L’Abrams est une formidable machine de combat, avec un blindage lourd, un canon performant, une vitesse de déplacement élevée, une électronique de pointe. Le moteur Honeywell AGT1500 du char Abrams est également utilisé sur les hélicoptères Bell AH-1W SuperCobra, Boeing AH-64 Apache, Sikorsky UH-60 Black Hawk, AgustaWestland EH101/AW101. Ce char présente cependant quelques problèmes, dus à la solution adoptée pour la propulsion, à savoir le turboréacteur.
Ce type de moteur ne démarre pas avec un démarreur comme n’importe quel moteur diesel, mais avec un petit moteur à réaction (APU). Ce n’est qu’une fois que l’APU a atteint le régime de ralenti que l’air qu’il comprime commence à faire tourner le compresseur du moteur du char pour le faire démarrer. Par conséquent, si pour une raison quelconque l’ennemi le surprend avec le moteur du char arrêté, il faut au moins 5 minutes pour le redémarrer, pendant lesquelles le char reste immobile.
Le turboréacteur comporte 2 arbres axiaux correspondant à la turbine basse pression d’une part, et à la turbine haute pression d’autre part. Pour fonctionner à la vitesse maximale, la vitesse des 2 arbres doit être portée à 15 000-20 000 tr/min. Pour équilibrer la vitesse des 2 arbres et éviter l’apparition du phénomène de pompage dans le moteur, un régulateur électronique est installé. Ce régulateur est également conçu pour protéger la transmission du char des chocs de pression dans le turboréacteur. En bref, le char de 65 tonnes ne démarre et n’accélère pas comme une voiture de course, car le temps de ralenti du moteur est de 7 secondes maximum.
Valentin Vasilescu
Pilote d’aviation, ancien commandant adjoint des forces militaires à l’aéroport d’Otopeni.
Traduction en français : AVIC-Réseau International
Source: ici
Notre commentaire:
Avec un réservoir de presque 2000 litres de carburant (1909 litres) pour une autonomie opérationnelle variant entre 150 et 400 km (théorique constructeur 450 km dans des conditions idéales, impossibles à réunir dans un champ de bataille et encore moins dans le contexte de la guerre en Ukraine), le char de bataille lourd Abrams est un monstre de plus de 60 tonnes (entre 57 et 66 tonnes) nécessitant une logistique lourde et complexe. Cette machine est tout sauf écologique.
En dépit de certaines améliorations apportés à la turbine en termes de consommation, celle-ci peut consommer jusqu’à 362 litres au 100 km dans certaines conditions d’utilisation et notamment en phase de lancement.
Les Irakiens qui ont utilisé une version “dégradée” de l’Abrams durant des années dans le cadre de la lutte contre le terrorisme se plaignaient énormément de sa consommation de carburant mais également de ses coûts de maintenance, jugés exorbitants au point où à un certain moment les militaires irakiens voulaient se tourner vers l’acquisition de chars russes. Pourtant l’Irak est l’un des pays pétrolier disposant de carburants à très bas prix.
Idem en Égypte, pays fabriquant sous licence un variant de l’Abrams et où le commandement militaire de ce pays a jugé prudent de garder ses autres chars dans un souci d’efficience économique et de maîtrise des coûts d’utilisation et de maintenance.
En bref, les Ukrainiens n’auront pas beaucoup de mal à trouver le type de carburant requis par l’Abrams, lequel accepte une large gamme de carburants (multifuel) dont le diesel agricole mais auront un mal fou pour approvisionner la bête à moins de disposer d’un puit de pétrole mobile…
S’il faut 10 minutes pour faire le plein (~2 tonnes), l’Abrams requiert près de 8000 litres de carburants toutes les six à huit heures en conditions normales l’utilisation. Cette proportion peut augmenter abruptement dans des conditions de combat, particulièrement en Ukraine. Au total, l’usage de dix chars Abrams nécessite en moyenne une disponibilité de près de 100 000 litres de carburants par demi journée de combat et ce, sans compter les lubrifiants, les pièces, les consommables et les munitions.
On est très loin de la frugalité des technicals 4×4 Toyota sur lequels peuvent être installés des missiles antichars modernes et disposant d’une meilleure mobilité et d’une excellente autonomie sur le terrain.
On le répétera jamais assez mais il n’y pas d’armes miracles ou de Wunderwaffen à l’heure actuelle même si on a longtemps voulu présenter certains systèmes d’armes comme indestructibles (le Merkava israélien et l’Abrams US), cela tenait plus à un effet de guerre psychologique et à l’aspect marketing que d’une réelle capacité de survie, à fortiori pour un char de combat, lequel demeure paradoxalement l’un des éléments les plus vulnérables sur le champ de bataille s’il n’est pas protégé par un soutien aérien rapproché ou tactique ou la couverture combinée de l’artillerie et de l’infanterie mécanisée.
L’introduction de l’Abrams sur le champ de bataille ukrainien est donc hautement symbolique et l’est même doublement du moment où elle consacre un vieux rêve remontant au jour où les forces US et soviétiques se sont rencontré sur l’Elbe (25 avril 1945 et dont les contours ont été correctement prévus par Hitler et l’OKH allemand dès 1944. C’est également la consécration d’une vieille obsession sous-jacente de la guerre froide 1.0. C’est au final le triomphe des faucons ayant fondé leur raison d’être sur une idéologie permettant la mise en place d’un système économique fondé sur la guerre en tant qu’unique moteur de croissance.
Il n’existe à l’heure actuelle aucun char de bataille qui puisse survivre à un barrage d’artillerie. De plus, l’évolution récente des drones kamikazes a démontré que certains chars sont vulnérables à des charges explosives de plus en plus puissantes délivrées sous certaines angles.
Lors de l’invasion US de l’Irak et l’insurrection subséquente à celle-ci , la censure militaire US tenait à ne jamais montrer les chars Abrams endommagés ou détruit. Il semble que cela ne soit plus le cas puisque la décision d’envoyer ces machines en Ukraine implique la diffusion publique des photographies et vidéos de leur destruction. Après avoir consommé toute la panoplie des productions militaires de l’ex-bloc de l’Est, la guerre en Ukraine sollicite toujours plus de destruction de matériel. La guerre est en effet un fait destructeur festif par excellence de l’accumulation. Détruire pour tout recommencer semble être la seule logique économique dans un monde où la guerre psychologique force les populations à la pénurie artificielle des ressources sous prétexte d’écologie à des fins de domination politique.
Related/Contenu similaire
Source: Lire l'article complet de Strategika 51