De l’hybris au Covid-1776
…Ou l’hybris comme pathologie-bouffe de la modernité
5 février 2023 (17H15) – L’hybris (“ὕβρις” en grec, me souffle-t-on) est un mot aussi vieux que les Anciens et la désignation d’un trait de un caractère qui s’apparente à une malédiction pour l’être humain, à laquelle le conduisent le pouvoir et la jouissance lorsqu’il acquiert l’un et l’autre sans l’esprit de mesure dont l’hybris est l’exact contraire. La question principale qui me vient à l’esprit est alors de savoir si l’hybris est une cause ou une conséquence, s’il existe en gestation sinon en action au départ de la montée de la puissance ou s’il se crée de lui-même à l’issue de cette montée de la puissance. La question reste toujours posée et n’y peut répondre qu’une conviction ou l’autre, – ce qui justifie que je puisse proposer le terme de “malédiction” répondant à une conviction, celle de l’existence d’un
« un état de malheur inéluctable qui semble imposé par une divinité, un sort maléfique, jeté sur un individu ou une communauté, ou le destin. »
Cela est pour dire qu’il règne autour de ce caractère catastrophique de l’hybris une ombre d’en-dehors de la rationalité et des considérables considérations morales de SapiensSystème, quelque chose qui concerne la tragédie du destin pris comme une force hors de notre maîtrise. Le texte ci-dessous, d’origine russe, propose une définition historique, ou métahistorique de l’hybris, sorti des références de l’antiquité grecque et s’appuyant sur les travaux du juriste et spécialiste des relations internationales Hans Morgenthau (à ne pas confondre avec l’autre, – sans lien de parenté, – le Henry Morgenthau du fameux ‘Plan’ qui porte son nom). Ici, le concept d’hybris nous est proposé également pour expliquer le comportement catastrophique de l’Amérique (les USA, me rectifie-t-on), comme il le fut pour expliquer Athènes, Alexandre, Napoléon et d’autres tragédies.
« Dans cette interprétation, c'est l'ὕβρις qui est la cause du déclin et des défaites d'Athènes. L'absence de la vertu de maîtrise de soi conduit au déclin du pouvoir hégémonique. Seule la maîtrise de soi, une mesure, permet de gouverner efficacement. Sinon, c'est le désastre.
» “L'arrogance de la tragédie grecque et shakespearienne, le manque de retenue d'Alexandre, de Napoléon et d'Hitler sont des exemples de situations extrêmes et exceptionnelles”, a noté Morgenthau. »
Cette approche m’apparaît tout à fait justifiée (sans répondre à la question centrale esquissée plus haute). Appliquée à notre époque, ce qui est le but de l’auteur, elle devient ce qui est proposé comme titre à l’article, – que je mets en exergue tant il m’apparaît important et mériter un débat sérieux (je préfère “clef” à “clé” parce que le premier semble être la forme la plus ancienne) :
« Hybris, le mot clef de la politique américaine », – traduit plus commodément (on verra plus loin) en :
« Hybris, le mot clef de la modernité ».
C’est en effet là où je veux en venir ; “hybris” est bien là, mais dans la période actuelle qui est si particulière. Je constate alors, – plus que je ne conteste tant c’est l’évidence, – que le mot ne définit pas l’Amérique seule ; et qui plus est, je constate qu’il ne faut pas s’en tenir à la définition de la façon classique mais en venir à une définition différente, nouvelle. Il s’agit pourtant bien d’hybris avec ses vices profonds et catastrophiques que l’on y trouve habituellement, mais alors ce n’est pas un trait de caractère même outrancier, mais bien une pathologie de la psychologie acquise sans guère de ces événements qui le justifie d’habitude, mais grâce au simulacre (ah, ce mot) de ces événements.
L’Amérique a été fondée sur la certitude d’être d’origine divine et de ne pas répondre aux normes de l’histoire, trônant derrière une infranchissable barrière morale. Elle a été créée les mains propres et les a gardées dans le même état, – du moins est-ce la narrative officielle que les wokenistes voudraient remplacer par une autre, chacun employant la même méthode. Tout cela se fait aisément parce que la principale activité de ce “Nouveau-Monde” est la communication avec tous les moyens des sculpter l’information, – « L’information, ça se travaille », dit un communicant, – l’histoire qui en découle, la réputation qu’on en tire, l’influence qu’on en exerce à partir de l’immense simulacre ainsi créée.
L’Amérique n’a fait qu’une seule fois une “guerre existentielle”, de celle qui marque l’histoire, et ce fut contre elle-même : la Guerre de Sécession. Pour les grandes guerres auxquelles elle a participé, elle est toujours intervenue très tardivement, alors que les futurs vainqueurs avaient fait de loin l’essentiel de la lutte. La seule partie de guerre où elle joua un rôle important fut celle du Pacifique durant la Deuxième Guerre mondiale. Pour les autres théâtres, les Britanniques et surtout les Russes se chargèrent de l’essentiel. Sa maîtrise sur le monde fut celle de l’usurier, pillant le crédit que les autres étaient obligés de contracter chez elle. Depuis 1945, où elle domine le monde après n’avoir subi aucune de ces guerres qui ont dévasté tous les autres, elle a entrepris un nombre respectable de conflits, le plus souvent dans la plus complète anomie du mépris complet pour les “règles” dont elle parle tant, et n’a connu que des défaites dans celles qui comptèrent réellement, que ses employés réglèrent en dollars et en trahison de leurs “collabos”. Sa puissance est donc un complet simulacre qui emploie la communication et l’influence, et pratique la corruption, la trahison et la cruauté sans embarras de conscience.
L’Amérique est pourtant gonflée d’hybris, grosse et grasse un peu à la manière de ses citoyens dévoreurs de McDo. Elle n’a aucunement la sagesse de l’usurier qui doit, pour prospérer, se montrer discret et dissimuler sa fortune. J’en déduis que son hybris n’est pas le produit d’une gloire démesurée engendrant une puissance irrésistible, comme un Alexandre ou un Napoléon, ni celui d’une tragédie grecque ou shakespearienne car les seules tragédies qu’elle sait faire sont des tragédies-bouffe tournées en carton-pâte à Hollywood. Elle est une pathologie, une sorte de Covid-1776 dont elle use pour infecter tous ses citoyens, et même au départ ses initiateurs, les Pères-Fondateurs trompés par la dialectique du Diable
« “Tout, tout est perdu…”, souffla Jefferson comme une confidence ultime, dans son dernier souffle de vivant, parlant de l’Amérique dont il avait rêvé…
Certes, son docteur Faust a procuré à l’Amérique quelques habiletés de caractères permettant de se porter bien, contente de soi et sûre de sa vertu alors qu’on traîne avec soi la maladie de la Mort du Monde. C’est le caractère de l’inculpabilité et celui de l’indéfectabilité qui l’immunisent contre la culpabilité et la défaite..
L’hybris est bien la cause des choses et nullement leur conséquence, dans le cas de l’Amérique. Il est le germe même, le Haut-Mal qui a jeté son dévolu sur son porteur, son transmetteur, son petit télégraphiste hollywoodien grand comme un continent.
Mais bien plus encore, – comme on s’en doute je n’en ai pas fini. Avec sa capacité énorme de contagiosité, l’Amérique a infecté toute la civilisation européenne dont elle est issue et dont elle fut détournée par le “déchaînement de la Matière” avec pour mission de répandre sur elle et en elle cette pandémie épouvantable auquel on donnerait le nom charmant et enchanteur de “modernité”. Ainsi tous les membres du club que nous nommons bloc-BAO montrent les mêmes signes indubitables de l’hybris, Covid-1776, son arrogance, son irresponsabilité, son anomie (encore ce mot ! Les mots nouveaux contenant des caractères épars qu’il faut rassembler en une signification me sont chers).
Depuis quelques décennies, nous avons installé un verrou irrésistible pour nous enfermer dans notre hybris, – laquelle n’est plus un vice affreux, une faiblesse terrible mais une prison fermée à double tour. Ce verrou, c’est le système de la communication portée à son extrême technologique et informationnel. L’ensemble du dispositif fracasse la vérité, accumule simulacre sur simulacre, impose des narrative avec leur contraintes logiques et nourrit irrésistiblement l’hybris qui n’est plus que prétention grotesque, arrogance-bouffe. Je crois bien que l’Ukraine est le terrain rêvé pour compléter cette opération et il me paraît tout à fait évident que le concept de “déterminisme-narrativiste” qui est l’obligation d’enfermement dans notre hybris-bouffe de héros humanitaire et ridicule qui va éclater durant la guerre d’Ukraine a été déterminé lors de la première phase de la crise, en 2014.
Enfin et en d’autres mots, notre-hybris, qui n’a pas grand’chose de commun avec celle des Grecs anciens qui ne reculaient pas devant le sacrifice suprême, n’est rien de moins, pour la psychologie de la modernité, que sa pathologie de mort. Nul besoin d’un Alexandre ou d’un Napoléon pour ça : il suffit d’un Zelenski ou d’un Macron, de même que d’une hybris-bouffe pour satisfaire nos chroniqueurs de la presseSystème.
PhG – Semper Phi
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Hybris, le mot clef de la politique américaine
Mot du jour : ὕβρις (Hybris) est une catégorie négative de la culture grecque classique. Ce mot signifie manque de mesure, arrogance, ivresse du pouvoir, confiance excessive en soi.
Dans le réalisme classique de Hans Morgenthau, basé en grande partie sur l'Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, la catégorie ὕβρις a une signification particulière. Les réalistes, qui proposent un retour aux origines (c'est-à-dire aux Grecs) par opposition aux néo-réalistes, chez qui les concepts d'"équilibre des forces", de "puissance" et d'"anarchie internationale" acquièrent des traits mécaniques, y prêtent une attention fondamentale.
Dans cette interprétation, c'est l'ὕβρις qui est la cause du déclin et des défaites d'Athènes. L'absence de la vertu de maîtrise de soi conduit au déclin du pouvoir hégémonique. Seule la maîtrise de soi, une mesure, permet de gouverner efficacement. Sinon, c'est le désastre.
"L'arrogance de la tragédie grecque et shakespearienne, le manque de retenue d'Alexandre, de Napoléon et d'Hitler sont des exemples de situations extrêmes et exceptionnelles", a noté Morgenthau.
Le succès et le pouvoir provoquent l' "ὕβρις", amènent les dirigeants des États, et donc les États eux-mêmes, à surestimer leur capacité à contrôler les événements, ce qui, comme dans les tragédies grecques, conduit au désastre. Les Grecs considéraient l' "ὕβρις" comme la propriété principale du début de l'ère titanique, qui se manifeste dans l'homme, conduisant à la peripeteia, – la disparition de la fortune, suivie de la nemesis, – le châtiment divin.
Ce n'est pas seulement l'équilibre des forces, mais aussi l'ordre, la loi, le “nomos” qui assurent la stabilité des relations entre les États. Le nomos exige la mesure. Le manque de mesure et l'arrogance conduisent à l’anomie, qui ne peut être surmontée que par la création d'un nouvel ordre. La tragédie grecque devient un paradigme pour comprendre les relations internationales.
Dans notre histoire, l’“arrogance” de l'unique superpuissance, la violation des normes écrites et non écrites du droit international (nomos) l'ont de facto aboli, le manque de retenue dans la revendication du contrôle de territoires de plus en plus nombreux et l'imposition de ses propres attitudes civilisatrices a conduit à un retour de bâton de la part de la Russie et peut-être à l'avenir de la Chine. Le conflit ukrainien est une conséquence du déclin du pouvoir débridé des États-Unis, causé par le pouvoir lui-même. Mais la dimension tragique ouvre la perspective d'une purification si le nouveau pouvoir est fondé sur la loi sacrée, apportant avec elle l'ordre et la justice. Comme dans l'Antigone de Sophocle, le nouvel ordre naît dans la tragédie, lorsque la tentative de faire respecter la supposée “légalité” relève du titanique et du tyrannique, de l'ὕβρις .
Cependant, on peut continuer à raisonner dans ce sens. Le début d'une période titanique de l'histoire se caractérise non seulement par l'excès, mais aussi par la déficience, par le fait de ne pas aller jusqu'au bout, par l'abandon des limites finales. L'important n'est pas d'être des titans en pensée et en action. L'incertitude des limites, le flou de l'image est une caractéristique de ces pouvoirs. L'ordre exige la clarté, la compréhension, la clarté de l'objectif et la clarté de la vision, littéralement la "théorie".
Alexander Bovdunov
‘Katehon.com’ et ‘Euro-Synergie’
Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org