En profanant l’esplanade des mosquées d’Al-Aqsa, le leader du Pouvoir juif a montré qu’il tenait le fouet à la main, et il garde sûrement d’autres provocations dans sa manche.
Par Jonathan Cook
Source : Middle East Eye, le 5 janvier 2023
Traduction : lecridespeuples.fr
Le nouveau ministre israélien de la sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, n’a pas perdu de temps pour montrer qui est le patron. Mardi, quelques jours après la prestation de serment du gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahou, le politicien ultra-nationaliste s’est rendu directement au complexe de la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville occupée d’Al-Quds (JJérusalem), probablement le site le plus incendiaire du Moyen-Orient.
Ben-Gvir a agi ainsi malgré les informations selon lesquelles il avait convenu avec Netanyahou de retarder une telle visite par crainte des conséquences potentiellement explosives.
Mais qui lui demandera des comptes pour avoir joué avec le feu ? Un Premier ministre qui a désespérément besoin du soutien de Ben-Gvir pour rester au pouvoir afin que Netanyahou puisse légiférer pour mettre fin à son procès pour corruption et s’éviter la prison ? Ou les forces de police israéliennes sur lesquelles Ben-Gvir lui-même exerce désormais un contrôle sans précédent ?
Le chef du parti fasciste Pouvoir juif a profité de sa visite pour indiquer à ses partisans et à Netanyahou qu’il ne répond à personne et qu’il ne fera aucun compromis sur sa propre idéologie extrême de suprémacisme juif.
La visite a également envoyé un autre message : Ben-Gvir semble prêt à provoquer une guerre de religion, une guerre qui démontrerait une fois pour toutes le pouvoir de son type d’extrémisme juif et de sa brutalité pour soumettre toute opposition musulmane. Al-Aqsa pourrait être la poudrière qui déclencherait une telle conflagration.
La visite de Ben-Gvir s’est déroulée, du moins jusqu’à présent, sans réaction palestinienne significative, bien que le Hamas ait averti à l’avance qu’il ne resterait pas les bras croisés, menaçant de « violence explosive ».
Ben-Gvir tâtait le terrain. Il reviendra sûrement bientôt, avec des provocations plus importantes. Pendant et après la récente campagne électorale générale en Israël, il a demandé que les Juifs puissent prier sur le lieu saint musulman et a déclaré qu’il exigerait que Netanyahou y instaure ce qu’il appelle « l’égalité des droits pour les Juifs ».
Protestation diplomatique
La crainte de ce que Ben-Gvir pourrait faire ensuite, à moins que Netanyahou ne le maîtrise, explique en partie pourquoi sa visite a déclenché une telle tempête de protestations diplomatiques. La Jordanie, qui a la garde officielle du lieu saint, a convoqué l’ambassadeur d’Israël pour lui passer un savon, tandis que les États-Unis, le protecteur d’Israël, se sont dressés pour qualifier la visite d’ « inacceptable ». Les Emirats Arabes Unis ont reporté la prochaine visite de Netanyahou.
Ben-Gvir sera ravi de ces réprimandes purement symboliques. Le précédent dont il s’est inspiré est la visite à Al-Aqsa, en septembre 2000, d’Ariel Sharon, alors leader de l’opposition, soutenu par 1 000 membres des forces de sécurité israéliennes, malgré l’opposition de la police d’Al-Quds (Jérusalem).
Cette incursion a déclenché un soulèvement palestinien, la deuxième Intifada, justifiant des années de répression militaire israélienne écrasante. Israël a utilisé des chars pour confiner le dirigeant palestinien de l’époque, Yasser Arafat, dans son quartier général de Ramallah, tandis que l’armée israélienne émasculait l’Autorité palestinienne (AP), annulant ainsi la promesse d’autonomie implicite dans les accords d’Oslo. La société palestinienne a été progressivement vidée de sa capacité et de sa volonté de soutenir un soulèvement qui a coûté des milliers de vies.
Ben-Gvir pourrait chercher à provoquer une confrontation similaire afin de fournir un prétexte pour achever ce qui reste de l’AP. Il pourrait également y avoir un avantage politique intérieur : Sharon a profité de la vague de nationalisme juif qu’il a déclenchée pour accéder au poste de Premier ministre. Le public israélien voulait un général intransigeant et un patriote juif pour écraser le peuple palestinien et le soumettre.
Déjà porté par une nouvelle vague de chauvinisme juif, ainsi que par la légitimité politique que Netanyahou lui a conférée en faisant entrer son parti au gouvernement, Ben-Gvir pourrait espérer voir ce scénario se reproduire.
Voir Norman Finkelstein : Netanyahou est un raciste et un suprématiste juif, à l’image d’Israël
Des nationalismes rivaux
Les médias israéliens, les États arabes et les diplomates occidentaux ont tous présenté la visite de M. Ben-Gvir comme une menace pour ce que l’on appelle le « statu quo » : un ensemble de principes convenus au XIXe siècle, et renouvelés après l’occupation de Jérusalem par Israël en 1967, pour consacrer la souveraineté musulmane sur l’esplanade des mosquées et le pouvoir des autorités musulmanes de réglementer l’accès et le culte.
La vérité, cependant, est qu’Israël a réduit le statu quo à un rythme de plus en plus rapide depuis la visite de Sharon. C’est pourquoi l’incursion du général israélien a déclenché une explosion de la part des Palestiniens il y a vingt ans, alors que celle de Ben-Gvir, du moins jusqu’à présent, ne l’a pas fait. Les violations du statu quo par des politiciens israéliens extrémistes ne sortent plus autant de l’ordinaire.
Peut-être plus que tout autre dirigeant israélien de son époque, Sharon a compris à quel point Al-Aqsa était devenu le cœur symbolique et battant d’un jeu de pouvoir entre les nationalismes israélien et palestinien rivaux. En encourageant la distinction entre le sentiment national et le sentiment religieux à s’estomper, comme il l’a fait à Al-Aqsa, il a contribué à unifier une société israélienne profondément divisée par les questions de religion.
La propriété de l’esplanade des mosquées, ou du Mont du Temple, comme l’appellent les Juifs israéliens, en référence aux deux anciens temples juifs qui se trouveraient sous la place, était considérée comme le corollaire naturel, et la confirmation, du titre juif sur la terre. Ou, comme l’a dit Sharon à l’époque, le lieu saint était « la base de l’existence du peuple juif, et je n’ai pas peur des émeutes des Palestiniens ».
C’est ainsi que l’ultra-nationaliste et laïc Sharon redéfinit le conflit. Il a fait de l’affirmation de la souveraineté juive sur la place un prérequis pour tout politicien israélien en quête de pouvoir. Après être devenu Premier ministre, et en pleine seconde Intifada, Sharon a unilatéralement imposé en 2003 l’accès des Juifs et des autres non-musulmans au site, malgré l’opposition du Waqf, les autorités religieuses musulmanes d’Al-Aqsa.
Aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de l’accord de statu quo. Les forces d’occupation israéliennes déterminent exclusivement qui peut entrer à Al-Aqsa. Le culte musulman peut être limité quand Israël le décide. Les Palestiniens de Gaza, piégés dans leur enclave par des clôtures et des miradors, sont exclus en permanence du lieu saint.
Pendant ce temps, les soldats israéliens en treillis militaire, ainsi que les juifs religieux et les colons, ont un accès facile au 3e lieu saint de l’Islam, et ils profitent souvent de leurs visites pour prier, en contradiction flagrante avec le statu quo. De plus en plus, les forces de sécurité israéliennes prennent d’assaut la mosquée à leur guise ; un tel incident survenu en mai 2021 a contribué à des semaines de violence dans les territoires occupés et en Israël.
Relations maître-serf
Comme Sharon, Ben-Gvir considère Al-Aqsa comme une cause nationaliste suprême. L’un de ses députés, Zvika Fogel, ancien commandant militaire israélien en charge de Gaza, a exposé l’objectif de Ben-Gvir, suggérant qu’il pouvait être atteint sans réaction palestinienne : « Nous ne devrions pas traiter sa visite comme quelque chose qui conduira à une escalade. Pourquoi ne pas la considérer comme faisant partie de la réalisation de notre souveraineté [juive] ? »
Pourtant, face à un Netanyahou affaibli, Ben-Gvir doit espérer pousser encore plus loin la politique de Sharon, non seulement en affirmant le principe de la propriété juive du lieu saint, mais aussi en consacrant la réalité physique du contrôle juif absolu.
Il s’agit notamment de donner la priorité au culte juif, comme c’est le cas actuellement à Hébron, à la mosquée Ibrahimi. C’est un modèle que les colons qui suivent Ben-Gvir veulent reproduire à Al-Aqsa, et cela implique également la partition physique de la place Al-Aqsa, reflétant la réalité à Hébron.
De telles ambitions reproduisent à Al-Aqsa la relation maître-serf qu’Israël a développée dans les territoires occupés de Cisjordanie et de Jérusalem-Est. En cas de contestation de la domination juive sur l’esplanade, le gouvernement israélien pourrait alors punir les musulmans et leur interdire l’accès, la police d’État (désormais sous le contrôle de Ben-Gvir) étant habilitée à pénétrer dans la mosquée ou tout autre site de l’esplanade chaque fois qu’elle le juge nécessaire.
Mais cela ne s’arrête pas là. Comme ses partisans, Ben-Gvir veut détruire le lieu saint musulman et le restaurer en temple juif. Il l’a dit en mai dernier lorsqu’il a visité le complexe d’Al-Aqsa, en postant une photo appelant à l’éradication de la mosquée pour « établir une synagogue sur le mont ».
La dernière guerre
Pour l’instant, Ben-Gvir semble utiliser les députés de son parti comme porte-parole, afin de ne pas mettre en péril son accord de coalition avec Netanyahou. Après la visite de mardi, M. Fogel s’est réjoui de la perspective de voir le Hamas riposter par des tirs de roquettes depuis Gaza. Il a déclaré qu’une telle épreuve de force « en vaudrait la peine car ce sera la dernière guerre, et après cela, nous pourrons nous asseoir et élever des colombes et tous les autres beaux oiseaux qui existent. »
Ben-Gvir n’a pas besoin de mettre le feu directement à Al-Aqsa. Avec les forces de police israéliennes sous son commandement, et avec son allié politique Bezalel Smotrich chargé de gérer l’occupation, il dispose de tout un arsenal d’autres moyens, notamment à Al-Quds (Jérusalem), pour enflammer la population palestinienne.
Les assassinats de civils par la police, l’expansion des colonies, les démolitions de maisons et la construction d’un téléphérique à travers Jérusalem-Est occupée pour amener les touristes juifs au pied de la mosquée Al-Aqsa sont autant d’éléments susceptibles d’attiser les tensions. Ben-Gvir peut également rendre la vie des prisonniers de sécurité palestiniens encore plus misérable, comme il a promis de le faire pendant les élections, provoquant des grèves de la faim.
La colère des Palestiniens trouve souvent son exutoire à Al-Aqsa en raison du rôle du lieu saint en tant que symbole religieux et nationaliste, en particulier pour un peuple privé de tout autre symbole national.
Les alliés politiques les plus proches de Ben-Gvir au sein du mouvement du Mont du Temple ont déjà en ligne de mire la Pâque juive en avril, qui coïncide cette année avec le milieu du Ramadan. Ils ont demandé à la police, comme chaque année, de les autoriser à pratiquer des rituels provocateurs, tels que le sacrifice d’animaux, associés à la construction d’un temple juif à la place de la mosquée Al-Aqsa. Chaque année, la police tente de les arrêter, mais cette année, c’est Ben-Gvir qui dictera la politique de la police.
L’universitaire Tomer Persico, un observateur attentif des racines kahanistes de Ben-Gvir, note que dans une interview de 2019, le leader du Pouvoir juif a soutenu que la « grande différence » entre lui et son mentor, le rabbin extrémiste Meir Kahane, était qu’ « ils nous donnent un micro », alors que Kahane était évincé par l’establishment politique israélien.
Voir Nasrallah : ‘Israël n’est pas un État juif et sera détruit, les colons seront expulsés ou décimés’
C’était il y a trois ans. Ben-Gvir est rapidement devenu le nouveau courant dominant en Israël. Aujourd’hui, avec ses pouvoirs ministériels et une plate-forme nationale pour amplifier ses incitations, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne mette le feu aux poudres.
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Nasrallah met en garde Israël : la grande guerre de Libération de la Palestine approche
[…] En cette Journée Internationale d’Al-Quds (Jérusalem), je tiens à dire aux Israéliens, aux Palestiniens et aux peuples du monde : de même que nous croyons de manière ferme, décisive et irrévocable, qu’Al-Quds et la Palestine sont des causes justes, nous croyons fermement, en nous basant sur notre foi, sur le Coran, sur notre dogme, et sur les enseignements, expériences et principes de l’Histoire, et sur notre lecture de l’avenir, que cette ville d’Al-Quds sera restituée à ses propriétaires légitimes, et que la Palestine sera (complètement) libérée. Et les sophismes de Netanyahou ne leur seront d’aucun secours.
Hier, Netanyahou a déclaré que l’Imam Khamenei veut à nouveau enrichir de l’uranium pour fabriquer une arme nucléaire et tuer 6 millions de Juifs en Palestine occupée. Ce sont des mensonges. Premièrement, l’Iran n’aspire pas à la bombe nucléaire, et deuxièmement, personne ne veut tuer 6 millions de Juifs en Palestine occupée. Notre discours, le discours du peuple palestinien et le discours des peuples arabes et musulmans, et même le discours de l’Islam — je peux affirmer que c’est là le discours de l’Islam — et le discours de la Résistance est celui-ci : nous ne voulons pas tuer, nous ne voulons pas détruire, nous ne voulons jeter (noyer) personne dans la mer. Nous vous disons de manière très civilisée : embarquez dans vos navires, embarquez dans vos avions, et retournez dans les pays d’où vous êtes venus. En ce qui concerne (la minorité de) Juifs autochtones, qui sont originaires de Palestine, ce sont des habitants de la Palestine et ils pourront y rester. Quant aux envahisseurs, aux occupants, aux colons (sionistes) venus des quatre coins du monde, qu’ils plient bagage et s’en aillent.
Voir Norman Finkelstein sur l’élection de Netanyahou, le racisme en Israël et les « djihadistes juifs »
Tel est le message de l’Islam, et tel est le message de la Résistance. Tel est le message des peuples de la région. Contrairement à ce que prétend Netanyahou, personne ne veut perpétrer de nouvel Holocauste ou quoi que ce soit de tel. Mais si vous insistez pour perpétuer l’occupation, alors je vous déclare que le Jour de la Grande Guerre dans cette région, quel qu’en soit l’élément déclencheur, approche (à grands pas). Ce jour proche est celui où nous prierons tous à Al-Quds (Jérusalem).
En attendant ce jour, d’une attente positive (et active), en nous y préparant, véritablement et avec foi, je vous dis à la Grâce de Dieu, et que la paix de Dieu soit sur vous, ainsi que Sa Miséricorde et Ses Bénédictions.
Voir notre dossier sur la situation en Palestine occupée.
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