fait une bonne société, les libertariens ont une façon de penser distincte. Cette spécificité s’applique également à la façon dont les libertariens pensent aux questions plus modestes. Vous avez peut-être entendu quelqu’un dire qu’en matière de politique publique, les libertariens sont « socialement libéraux et fiscalement conservateurs ». C’est trompeur. Même lorsque les libertariens sont d’accord avec la gauche ou la droite sur une question donnée, ils ont souvent des raisons très différentes pour les conclusions qu’ils tirent, et la plupart du temps, les libertariens sont en désaccord avec la gauche et la droite à la fois. Lorsqu’ils évaluent différentes politiques et institutions spécifiques, les libertariens ont un ensemble cohérent d’idées qui leur est propre. Cela ne veut pas dire que les libertariens sont toujours d’accord. Ils ne le sont pas. Et d’ailleurs, ils ne devraient pas l’être, car le libertarianisme bien compris est une conversation permanente, pas un dogme.
Commençons toutefois par un sujet sur lequel les libertariens ont tendance à être fortement d’accord.
La guerre
Au fil des ans et dans le monde entier, aucune question n’unit les libertariens plus que la guerre, et aucune autre question n’est plus importante. Un libertarien méprise la guerre. En fait, on pourrait considérer que l’ensemble du projet libertarien est une opposition à la guerre et au militarisme : Un libertarien désapprouve le recours à la violence pour amener les autres à faire ce qu’il veut. En outre, un libertarien est hostile aux tentatives de l’État d’imposer une enrégimentation militaire à l’ensemble de la société, en traitant les citoyens comme des soldats – organisés et entraînés par l’État pour atteindre les objectifs de l’État.
Les effets indirects de la guerre à l’étranger sont souvent défavorables à la liberté dans le pays. La taille et le pouvoir de l’État, qui augmentent en temps de guerre, reviennent rarement aux niveaux d’avant-guerre une fois les combats terminés.
Parce que les guerres entraînent inévitablement la mort et la destruction de nombreux biens, menacent les libertés civiles et encouragent la pensée nationaliste au lieu de l’individualisme et du cosmopolitisme, les libertariens considèrent la guerre comme, au mieux, un dernier recours absolu. Des libertariens comme Christopher A. Preble ont fait valoir de manière convaincante qu’une politique étrangère libertarienne doit être modérée, en évitant les guerres de choix, et que l’armée doit être de taille suffisamment réduite à cette fin. Certains libertariens, comme Bryan Caplan, pensent qu’il existe de bonnes raisons de s’opposer à toutes les guerres, et de nombreux libertariens sont inspirés par les idées et les actes de pacifistes comme Léon Tolstoï ou William Lloyd Garrison.
Immigration et commerce
Les libertariens croient en la libre circulation des personnes et des biens à travers les frontières juridictionnelles. Aller de France en Espagne, ou du Mexique en Amérique, devrait être aussi facile que d’aller de Paris à Nice ou d’Indianapolis à Chicago. Si vous pouvez, d’un point de vue éthique, échanger un bien ou un service avec une personne de votre propre pays, vous pouvez, d’un point de vue éthique, échanger ce bien ou ce service avec une personne d’un autre pays, et vous devriez être autorisé à le faire sans interférence bureaucratique ou imposition de tarifs ou de droits de douane de quelque nature que ce soit. Cela vaut pour les biens de consommation comme pour les biens d’équipement. Si vous souhaitez embaucher quelqu’un ou accepter une offre d’emploi, le lieu de résidence de l’une ou l’autre des parties ou le lieu où le travail en question doit être effectué ne devrait pas avoir d’importance.
Le libre-échange et la liberté d’association sont d’énormes bienfaits sociaux. Tous les échanges honnêtes et volontaires constituent une somme positive du point de vue des parties lorsqu’elles s’engagent dans un échange donné, l’acheteur et le vendeur s’en trouvant mieux, sans nuire à une tierce partie. Plus le nombre de partenaires commerciaux potentiels est important, plus la société humaine peut s’enrichir. La suppression des obstacles qui réduisent le nombre de partenaires commerciaux potentiels pourrait nous rendre beaucoup plus riches. Des économistes qui ont étudié l’impact de la suppression des restrictions à la mobilité de la main-d’œuvre ont conclu que le PIB mondial doublerait, selon une estimation médiane. Moins le commerce international est entravé par des droits de douane, des quotas ou des réglementations, plus les acheteurs et les vendeurs ont la possibilité de créer de la richesse.
Drogues
Chacun a droit à l’autonomie corporelle. Cela signifie que chacun d’entre nous est l’arbitre final de ce qui entre ou non dans son corps, qu’il s’agisse de nourriture, de boisson, de médicaments ou de drogues récréatives. Si vous décidez de prendre des drogues, personne n’a l’autorité légitime de vous en empêcher. La décision de consommer des drogues peut être judicieuse ou non, mais cette décision vous appartient et à personne d’autre, car votre corps vous appartient et à personne d’autre.
Si la consommation de drogue vous amène à blesser d’autres personnes ou à manquer à vos obligations, vous êtes moralement et légalement responsable, tout comme vous le seriez si vous passiez toute votre vie à jeun.
Certaines personnes s’opposent à la position libertarienne sur les drogues au motif que la consommation de drogues est associée à divers maux sociaux. Pourtant, l’abus d’alcool peut ruiner des vies et créer des dépendances plus fortes que les drogues dites « dures », et peu de gens soutiendraient aujourd’hui que la prohibition est une bonne solution ou qu’elle serait meilleure pour le toxicomane. En outre, bon nombre des problèmes sociaux liés à la consommation de drogues sont des conséquences non pas de la consommation elle-même, mais de la politique gouvernementale – la calamiteuse « guerre contre la drogue ».
La criminalisation de l’achat, de la vente et de la consommation de drogues rend plus difficile le traitement des toxicomanes, rend les drogues qu’ils consomment plus puissantes (pour faciliter la contrebande) et augmente le risque qu’ils tombent sur un produit dangereusement contaminé (parce que les consommateurs du marché noir n’ont aucun recours lorsqu’on leur vend des produits de mauvaise qualité). La prohibition contribue également à une crise permanente d’incarcération de masse qui a détruit des communautés et déchiré des familles, tout comme la dépendance peut le faire. Enfin, et ce n’est pas le moins important, la prohibition a donné aux cartels criminels et aux gangs de rue un marché captif pour un produit exceptionnellement rentable, créant ainsi un violent marché noir de la drogue – qui a déjà coûté beaucoup trop de vies – qui autrement n’existerait tout simplement pas à une échelle comparable.
La justice pénale
Un libertarien croit fermement en la nécessité d’une protection procédurale complète des droits des innocents et des coupables tout au long de leur parcours dans le système de justice pénale, de l’arrestation au procès, à la condamnation et à l’exécution de leur peine.
Dans le cadre de l’administration de la justice pénale, l’État exerce certains de ses pouvoirs les plus potentiellement dangereux, à savoir l’intrusion dans la vie privée des gens, la saisie de leur personne ou de leurs biens et la restriction de leur liberté d’action. C’est pourquoi les agents de police, les procureurs et les juges doivent être soumis à un examen très strict et être tenus de respecter les normes de conduite les plus élevées.
Cela est d’autant plus vrai si l’on considère l’importante surcriminalisation inscrite dans les lois de la plupart des pays. En effet, les spécialistes s’accordent à dire que les citoyens ordinaires et respectueux des lois commettent régulièrement des délits sans même le savoir. Cela signifie que la décision de savoir qui est accusé d’un crime est presque entièrement laissée à la discrétion de la police et des procureurs. Ils n’exercent pas toujours cette discrétion à bon escient.
Des progrès sont possibles si des réformes substantielles sont entreprises. Nous pourrions commencer par abolir l’immunité qualifiée, une doctrine juridique qui permet aux fonctionnaires de ne pas être tenus pour responsables de la violation des droits des citoyens – même de manière extrême et déraisonnable – à moins qu’un cas presque identique n’ait déjà été soumis au tribunal. Nous pourrions également démanteler les syndicats de police, qui rendent extrêmement difficile le licenciement des officiers qui ont prouvé leur incompétence ou leur dangerosité. Pour remédier au fait que la population carcérale américaine est extraordinairement importante par rapport à celle d’autres pays, nous devons examiner de près les comportements qui sont légalement interdits et la durée d’emprisonnement des transgresseurs. Au minimum, cela signifie que nous devons cesser d’envoyer les gens en prison pour avoir consommé des drogues, qui n’auraient jamais dû être interdites en premier lieu ; cela signifie également que nous devons réévaluer les peines imposées pour des crimes plus graves, comme le vol, l’agression ou le meurtre.
Les droits civils
Les gouvernements accordent généralement à leurs citoyens, et aux autres personnes soumises à leur autorité, certains droits et privilèges. Parfois, il s’agit de protections formelles des droits naturels des personnes – par exemple, le premier amendement protège le droit naturel des personnes à la liberté d’expression. D’autres fois, les droits civils sont des choses qui n’ont de sens que dans le contexte d’un ensemble donné d’institutions – par exemple, le droit de vote, le droit à un procès par jury ou le droit à un avocat commis d’office. La section sur la justice pénale a déjà commencé à expliquer ce que les libertariens pensent des droits civils, mais tous les droits civils n’impliquent pas des procès pénaux.
Au-delà des questions de justice pénale, un libertarien est généralement favorable à un ensemble large et solide de droits civils protégeant les personnes de manière aussi égale que possible, indépendamment de leur appartenance à un groupe ou de leur statut social. Cela inclut des éléments tels que des protections solides de la vie privée contre la surveillance de l’État, les droits de pétition et de protestation, et le droit d’accès aux documents gouvernementaux.
Soins de santé
Votre corps vous appartient. Tout comme vous avez le droit fondamental de refuser des soins médicaux qui pourraient vous être bénéfiques, vous avez également le droit fondamental d’essayer des traitements médicaux qui présentent des risques.
La loi doit protéger les patients contre la fraude et les coûts qu’ils n’ont pas consentis à encourir. Elle devrait également prévoir des mesures proportionnées et soigneusement circonscrites pour arrêter la propagation de maladies contagieuses graves ou mortelles, dont la transmission équivaut à une agression violente.
Non seulement l’État échoue souvent à fournir de telles protections, mais il viole régulièrement votre droit de choisir vos fournisseurs et vos traitements médicaux. De plus, il viole le droit des innovateurs à proposer de nouveaux et meilleurs produits. Cela bloque les innovations qui rendraient les soins de santé meilleurs, moins chers et plus sûrs, en particulier pour les plus vulnérables. Par exemple, c’est le gouvernement qui a créé et perpétue le système américain d’assurance maladie basé sur l’emploi, qui vous prive de votre couverture dès que vous êtes trop malade pour travailler.
Les institutions bénévoles peuvent faire un meilleur travail que le gouvernement pour garantir que chacun reçoive les soins dont il a besoin. Les forces concurrentielles ont amélioré la qualité tout en réduisant les coûts dans tous les autres secteurs de l’économie où elles ont été autorisées à opérer. Elles peuvent faire de même pour les soins de santé, si le gouvernement les laisse faire. Les marchés d’assurance concurrentiels ont rendu la couverture plus sûre que le système imposé par l’État, basé sur l’emploi. Les formes non commerciales de mise en commun des risques, comme les ministères du partage, sont un autre moyen pour la coopération volontaire d’améliorer l’accès aux soins. Si la charité privée peut jouer un rôle, un monde libertarien laisserait moins de gens dépendre de la bienveillance des riches pour l’accès aux soins.
Éducation
Le système scolaire public sert mal les enfants parce qu’il n’est pas du tout conçu pour servir les enfants. Comme les enseignants et les administrateurs des écoles publiques dépendent des recettes fiscales, et non des frais de scolarité, ils sont incités à répondre aux caprices des politiciens plutôt qu’aux besoins des élèves. Cela pénalise les meilleurs enseignants des écoles publiques qui font bien leur travail.
Le contrôle politique de l’éducation entrave la capacité du système éducatif à répondre aux besoins des élèves. Il est également dangereux sur le plan social. Depuis sa création, l’objectif de l’enseignement public est de faire de l’élève non pas un bon voisin et une personne équilibrée, mais un bon sujet, ce qui est une chose très différente. Les écoles publiques récompensent avant tout l’obéissance et la conformité, car ce sont les qualités que l’État recherche chez ses sujets.
L’écrivain du XVIIIe siècle Mary Wollstonecraft est aujourd’hui considérée comme l’une des mères fondatrices du féminisme. Dans son célèbre ouvrage intitulé A Vindication of the Rights of Woman, elle plaide pour la reconnaissance de l’égalité fondamentale des hommes et des femmes. Tout au long de ses écrits, à l’instar de John Locke, Wollstonecraft affirme que les gens ont des droits innés et que le but de l’État est de consacrer et de protéger ces droits indépendamment du sexe, de la race ou de la classe sociale.
Toute mesure qui rend les écoles responsables devant les élèves et leurs parents, plutôt que devant l’État, est susceptible d’améliorer l’éducation. Les crédits d’impôt pour l’éducation sont l’une de ces mesures. Mais en réalité, l’éducation n’a pas du tout besoin de financement public, même pour les pauvres. Les écoles publiques ont complètement laissé tomber les pauvres en Amérique – elles sont souvent à peine mieux que rien, et parfois pire – et dans le monde entier, les pauvres sont mieux servis par un enseignement privé bon marché, et non par les écoles publiques.
Comme pour les soins de santé, nous pouvons espérer les meilleurs résultats au prix le plus bas et avec le plus d’innovation lorsque les personnes qui utilisent les services sont celles qui les paient.
Régulation économique
Dans tout échange honnête et volontaire sur le marché, les deux parties sont convaincues à l’avance qu’elles vont bénéficier de la transaction, sinon elles ne l’accepteraient pas. Un libertarien estime que ce fait constitue un argument de poids pour ne pas s’opposer à de tels échanges.
Les libertariens comprennent l’importance de l’ordre spontané et émergent dans les affaires humaines. Il peut y avoir de l’ordre sans que personne ne donne d’ordres. Expliquer comment cela est possible est l’une des tâches de l’économiste. L’un des principaux mécanismes de l’ordre spontané est le système de prix qui émerge des participants au marché échangeant des biens et des services contre de l’argent. Les signaux de prix sont porteurs d’informations importantes.
Le respect de la réglementation impose un coût fixe aux entreprises, ce qui favorise injustement les grandes entreprises en place par rapport aux petits nouveaux concurrents.
Conclusion
Dans son livre O Abolicionismo, publié en 1883, l’abolitionniste brésilien Joaquim Nabuco exhorte :
Éduquez vos enfants, éduquez-vous vous-mêmes, dans l’amour de la liberté des autres, car ce n’est qu’ainsi que votre propre liberté ne sera pas un cadeau gratuit du destin. Vous serez conscients de sa valeur et vous aurez le courage de la défendre.
Presque tout le monde souhaite la liberté pour lui-même. Il est moins courant de valoriser la liberté des autres, en particulier des personnes qui peuvent être très différentes de nous et se comporter d’une manière qui nous déplaît. Le libertarianisme, et la tradition libérale plus large dont il fait partie, recherche la liberté pour tous.
On a parfois l’impression que la liberté ne sera jamais réalisée. Que les gens sont trop pris par leurs instincts autoritaires et tribaux pour apprécier à sa juste valeur la liberté humaine. Que ceux qui détiennent le pouvoir ont une emprise trop forte et ont tout intérêt à la resserrer davantage. Le désespoir, cependant, serait un manque de vision. Le statu quo n’est immuable que jusqu’à ce qu’il ne le soit plus. Le progrès n’est pas inévitable et n’est pas linéaire, mais de mémoire d’homme, de nombreux gains réels pour la liberté humaine, suffisamment importants pour être historiquement significatifs, ont eu lieu. Aujourd’hui, et chaque jour suivant, nous pouvons faire les prochains pas vers un monde libre.
Grant Babcock
Rédacteur en chef de Libertarianism.org pour la philosophie et la politique et spécialiste de la philosophie politique. Il s’intéresse à l’action non violente, à l’épistémologie des sciences sociales, à l’économie autrichienne, à l’anarchisme libertaire et à la recherche de réponses libertaires compatibles aux problèmes culturels. Grant est titulaire d’une maîtrise en politique publique avec une concentration en philosophie et politique sociale de l’université George Washington.
Note du Saker Francophone
Le terme Libertarien est souvent cité par les auteurs anglo-saxons, on vous propose ce texte sur ce sujet depuis une source référence, libertarianism.org, pour vous donner l’occasion de vous faire votre propre idée. Un autre texte suivra sur Murray Rothbart.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Source: Lire l'article complet de Le Saker Francophone