par Gideon Levy
Note du traducteur : quand l’auteur parle d’occupation, il désigne celle des territoires palestiniens (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est) initiée pendant la Guerre des Six Jours de juin 1967 (sans oublier les hauteurs du Golan syrien), mais pas la Palestine de 1948 appelée Israël, qui n’a pas de frontières officielles et est donc le seul pays « élastique » au monde. Encore une fois, répétons-le, la seule solution est un seul État démocratique de la mer au Jourdain, fondé sur le principe « Une personne, une voix ».
Jeudi dernier dans la soirée, en un seul instant, tout a fusionné en une seule image. Un homme armé a commencé à tirer sur les passants de la rue Dizengoff à Tel-Aviv, alors que les derniers manifestants de la journée contre le coup d’État judiciaire se dispersaient pour rentrer chez eux. Les premiers rapports étaient confus, comme à l’accoutumée : s’agissait-il d’une attaque terroriste, d’un incident criminel ou peut-être d’une tentative d’assassinat politique ? Pendant un moment, la protestation contre le gouvernement a été liée à l’occupation.
La situation s’est rapidement éclaircie. L’attentat n’avait rien à voir avec la manifestation, mais il n’est plus possible de continuer à occulter le lien : l’occupation est à l’origine de la plupart des maux contre lesquels les Israéliens manifestent aujourd’hui, même s’ils ne veulent pas l’admettre. Elle est à l’origine de tous les maux. Sans elle, Israël serait un meilleur endroit ; sans elle, de nombreuses forces de destruction ne seraient pas aussi puissantes. C’est pourquoi il est temps d’admettre que l’occupation et les colonies ont vaincu l’État d’Israël. Elles ont gagné, et l’État s’effondre sous elles. Ce qui a commencé avec la guerre des six jours de juin 1967 et le seder de la Pâque d’avril 1968 au Park Hotel d’Hébron a atteint le cœur même du pays, s’y est installé, l’a rongé de l’intérieur et l’a fait pourrir. Le processus a pris plus de temps que prévu, mais il se déroule maintenant sous nos yeux blasés à une vitesse alarmante. Le sort en est jeté. Il est dommage que les protestataires et les manifestants n’en voient pas l’origine.
Il n’a jamais été juste de tout relier à l’occupation. Ceux qui l’ont fait ont choisi la facilité. Israël est confronté à une foule d’autres défis et maux qui n’ont rien à voir avec elle. Mais l’occupation éclipse tout. Sa malédiction pèse également sur le coup d’État judiciaire. La plupart des forces qui motivent le coup d’État ont germé dans les serres des colons ou de leurs champions et complices. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas de colonies – et s’il n’y a pas de colonies, il n’y a pas de Bezalel Smotrich, pas d’Itamar Ben-Gvir et pas de Simcha Rothman. C’est aussi simple que cela. S’il n’y a pas d’occupation, il n’y a pas autant de porteurs de kippa dans toutes les sphères du pouvoir. S’il n’y a pas de désir d’annexion et d’avidité pour les territoires, il n’y a pas de Yariv Levin. S’il n’y avait pas d’occupation, il y aurait toujours du racisme, mais moins. Peut-être même que Benjamin Netanyahou aurait été différent. Toute la politique israélienne aurait été différente si le maintien de l’occupation n’était pas devenu son principal objectif.
L’occupation a donné naissance à la nouvelle figure générique de l’Israélien : un tyran qui n’a de comptes à rendre à personne. Agressif, généralement ignorant. Il ne respecte pas la loi et l’ordre, ni le monde. Tout est permis, y compris le mensonge, au nom de la terre d’Israël. La corruption est également née là, entre la vallée de Dotan [Sahl Arraba] et les collines du sud d’Hébron [janub jabal alkhalil]. Ce n’est pas qu’il n’y avait pas de voleurs et d’assassins avant le Conseil des colonies de Yesha, mais le pourrissement judiciaire, la tromperie comme norme, le vol comme politiquement correct et, bien sûr, la violence comme phénomène légitime et même vénéré – tout cela a prospéré dans l’occupation. Si c’est permis là-bas, pourquoi pas ici ? Ceux qui ont été formés à brûler et à tirer à Huwara comme option première et préférée n’abandonneront pas facilement cette idée à quelques kilomètres à l’ouest. Je le répète : l’occupation n’est pas responsable de tout, mais elle l’est bien plus qu’Israël ne l’admet. Il est très triste que la majorité du camp protestataire ne l’ait pas encore reconnu.Sans l’occupation, il n’y aurait pas de coup d’État judiciaire. Oui, c’est aussi extrême que cela. Le pouvoir judiciaire – qui n’est pas le pire système du gouvernement israélien – a été choisi comme cible du bouleversement principalement parce qu’il est le dernier contrôle avant la libération définitive des rênes. Même avec le système judiciaire tel qu’il est, il est possible de faire presque n’importe quoi dans les territoires, mais son élimination relâchera le dernier frein. Il sera alors possible de voler en plein jour et non plus dans l’obscurité de la nuit, d’exécuter des personnes dans le cadre d’un procès et pas seulement par des assassinats ciblés, d’expulser, d’arrêter, de torturer et de détruire sans entrave. Le durcissement de l’occupation est donc l’une des principales motivations du coup d’État. Sans elle, la droite pourrait s’accommoder du pouvoir judiciaire si seulement il lâchait la bride à Netanyahou.
Imaginez Israël sans l’occupation. Vous verriez un pays tellement différent.
L’occupation n’est pas responsable de tout, mais elle l’est bien plus qu’Israël ne l’admet. Il est dommage que la plupart des manifestants ne le reconnaissent toujours pas.
source : Haaretz via Tlaxcala
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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