Oui, j’ai mal parce que j’ai le sentiment qu’en quelques jours, on a entaché tout le travail réalisé au cours des dernières années afin de valoriser la profession enseignante. J’ai mal de voir l’ensemble des enseignantes et enseignants éclaboussés parce qu’on a braqué les projecteurs sur une situation malheureuse, sur une faute commise par l’une des nôtres. La violence, qu’elle vienne des élèves, des parents ou du personnel, c’est tolérance zéro. Je suis également exaspérée de constater qu’encore une fois, des gérants d’estrade profitent du contexte pour ramener la fausse bonne idée d’un ordre professionnel des enseignantes et enseignants.
Vous me direz que trop souvent, la violence est banalisée, que des directions font preuve de complaisance et que des parents excusent des attitudes et des comportements dès lors que leur enfant est réprimandé. Vous me direz que c’est deux poids, deux mesures, que nous devons faire preuve d’un comportement irréprochable, alors qu’on tolère le manque de respect chez les élèves, parfois chez les parents. C’est vrai. Le professionnalisme exige une conduite éthique.
Est-ce qu’un ordre professionnel est nécessaire pour autant? La réponse est non. La mission centrale d’un ordre professionnel est d’assurer la protection du public. Or, la profession enseignante est très encadrée. Elle l’était déjà au début des années 2 000, lorsque l’Office des professions du Québec concluait qu’un ordre s’avérait inutile. L’imminent Claude Castonguay en était arrivé au même constat. Depuis, nous avons ajouté la ceinture et les bretelles. Il y a maintenant une vérification des antécédents judiciaires et de la formation continue obligatoire pour le personnel enseignant. Dans chaque centre de services scolaire, on retrouve dorénavant un protecteur de l’élève chargé du traitement des plaintes. Son rôle sera d’ailleurs renforcé à la prochaine rentrée scolaire avec l’arrivée en vigueur du protecteur national de l’élève et des protecteurs régionaux qui agiront à titre d’ombudsman de l’éducation. Il existe également un mécanisme de plainte qui permet la mise sur pied d’un comité d’enquête lorsqu’on estime qu’un enseignant a commis un acte dérogatoire à la profession ou une faute grave. Ce processus peut même mener à la révocation du brevet d’enseignement. La Loi sur l’instruction publique prévoit aussi que la direction s’assure de la qualité des services éducatifs dispensés dans son établissement. À ce titre, elle peut donc entreprendre un processus de supervision pédagogique.
Est-ce que tout est parfait? Absolument pas. Les mécanismes existent, mais ils sont parfois méconnus et ceux qui en sont responsables doivent avant tout jouer leur rôle. L’Ordre des ingénieurs n’a pas empêché la collusion dans le secteur de la construction et le financement sectoriel des partis politiques. À Joliette, une situation dramatique est survenue dans le secteur hospitalier bien que la profession soit elle aussi encadrée par un ordre.
Quant au rôle des syndicats enseignants, il a l’obligation légale d’assurer une défense à ses membres. Ce n’est pas pour autant qu’il défend l’indéfendable! Un processus disciplinaire est prévu dans le contrat de travail. Il s’applique généralement en respectant certaines étapes pour permettre à l’enseignant de s’amender. Toutefois, il arrive qu’une faute grave mène immédiatement à une sanction lourde, comme la suspension sans solde, voire le congédiement.
Après une semaine chargée en émotions, ces événements permettront-ils de pousser la réflexion plus loin? L’enseignement fait actuellement face à une pénurie de personnel légalement qualifié sans précédent. La désertion professionnelle tant au début qu’en fin de carrière s’accentue, tandis que les conditions d’enseignement se dégradent. Ne cédons pas aux promesses d’une solution miracle qui ne serait qu’une fuite en avant collective. Donnons plutôt aux enseignantes et enseignants les conditions qui leur permettront de se sortir la tête de l’eau et de bien faire leur travail au quotidien.
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