par le Prof. Dr Srđan Aleksić
L’attaque de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie pendant la guerre du Kosovo, contraire au droit international, a débuté le 24 mars 1999 et s’est achevée le 10 juin 1999. Selon l’OTAN, ses pilotes ont effectué 38 000 missions, dont 10 000 attaques aériennes, au cours de cette opération qui a duré 78 jours. Selon les estimations, les attaques ont fait entre 3500 et 4000 morts et environ 10 000 blessés, dont les deux tiers étaient des civils. Lors des frappes de l’OTAN, 10 à 15 tonnes d’uranium appauvri ont également été larguées sur le territoire serbe. En conséquence, environ 5500 cas de cancer par million d’habitants ont été enregistrés. Aujourd’hui, la Serbie compte le plus grand nombre de décès par cancer en Europe. Selon les statistiques à disposition, 33 000 personnes ont été atteintes d’un cancer en Serbie. Parmi elles, un enfant par jour. Aujourd’hui encore, 23 ans après, la population souffre des conséquences de l’utilisation de munitions à l’uranium appauvri (voir Horizons et débats n°3 du 9 février 2021).
Cela étant insupportable pour le professeur Srđan Aleksić, avocat à Niš en Serbie, ce dernier a commencé à agir. Avec le soutien actif de son ami le professeur Velimir Nedeljkovic, il a commencé à rassembler les cas de victimes des bombardements à l’uranium appauvri. D’innombrables victimes et familles de victimes s’étaient adressées à lui – plus de 3300 personnes. Son objectif : une action en dommages-intérêts contre l’OTAN. Après deux conférences internationales en 2018 et 2019 et d’innombrables expertises, il disposait, avec une équipe d’avocats internationaux, de suffisamment de preuves pour déposer une première plainte auprès de la Cour suprême de Belgrade le 20 janvier 2021. L’OTAN a répondu le 18 mars 2022 par une note diplomatique. On y lit notamment ceci : « […] Il est rappelé que l’OTAN, y compris le bureau de liaison militaire de l’OTAN à Belgrade, jouit d’une immunité totale de juridiction et de poursuite en République de Serbie. […] L’OTAN n’a renoncé à aucune de ces immunités en ce qui concerne cette procédure ou d’autres. […] Compte tenu de ce qui précède, l’OTAN ne participera pas à la procédure et s’attend à ce que le statut, les privilèges et les immunités dont bénéficie l’Organisation soient pleinement maintenus par les autorités serbes, y compris les tribunaux. L’OTAN attend du gouvernement de la République de Serbie qu’il prenne toutes les mesures nécessaires pour que le statut dont bénéficie l’Organisation soit reconnu et mis en œuvre par la Cour suprême à Belgrade. […] » (Traduction Horizons et débats)
L’essentiel de la note de l’OTAN mentionnée ci-dessus se cristallise autour de l’immunité, notamment la limitation de la juridiction de la République de Serbie en ce qui concerne la conduite des procédures judiciaires à l’encontre des officiers et des soldats de l’OTAN. La dite note se base sur « l’accord sur le transit des troupes de l’OTAN à travers la Serbie et le Monténégro », signé le 18 juillet 2005, ainsi qu’aux accords de 2006, qui ont établi le bureau de liaison militaire à Belgrade.
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Je voudrais vous remercier d’être ici aujourd’hui, vous qui avez cru en nous dès le début et qui nous avez soutenus quand personne d’autre ne le faisait. Je voudrais vous dire que vous avez joué un rôle important dans ce périple que nous avons entrepris.
Comme beaucoup d’entre vous le savent, nous avons poursuivi l’OTAN en Serbie et nous avons reçu une réponse dans laquelle elle invoquait l’immunité, c’est-à-dire la limitation de la juridiction de la République de Serbie pour les poursuites pénales contre les soldats et les officiers de l’OTAN. Celle-ci a été établie dans les accords conclus avec l’OTAN en 2005 et 2006, qui ont créé le bureau militaire à Belgrade.
Ces accords ne sont pas applicables à la situation actuelle pour plusieurs raisons :
Premièrement, si nous parlons d’accords entre deux entités juridiques internationales, ce qui est sans aucun doute le cas de l’OTAN et de la République de Serbie, nous devons partir de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969, qui confirme le principe du droit international : le principe de non-rétroactivité.
La Convention de Vienne stipule en effet que les dispositions d’un traité ne lient aucune des parties contractantes en ce qui concerne des événements et des faits antérieurs à la date d’entrée en vigueur de l’accord, à moins que les parties contractantes n’en aient décidé autrement.
Deuxièmement, l’immunité dont se prévaut la mission de l’OTAN en République de Serbie ne peut même pas être invoquée en vertu de la convention des Nations unies sur les privilèges et immunités, principalement parce que, dans cette convention, l’immunité a été accordée aux experts exclusivement dans l’intérêt de l’Organisation des Nations unies, et qu’un crime contre la paix et contre l’humanité tel que celui commis en 1999 avec le bombardement de la Yougoslavie n’est certainement pas dans l’intérêt de l’Organisation des Nations unies.
Troisièmement, dans ce litige, aucun fonctionnaire de l’OTAN n’a été légitimé passivement, mais la plainte est dirigée contre l’OTAN en tant qu’organisation internationale, et dans ce contexte, l’invocation de l’immunité n’a aucun effet ni aucune base juridique.
L’audience est prévue pour le 16 octobre et nous y exposerons tous nos arguments pour expliquer pourquoi l’organisation de l’OTAN ne peut pas bénéficier de l’immunité en Serbie. Nous avons également l’expertise du professeur Rita Celi de l’université de Turin sur la détermination de la présence de métaux lourds et d’uranium appauvri chez deux de nos clients, un militaire qui se trouvait au Kosovo et à Metohija, et une femme qui habitait en face des quartiers de l’état-major à Belgrade au moment du bombardement.
Le Dr Celi a démontré que la présence de 21 types de métaux lourds et d’uranium appauvri était 500 fois supérieure à la normale, ce qui n’avait jamais été constaté auparavant.
Je vous remercie pour le soutien important que vous m’apportez et j’espère que nous continuerons à travailler ensemble à l’avenir.
Exposé lors de la conférence annuelle du groupe de travail « Mut zur Ethik » (« Europe – vers quel avenir ? ») du 2 au 4 septembre 2022.
source : Horizons et Débats
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