Les tradwives, le mouvement ultraconservateur qui prône le retour de la femme au foyer : Mariage, ménage, maquillage : elles prônent le retour d’une vie à l’ancienne, débarrassée des tracas éventuels du célibat ou d’une carrière à mener. Entre position réactionnaire et étrange désir de sécurité.
Elle se présente face caméra, très apprêtée. Son maquillage est toujours impeccable, sa peau si lisse qu’elle semble irréelle. Elle porte des jupes midi plissées, de longues robes corsetées et, quand elle officie en cuisine, c’est avec un tablier à froufrous : rien, dans son apparence, n’est laissé au hasard. Estee Williams est une Américaine de 25 ans, originaire de l’État de Virginie. Avec près de 84.000 abonnés sur TikTok, elle est l’une des tradwives les plus en vue du moment. Contraction de l’anglais « traditional » et « wife », le terme, en français, peut se traduire par « épouse traditionnelle » : soumise à son mari, elle n’a pas d’emploi et consacre son temps à s’occuper de son foyer. Une position totalement assumée, et même revendiquée.
Une sous-culture digitale
Les tradwives ont émergé et prospèrent sur les réseaux sociaux. Né en 2017, au début du mandat de Donald Trump à la présidence des États-Unis, le phénomène a continué de progresser en 2022 : avec plus de 152.000 mentions sur les réseaux sociaux, le terme « tradwife » a atteint un pic l’année dernière […].
Mais toutes n’ont pas le look léché, très pin-up des années 1950, d’Estee Williams. D’autres, comme la Française Hanna Gas, 36 ans, créatrice du blog Apprendre les Bonnes Manières, reprennent moins les codes du « sex-symbol » rétro que ceux, très sages, de l’épouse du début du XXe siècle. Et rejoignent la mouvance « modest fashion », une « mode pudique » et qui consiste à montrer le moins de peau possible. Hanna Gas porte ainsi des robes longues, bien taillées mais jamais moulantes, sans décolleté et aux manches trois-quarts.
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La vie domestique
Cuisine, ménage, courses, repassage, et s’occuper des enfants quand il y en a : telle est la journée-type d’une tradwife. Estee Williams passe par exemple entre trois et cinq heures par jour en cuisine, où elle réalise des prouesses : vareniki (des ravioli russes) à l’aneth, riz pilaf persan, pâté de chevreuil – que son mari, Connor, est allé chasser —, sans compter le pain fait-maison et les innombrables smoothies composés d’une douzaine d’ingrédients.
Une attitude qui s’inscrit dans la tendance « cottagecore », à savoir le développement sur les réseaux sociaux d’images véhiculant une vision romancée de la vie agraire. Lasses du monde moderne, bruyant, dangereux et donc anxiogène, les tradwives prônent souvent une vie « plus simple », faite de jardinage, de lecture et de crochet.
« Féminine, pas féministe »
Le mariage est l’un des piliers de la philosophie des tradwives. Et pour qu’il fonctionne à merveille, cultiver sa féminité est essentiel. Le compte Instagram @thetradwivesclub décrit l’attitude à adopter : « Pour qu’une femme attire un homme de qualité, elle doit être féminine, soumise, belle et gentille ». […] Je mets les désirs de mon mari avant les miens. Remplir les besoins de son mari est ce qui bénéficie le plus au mariage ». Sous plusieurs de ses publications, un hashtag : #femininenotfeminist (féminine, pas féministe, NDLR).
Selon les tradwives, le féminisme moderne aurait en effet rendu les femmes plus vulnérables, en multipliant notamment les injonctions à leur égard : en plus de s’occuper du foyer et de leurs enfants, elles doivent aussi construire une carrière professionnelle.
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À contre courant
Mais qu’est ce qui a poussé ces jeunes femmes à s’enfermer dans leur cuisine ? Et à nager à contre-courant d’une époque prônant la libération et l’empowerment féminin ? […] Hanna Gas, autoproclamée « apprentie lady des temps modernes », propose une série de cours monétisés enseignant l’élégance ; de « MumPreneur Catholique » à « Séduire sans faire le premier pas » en passant par « Objectif Prince Charmant », tous sont répertoriés sur son site. Au cours d’un entretien avec la plateforme d’informations The Conservative Enthusiast, elle décrit son cheminement vers ce mode de vie : « J’étais une féministe convaincue. J’étais le deuxième homme de la relation. Je savais mieux que mon mari comment il devait se conduire, quoi dire, quoi faire, etc. Ce fut une période sombre. J’ai voulu en finir. Et c’est à ce moment-là que Jésus est venu me chercher. Tout a changé. Le nettoyage fut abrasif. Mais que de grâces par la suite ! J’ai appris la féminité, la complémentarité homme/femme. J’ai appris à tenir ma place. »
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