Fausse couche à 40 ans: «une autre fécondité peut éclore»

Fausse couche à 40 ans: «une autre fécondité peut éclore»

Tomber enceinte quand les ovules vieillissent au même rythme que les cheveux grisonnent, c’est presque gagner à la loterie de la génétique. À 40 ans, chaque fois que la femme ovule, il y a seulement 6% de probabilité de concevoir. Oui, le pourcentage diminue chaque fois, dans le temps. Mais tout de même, quand le test de grossesse vire au positif, c’est une nouvelle qui semble faire un pied de nez aux statistiques.

Une fois passé le cap de la conception se présente toutefois cet autre arsenal de probabilités : 33% de risque de fausse couche au premier trimestre, une chance sur 112 pour les risques de trisomie, sans parler des complications possibles durant la grossesse.

En marge des chiffres, on entend les bonnes paroles d’espoir. «De nos jours, on a des enfants de plus en plus tard.» On étudie plus longtemps, on vit la liberté de la jeunesse, et enfin, après la mi-trentaine, on souhaite que ça se passe.

Enfin, ça a été mon cas. Une vingtaine incertaine à changer et rechanger de programme d’études. Entretemps, vivre une conversion spirituelle. Considérer le mariage début trentaine. Trouver mon compagnon de vie. Vers 35 ans, envisager positivement la vie de famille. Avoir finalement un enfant, en être émerveillée. Lui souhaiter un frère ou une sœur. Tomber enceinte à l’aube de mes 40 ans, mais deux mois plus tard, glisser dans la case des 33% qui perdent le bébé.

La porte étroite de la foi

Dans les jours suivant la perte, j’ai lu Le Petit Prince. Au fil de l’histoire, le Petit Prince rencontre un renard qui lui demande de l’apprivoiser. Il apprend qu’apprivoiser quelqu’un est de le reconnaitre comme unique parmi ses semblables, comme l’est sa fleur sur sa planète, différente de toutes les autres. À la lecture du livre, j’ai pensé à l’embryon que je portais. Il était devenu unique à mes yeux et se distinguait maintenant de tous les enfants hypothétiques que nous désirions avoir.

Il y avait d’abord eu la joie que Dieu m’ait fait le don d’une âme. Et rapidement, l’incompréhension. Pourquoi l’imperfection des processus génétiques l’avait-elle emporté sur la vie voulue par Dieu? Enfin, la sensation de la stérilité qui s’abat sur nous comme un mauvais sort stigmatise la chair.

Bien qu’on ne puisse tenir la vie pour acquise ni la contrôler, le retrait d’un si grand don est un scandale pour celle qui porte l’enfant. Devant l’absurde d’accoucher de la mort, plusieurs attitudes sont possibles.

Se révolter, bien sûr. Être en colère que l’échec soit arrivé, qu’une espérance s’éteigne avant même qu’elle soit née.

Ou encore, avoir la foi. Une autre attitude possible, qui semble déjouer la raison. Mais l’acte de foi n’est pas irrationnel. Il n’est pas un déni non plus. Il est une disposition à accueillir la grâce de Dieu dans ce qui arrive, aussi dramatique la situation soit-elle.

Donne-nous la paix

Il arrive que nous ne vivions pas la fécondité que nous espérions. Nous avions un plan, en apparence compatible avec le bonheur que Dieu désirait pour nous, comme avoir un enfant. Puis, les plans échouent. La stérilité semble primer, la mort l’emporter. Mais à travers cette souffrance aigüe, une autre fécondité peut éclore. La même que Jésus a vécue sur la croix et qui vaut pour toute épreuve.

La foi dont je fais l’expérience consiste à s’unir au Crucifié qui est avec nous dans ce que nous traversons. Aussi mystérieux que cela puisse être, quand on l’invoque, il nous donne sa paix, sa consolation, il nous indique un autre chemin. Il saigne douloureusement à nos côtés, lui qui est tombé trois fois, mais s’est relevé pour l’éternité.

Cette paix surnaturelle, il m’est donné de la vivre et de la revivre, alors même que je devrais pleurer ma vie. Parce que dans l’espérance du Ciel, la seule paix possible nous vient d’en-haut. Elle nous donne de lutter envers et contre tout, quoiqu’il arrive, et de compatir à la souffrance des autres. C’est à ce moment que l’expérience de ma foi se fortifie, qu’elle m’est un gage qu’il existe autre chose de plus beau et de plus grand quelque part.

Dans ce quelque part, un jour, j’espère rejoindre tous les morts que je souhaite tant revoir.

Et toi, que je n’ai pas eu la chance de connaitre.

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