La réalité des problèmes est le fait que les principaux intéressés (actuellement, les internes) ne sont pas consultés ni écoutés par les « autorités ». Le fait que les énarques et autres hauts fonctionnaires croient tout savoir sur la santé sans jamais avoir tenu un stéthoscope ou une seringue au lit d’un patient ou sur le bord d’une route pour soigner un accidenté en danger. Le fait qu’ils n’ont jamais monté un escalier d’immeuble délabré de nuit en cherchant à la lumière d’une lampe de poche le nom mal prononcé au téléphone d’un patient, etc.
Le problème est que ces « hauts » fonctionnaires n’ont pas à prendre des responsabilités parfois vitales pour la personne en face d’eux dans un contexte de fatigue et de dizaines d’heures successives de travail… Le problème est que ces « hauts » fonctionnaires ont une ribambelle de collaborateurs et autres secrétaires pour s’occuper des paperasseries. Que ces mêmes hauts fonctionnaires imposent aux professions de santé, et aux internes en particulier – qui, eux/elles, doivent obligatoirement satisfaire eux/elles-mêmes au remplissage de tableaux, statistiques — le respect de normes paperassières au détriment de leur emploi du temps et de leur temps de fonctionnement médical… Le problème est que depuis des décennies, c’est le cortège pléthorique de fonctionnaires dans leurs bureaux (et dans leurs privilèges) qui décident à la place des professionnels de terrain, toutes professions de santé confondues, comment ces soignants (les vrais, pas ceux qui restent dans leurs tours d’ivoire, mais ceux/celles qui ont les mains dans le cambouis) doivent travailler, quelles tâches ils/elles doivent accomplir, et en dépassant (faisant plus que doubler très souvent) les « 35 heures » hebdomadaires de travail !
Le bon sens d’un ministre ne suffit pas
Eh bien, ça y est, nous y sommes, le système de santé est en train de finir de s’effondrer ! Les internes en sont un exemple fort concernant l’hôpital, la fin des généralistes en est un exemple fort concernant la médecine « de ville ». Je ne doute pas du bon sens ni de la bonne volonté du Dr Braun, le nouveau ministre (même si je ne le connais pas personnellement) ; l’ancien ministre de l’Éducation Nationale Claude Allègre parlait en son temps du « mammouth » pour évoquer le système « Éducation Nationale ». Concernant le système de santé, nous avons affaire à un troupeau de mammouths planqués à tous les niveaux du ministère de la Santé et des rouages de la Sécurité Sociale ; et le Dr Braun ne fait pas le poids face à la conjonction d’une force d’inertie incroyable et d’incompétences qui font leurs preuves depuis si longtemps, quels que soient sa (bonne) volonté et ses compétences (réelles) de terrain.
Raisons pour lesquelles je parlais de « révolution » nécessaire ; si le Président Macron n’en a pas conscience, c’est la rue, le peuple, qui vont durement le lui rappeler. Souvenez-vous de l’expression, dans la bouche de n’importe quelle personne, quels que soient son âge, son statut social, ou professionnel, son pouvoir d’achat, etc., « L’important c’est d’avoir la santé ! »… En France, s’il y a bien une certitude maintenant, dont la très grande majorité des citoyens sont en train de prendre conscience, c’est qu’on ne peut plus en être sûr, c’est qu’il y a une part de plus en plus grande de hasard dans le fait d’avoir les (bonnes) conditions pour « avoir la santé ».
Dr Jérôme Lefrançois Médecin généraliste, Rouen (76)
Source : Le Quotidien du médecin
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