Doan Bui et Leslie Plée nous emmènent de l’autre côté du miroir complotiste. Un vade-mecum très utile à mettre sous le sapin à l’approche des fêtes de fin d’année.*
« Une bande dessinée de salubrité publique » dit la quatrième de couv’. C’est vrai ! En moins de 200 pages, Fake News fait le tour du problème de la désinformation complotiste. Un manuel disponible, depuis le printemps 2021, chez Delcourt.
Qui en sont les auteurs ? La scénariste, d’abord. Il s’agit de la journaliste Doan Bui (« soi-disant » signale la couverture avec facétie), grand reporter à L’Obs et récipiendaire en 2013 du prix Albert Londres. Ce n’est pas sa première bande dessinée. On lui doit aussi Le Vietnam raconté à mes filles avec Tiphaine Rivière et C’est quoi, un terroriste ? Le procès Merah et nous (éd. Delcourt, 2019) avec la dessinatrice Leslie Plée. Cette dernière signe les dessins de Fake News. Blogueuse à une époque qui a révélé Pénélope Bagieu ou Boulet, et qui développe depuis des années des albums où elle raconte son quotidien dans un style simple, percutant et immédiatement lisible, notamment Tu l’as dit Jamy ! (Stock, 2019), avec Jamy Gourmaud, de la mythique émission « C’est pas sorcier ».
Passée la page de la définition de l’infox, les autrices nous emmènent au royaume d’Alice au pays des merveilles, littéralement de l’autre côté du miroir complotiste (comme elle est bien trouvée cette image !). On entre dans l’ouvrage avec deux exemples de la sociologie des amateurs de vérité alternative : les truthers, des négationnistes en fait, qui affirment, contre toute évidence, que le 11-Septembre n’a pas eu lieu comme on le dit et que les fusillades qui ont sporadiquement endeuillé l’Amérique ne sont que pure invention. Un utile focus est proposé d’entrée de jeu sur la tuerie de l’école Sandy Hook dont on commémorera le triste dixième anniversaire d’ici quelques jours. Ces complotistes ne se contentent pas de nier les faits : ils vont jusqu’à harceler les victimes, en les empêchant de s’exprimer, en contestant systématiquement leurs témoignages sur les réseaux sociaux ou les plateaux de télévision. Sans jamais l’ombre d’une preuve…
Et puis la galerie bigarrée des fabricants de vieilles lunes : les platistes, pour qui la Terre a la forme d’une galette de Pont-Aven, les climato-sceptiques, les dénonciateurs d’Illuminati… L’inventaire est jalonné d’informations précises, d’éclairages et d’anecdotes qui permettent de prendre la mesure du phénomène. Les deux autrices n’oublient pas de disséquer le sujet avec une explication des algorithmes du Net qui, par leur système de recherche de la satisfaction, tendent à favoriser l’enfermement des internautes dans des bulles cognitives. Elles évoquent le problème des « usines à fake news », où l’on fabrique des contenus faux pour le compte de groupes de pression ayant intérêt à leur diffusion, comme c’était le cas pour Donald Trump, qui est l’objet d’un chapitre dédié, ou encore pour la mouvance QAnon.
Un chapitre final rappelle que ces mécanismes existent depuis l’invention de la sophistique et un glossaire en établit la terminologie, souvent comprise des seuls spécialistes. Bref, un vade-mecum utile à diffuser auprès des jeunes et des moins jeunes.
* Fake news. L’info qui ne tourne pas rond, de Dan Bui et Leslie Plée (Éditions Delcourt, 2021, 176 pages, 22,95 €).
Source: Lire l'article complet de Conspiracy Watch